Dans l’affaire HEAL Global Holdings Corp (Re), la juge E.J. Sidnell a refusé d’approuver le plan d’arrangement proposé par les parties (l’« arrangement ») parce que ce dernier n’était pas équitable ou raisonnable. Cette décision récente de la Cour du Banc du Roi de l’Alberta (la « Cour ») fournit des indications importantes sur la façon dont les tribunaux évaluent l’exigence selon laquelle un arrangement doit être équitable et raisonnable.
Contexte
En juin 2023, HEAL Global Holdings Corp (« HEAL »), Pathway Health Corp (« Pathway ») et The Newly Institute Inc (« Newly ») ont présenté une demande d’ordonnance définitive afin de faire approuver l’arrangement. HEAL, Pathway et Newly avaient déjà obtenu une ordonnance provisoire établissant la procédure de l’arrangement en avril 2023.
L’arrangement proposé prévoyait l’acquisition par Pathway, une société ouverte, de la totalité des actions émises et en circulation de Newly et de HEAL, à l’exception des actions de Newly détenues par HEAL; Heal et Newly étant deux sociétés fermées.
Aux termes de l’arrangement, les actionnaires de Newly auraient reçu une valeur approximative de 0,22 $ par action de Newly (le « prix des actions de Newly »). Au cours des mois précédant l’arrangement, la valeur des actions de Newly se situait entre 0,60 $ CA et 1,00 $ CA.
Lors de l’assemblée extraordinaire tenue en vue d’approuver l’arrangement, 54,4 % des actionnaires de Newly étaient représentés. De ces actionnaires, 100 % ont voté en faveur de l’arrangement (l’« approbation »).
Après avoir reçu l’avis d’approbation, l’un des actionnaires de Newly s’est opposé à l’approbation définitive de l’arrangement (la « demande d’ordonnance définitive »). Cinq autres actionnaires de Newly se sont ensuite joints à ce dernier pour contester la demande d’ordonnance définitive.
La décision de la Cour
La Cour a appliqué le critère établi dans BCE Inc c. Détenteurs de débentures de 1976 et a relevé les points résumés ci-après en concluant que l’arrangement n’était pas équitable et raisonnable.
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Malgré le fait que 100 % des droits de vote rattachés aux actions de Newly dont les porteurs étaient représentés à l’assemblée ont été exercés en faveur de l’arrangement, la contestation de l’arrangement par les actionnaires opposés n’était pas à négliger. En fait, la majorité des droits de vote rattachés à ces actions qui ont été exercés étaient détenus par HEAL (elle-même partie à l’arrangement), ainsi que par les administrateurs et dirigeants de Newly (lesquels avaient déjà convenu d’approuver l’arrangement).
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L’arrangement excluait les actions de Newly détenues par HEAL; ce qui aurait donné lieu à la création de deux catégories différentes d’actionnaires de Newly, lesquels n’auraient pas eu les mêmes droits, privilèges, restrictions et conditions.
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Entre le moment de l’ordonnance provisoire et l’approbation, la situation financière de Newly s’est considérablement détériorée et les actionnaires n’en ont pas été avisés.
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Newly a omis de fournir les renseignements supplémentaires demandés par ses actionnaires avant l’approbation. Une société est tenue de fournir des renseignements supplémentaires ou des précisions à un actionnaire qui en fait la demande, même après la tenue d’un vote sur un arrangement. Dans cette affaire, cette obligation était exacerbée par le fait que Newly avait omis de divulguer à ses actionnaires le changement important touchant sa situation financière.
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Très peu de renseignements ont été fournis aux actionnaires de Newly quant à la manière dont le prix des actions de Newly avait été établi. Par conséquent, les actionnaires de Newly et la Cour n’avaient aucun fondement pour déterminer si l’arrangement représentait une valeur appropriée.
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Dix jours avant la tenue de l’audience relative à la demande d’ordonnance définitive, Newly a fait savoir qu’elle était au bord de l’insolvabilité. Bien qu’un tribunal doive être plus disposé à approuver un arrangement lorsque la partie visée est sur le point de devenir insolvable, une insolvabilité possible n’entraîne pas l’approbation automatique d’un plan d’arrangement.
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Newly n’a pas mis sur pied un comité spécial. Elle s’est plutôt appuyée sur deux administrateurs indépendants, nommés à son conseil d’administration seulement huit mois avant qu’ils approuvent l’arrangement, et après que Newly eut entamé des discussions avec Pathway au sujet d’une possible opération. Bien que la mise sur pied d’un comité spécial ne soit pas obligatoire, un tel comité aurait été un outil utile pour évaluer le caractère équitable de l’arrangement, compte tenu de l’expérience limitée des administrateurs indépendants au sein du conseil.
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Newly n’a pas obtenu d’avis quant au caractère équitable, affirmant que le coût associé à l’obtention d’un tel avis aurait été excessif compte tenu de la détérioration de sa situation financière. La Cour a noté qu’il aurait été important d’obtenir un avis quant au caractère équitable, compte tenu de la détérioration de la situation financière de Newly, de récentes opérations ayant visé les actions de celle-ci dans le cadre desquelles la valeur par action était beaucoup plus élevée que le prix des actions de Newly et de l’expérience limitée des administrateurs indépendants de Newly.
À la lumière de tous ces facteurs, l’arrangement n’a pas été approuvé.
Principaux points à retenir
Cette décision souligne que, même dans un contexte commercial dans lequel tous les actionnaires ayant exercé leurs droits de vote soutiennent un arrangement proposé, une preuve suffisante demeure requise pour démontrer à un tribunal qu’un arrangement est équitable et raisonnable pour toutes les parties intéressées touchées.
En outre, cette décision fournit des précisions et des rappels utiles sur le processus d’approbation d’un arrangement et les exigences à satisfaire, notamment ceux qui suivent.
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Comme on le précise dans la décision rendue récemment dans l’affaire Smoothwater Capital Corporation v. Marquee Energy Ltd., le critère du caractère équitable et raisonnable ne s’applique qu’aux sociétés qui sont visées par l’arrangement et seul l’effet sur les parties intéressées touchées doit être pris en compte. Les parties intéressées touchées ne comprennent pas les personnes comme les employés ou les clients.
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Dans le contexte d’un arrangement, les sociétés doivent s’assurer que les actionnaires sont dûment informés et qu’ils reçoivent des renseignements à jour et exacts.
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Contrairement à la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la loi de l’Alberta intitulée Business Corporations Act n’exige pas qu’une société visée par un arrangement soit « solvable ». Toutefois, la solvabilité d’une société peut être examinée dans le cadre de l’application du critère du caractère équitable et raisonnable.
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Bien qu’obtenir un avis quant au caractère équitable et mettre sur pied un comité spécial ne soient pas toujours requis pour l’approbation d’un arrangement visant une société fermée, certaines circonstances peuvent accroître l’importance de tels outils.
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Le fait qu’une société puisse être au bord de l’insolvabilité au moment d’un arrangement ne la dispense pas de satisfaire le critère du caractère équitable et raisonnable.
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Le bénéfice que représente la continuation de l’existence d’une société par suite d’un arrangement n’est pas une raison suffisante pour approuver un arrangement.
Blakes a agi à titre de conseiller juridique auprès de l’actionnaire de Newly qui s’opposait à l’arrangement, laquelle opposition a mené à la contestation réussie de ce dernier.
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