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Un tribunal albertain rend un premier jugement interprétant les nouvelles règles régissant la tenue de procès simplifiés

6 août 2024

Le 27 juin 2024, la Cour du Banc du Roi de l’Alberta (la « CBRA ») a rendu le premier jugement interprétant le nouveau processus de procès simplifié dans le cadre de l’affaire Arsenault v Big Rock Brewery Limited Partnership by its general partner Big Rock Brewery Operations Corp. and Big Rock Brewery Operations Corp (l’« affaire Big Rock »). Ce jugement fournit des précisions utiles sur les facteurs devant être pris en compte par un tribunal afin de déterminer si la tenue d’un procès simplifié s’avère appropriée.

En janvier 2024, les règles de procédure de l’Alberta prévues dans les Alberta Rules of Court (les « Règles »), ont été modifiées pour abroger les règles de procès sommaire et les remplacer par de nouvelles règles de procès simplifié. Le processus de procès simplifié, tel qu’il est prévu à la partie 8 de la division 5 des Règles, vise à pallier les lacunes de l’ancien processus de procès sommaire.

Selon l’ancien processus de procès sommaire, le tribunal procédait à l’instruction du procès sommaire avant de déterminer s’il s’agissait du processus approprié pour une affaire donnée. Aux termes du nouveau processus de procès simplifié, le tribunal doit déterminer si le recours à un procès simplifié est approprié avant l’instruction de cette affaire. Si le tribunal détermine que la tenue d’un procès simplifié est appropriée en l’espèce, l’affaire sera alors instruite sur le fond et le premier juge saisi devra rendre un jugement. Pour avoir un aperçu du nouveau processus de procès simplifié, consultez notre Bulletin Blakes de janvier 2024 intitulé L’Alberta remplace les procès sommaires par des procès simplifiés.

Contexte

Dans l’affaire Big Rock, le demandeur a intenté un recours pour congédiement injustifié contre Big Rock Brewery, alléguant que cette dernière avait mis fin à son emploi sans motif valable et sans préavis raisonnable. Dans sa défense, Big Rock Brewery a soutenu que le congédiement du demandeur se fondait sur des motifs valables.

Après que les parties ont procédé à l’échange d’affidavits relatifs aux documents, le demandeur a déposé une demande pour la tenue d’un procès simplifié.

Analyse

La CBRA a examiné le test à deux volets prévu à la règle 8.25(1) des Règles, lequel test permet de déterminer s’il y a lieu ou non de tenir un procès simplifié dans une affaire donnée. Selon ce critère, le tribunal doit être satisfait que la tenue d’un procès simplifié est :

  1. nécessaire à la résolution juste et équitable de l’objet du litige;
  2. proportionnelle à l’importance et à la complexité des questions en litige, aux sommes concernées, et aux ressources pouvant être raisonnablement attribuées à la résolution du différend.

Il appartient à la partie ayant demandé la tenue d’un procès simplifié d’établir qu’il s’agit d’un moyen nécessaire et proportionnel pour résoudre le différend en cause.

Dans l’affaire Big Rock, la CBRA a présenté une liste non exhaustive de facteurs permettant de déterminer si la tenue d’un procès simplifié est « nécessaire ». Les circonstances lors desquelles la tenue d’un procès simplifié pourrait être jugée « nécessaire » sont notamment celles lorsqu’un tel procès :

  • créerait un processus plus efficace en éliminant les étapes superflues et en réduisant les délais;
  • donnerait lieu à un processus plus efficace et économique;
  • améliorerait l’administration de la justice en utilisant plus efficacement les ressources du tribunal; 
  • donnerait lieu à un processus plus ciblé et éliminerait les moyens préliminaires; ou 
  • simplifierait les procédures en permettant aux parties d’évaluer plus facilement les forces et les faiblesses de leurs positions respectives.

Selon la CBRA, les circonstances dans l’affaire Big Rock ne permettaient pas de conclure que le processus simplifié serait « nécessaire » à la résolution juste et équitable du recours pour congédiement injustifié. En l’espèce, de nombreux documents financiers sont en cause et les parties auraient dû produire des affidavits de plusieurs témoins, ce qui aurait ensuite donné lieu à plusieurs jours d’interrogatoires. Ces processus nécessiteraient des investissements considérables en temps et en ressources de la part des parties et du tribunal. La CBRA a donc déterminé qu’il ne s’agissait pas d’une affaire pour laquelle un procès simplifié donnerait lieu à des procédures plus efficaces.

Par conséquent, la CBRA a conclu que le demandeur n’avait pas établi que la tenue d’un procès simplifié était « nécessaire ». La demande a donc été rejetée. 

La CBRA a par ailleurs fourni une analyse additionnelle sur le deuxième volet du critère, soit celui de la « proportionnalité ». Selon elle, les décisions concernant le caractère approprié des procès sommaires sont utiles à l’évaluation du volet de la proportionnalité en matière de procès simplifiés. Les facteurs à considérer comprennent notamment les montants en litige, la complexité et la nature urgente de l’affaire, les coûts d’un procès, la nécessité de contre-interroger les témoins lors du procès, la nécessité d’effectuer un interrogatoire préalable, ainsi que la question de savoir si la résolution du litige reposera sur des conclusions relatives à la crédibilité.

Fait à noter, la CBRA a indiqué que les enjeux relatifs à la crédibilité pouvaient certainement être tranchés dans le cadre d’un procès simplifié, et ce, particulièrement lorsque l’ordonnance relative à la tenue d’un procès simplifié prévoit des témoignages oraux et des contre-interrogatoires. En vertu de la nouvelle règle 8.25(3) des Règles, le procès simplifié ne devrait pas être considéré comme un processus disproportionné simplement parce que certains enjeux relatifs à la crédibilité peuvent être soulevés. 

Points à retenir

L’affaire Big Rock fournit des précisions bienvenues sur le test à appliquer relativement à la tenue d’un procès simplifié. Les principaux points à retenir sont les suivants :

  1. Il incombe à la partie qui demande la tenue d’un procès simplifié d’établir que ce dernier est à la fois nécessaire et proportionnel.
  2. Les facteurs pris en compte dans la jurisprudence traitant des procès sommaires sont pertinents dans l’évaluation que doit faire le tribunal afin de déterminer si la tenue d’un procès simplifié est appropriée pour une affaire donnée.
  3. Les enjeux relatifs à la crédibilité n’empêcheront pas nécessairement qu’une demande pour la tenue d’un procès simplifié soit accueillie et devraient donc être examinés par le tribunal dans le cadre de l’évaluation de la proportionnalité d’une telle demande.

Par conséquent, ce jugement vient ainsi confirmer que, dans la pratique, les outils relatifs aux procédures sommaires peuvent être utiles pour régler des différends en raison des retards judiciaires.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :


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