Dans une décision récente, Embedia Technologies v. Blumell (l’« affaire Embedia »), la Cour du Banc du Roi de l’Alberta (la « CBRA ») a clarifié le critère relatif au cautionnement pour dépens applicable dans le cas des personnes morales. Ce faisant, la CBRA a notamment conclu que le critère établi à l’article 254 de la Business Corporations Act de l’Alberta (l’« ABCA ») n’est pas plus strict que celui prévu à la règle 4.22 des Rules of Court de l’Alberta (la « règle 4.22 »).
Contexte
Traditionnellement, le cautionnement pour dépens s’est avéré utile aux défendeurs qui souhaitaient obtenir une ordonnance contre des demandeurs susceptibles de ne pas être en mesure de payer les dépens advenant que ces derniers n’aient pas gain de cause lors d’un jugement. Une telle requête fait en sorte qu’un demandeur ne peut intenter une action, laquelle entrainerait des frais juridiques importants pour le défendeur, alors que le demandeur risque de ne pas pouvoir payer les dépens adjugés au défendeur, le cas échéant.
L’un des avantages associés à une requête visant à obtenir une ordonnance de cautionnement pour dépens est que, si la requête est accueillie, l’action engagée par le demandeur est habituellement suspendue en attendant que ce dernier fournisse ledit cautionnement, et que, si le demandeur omet de fournir le cautionnement exigé, l’action peut être radiée.
Plus précisément, le critère établi à l’article 254 de l’ABCA prévoit qu’un tribunal peut ordonner à une personne morale demanderesse de fournir un cautionnement pour dépens lorsque cette dernière « ne sera pas en mesure » (will be unable) de payer des dépens, tandis que la règle 4.22 prévoit qu’un cautionnement pour dépens devrait être fourni lorsqu’il est « improbable » (is unlikely) que le demandeur puisse payer des dépens. Par le passé, on a donné à entendre dans différentes affaires que le critère prévu à la règle 4.22 était moins strict que celui établi dans l’article 254 de l’ABCA.
Décision
Dans l’affaire Embedia, en prononçant une ordonnance de cautionnement pour dépens, la CBRA a souligné que, même si certaines décisions en Alberta donnent à penser qu’une requête visant à obtenir un cautionnement pour dépens contre une personne morale demanderesse ne peut être présentée qu’en vertu de l’article 254 de l’ABCA, d’autres indiquent qu’il est possible de soumettre une telle requête contre une personne morale demanderesse tant en vertu de l’article 254 que de la règle 4.22. La CBRA a par ailleurs rejeté les arguments selon lesquels le critère prévu à l’article 254 était en quelque sorte plus strict que celui établi dans la règle 4.22.
Après avoir analysé le fardeau de la preuve aux termes de ces deux critères, la CBRA a affirmé qu’il n’y avait pas de différence notable entre les deux, puisque :
- l’article 254 exige d’établir, selon la prépondérance des probabilités, si le demandeur ne sera pas en mesure de payer les dépens advenant qu’il lui soit ordonné de le faire;
- la règle 4.22 exige d’établir s’il y a lieu de croire que le défendeur ne sera vraisemblablement pas en mesure de faire exécuter l’ordonnance d’adjudication de dépens.
La CBRA a confirmé que le fardeau de la preuve reste le même, que la requête se fonde sur l’article 254 ou sur la règle 4.22. Dans les deux cas, il revient à la partie qui soumet une requête visant à obtenir un cautionnement pour dépens de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’autre partie ne sera pas en mesure de payer les dépens s’il lui est ordonné de le faire.
Si la partie qui a soumis une telle requête satisfait le critère y afférent, il incombe alors à l’autre partie de démontrer que le tribunal ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour ordonner la fourniture d’un cautionnement pour dépens contre elle.
Selon la CBRA, la règle 4.22 établit un critère préliminaire (c.-à-d. le caractère juste et raisonnable de la délivrance d’une ordonnance de cautionnement pour dépens) et un certain nombre d’autres facteurs (p. ex., la capacité de la partie visée de fournir un cautionnement pour dépens advenant qu’il lui soit ordonné de le faire, le bien-fondé de la cause et la question de savoir si une ordonnance de cautionnement pour dépens nuirait indûment à la capacité de la partie visée de poursuivre l’action), et que ce sont ces mêmes facteurs, bien qu’ils ne soient pas explicitement énoncés dans l’article 254 de l’ABCA, qui devraient être examinés par un tribunal dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu de cet article.
Résultat
La CBRA a statué qu’il n’y avait pas de différence de fond entre les dispositions de la règle 4.22 des Rules of Court de l’Alberta et celles de l’article 254 de l’ABCA lorsqu’il s’agissait de décider de prononcer ou non une ordonnance de cautionnement pour dépens.
Dans le cadre de l’affaire Embedia, la CBRA a établi que la requête du défendeur avait satisfait au critère applicable et a ordonné la fourniture d’un cautionnement pour dépens.
Les auteurs du présent bulletin représentaient la partie qui a obtenu gain de cause dans le cadre de cette affaire. Pour en savoir davantage, communiquez avec l’un d’eux.
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