Dans l’affaire Reynolds v. Registrar (Alcohol and Gaming Commission), la Cour divisionnaire de l’Ontario (la « Cour ») a récemment rejeté une demande de révision judiciaire de la décision rendue par le registrateur de la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario (le « registrateur ») disqualifiant 11 candidats (les « candidats disqualifiés ») du processus de délivrance de licences pour la vente au détail de cannabis. Ce faisant, la Cour a réitéré le principe selon lequel les recours en révision judiciaire sont de nature discrétionnaire et peuvent être refusés s’ils portent préjudice de façon disproportionnée à des tiers.
CONTEXTE
En août 2019, la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario (la « CAJO ») a entamé un processus de loterie afin de sélectionner les candidats admissibles à participer à la deuxième ronde d’octroi de licences pour la vente au détail de cannabis. Conformément aux règles, la loterie devait avoir lieu le 20 août 2019, et la CAJO devait communiquer avec les candidats sélectionnés dans un délai de 24 heures par la suite et leur remettre une lettre de notification en utilisant les coordonnées fournies par les candidats dans leur déclaration d’intérêt pour la loterie. Les candidats sélectionnés devaient ensuite remplir leur demande de licence en soumettant à la CAJO certains documents, dont les lettres de crédit originales, dans un délai de 5 jours ouvrables suivant la notification. Pour en savoir davantage sur le deuxième processus de loterie, consultez notre Bulletin Blakes de juillet 2019 intitulé Second Retail Lottery in Ontario: Tricks and Traps for Applicants.
La loterie a eu lieu le 20 août 2019 et, le 21 août 2019, la CAJO a tenté d’envoyer par courriel aux 11 candidats disqualifiés, en utilisant les adresses électroniques qu’ils avaient fournies, une lettre de notification les avisant qu’ils avaient remporté le processus de loterie. Or, les courriels n’ont pu être livrés, car les adresses n’étaient pas valides. Le même jour, la CAJO a tenté de joindre les candidats disqualifiés en utilisant les numéros de téléphone qu’ils avaient fournis, mais la plupart de ceux‑ci n’étaient pas en service. La CAJO a aussi envoyé par messagerie aux candidats disqualifiés des lettres de notification, qui ont été reçues dans les jours suivant le 21 août 2019. Les lettres indiquaient que les demandes de licence pour la vente au détail de cannabis des candidats sélectionnés devaient être présentées au plus tard le 28 août 2019. Le 21 août 2019, les noms de tous les gagnants à la loterie ont également été affichés sur le site Web de la CAJO, et ont été annoncés sur Twitter, puis transmis par courriel à la liste de diffusion pour le cannabis de la CAJO.
Comme la CAJO n’avait toujours pas reçu les lettres de crédit originales des candidats disqualifiés le 28 août 2019, le registrateur les a disqualifiés. Le 30 août 2019, la CAJO a sélectionné d’autres candidats (les « nouveaux candidats sélectionnés ») à partir des listes d’attente de la loterie pour remplacer les candidats disqualifiés. La CAJO a avisé les nouveaux candidats sélectionnés qu’ils devaient remplir leur demande de licence au plus tard le 16 septembre 2019. Bon nombre d’entre eux ont entrepris immédiatement de signer des baux pour des magasins de vente au détail de cannabis et ont engagé d’autres dépenses et contracté d’autres dettes après avoir reçu l’avis de la CAJO, notamment, dans certains cas, en pigeant directement dans leurs économies.
Les candidats disqualifiés ont demandé une révision judiciaire de la décision ayant mené à leur disqualification, alléguant que les décisions du registrateur étaient déraisonnables et injustes. Ils ont fait valoir que les décisions du registrateur de les disqualifier parce qu’ils n’avaient pas fourni de lettre de crédit au plus tard le 28 août 2019 étaient déraisonnables puisque la CAJO n’était pas parvenue à les aviser par courriel ni par téléphone de leur sélection le 21 août 2019. Selon eux, si l’on interprétait correctement les règles, comme ils avaient été avisés de leur sélection dans les jours qui ont suivi le 21 août 2019, soit lorsqu’ils ont reçu les lettres de notification par messagerie, la date limite pour présenter une demande aurait dû être repoussée en conséquence. Plusieurs des nouveaux candidats sélectionnés ont participé à la demande de révision judiciaire en tant qu’intervenants afin de présenter des arguments sur le recours, étant donné que les candidats disqualifiés avaient demandé à ce que les noms des nouveaux candidats sélectionnés soient remis sur la liste d’attente.
Avant l’audition de la demande, le juge Corbett a suspendu le processus de délivrance de licences pour la vente au détail de cannabis jusqu’à la date d’audience.
LA DÉCISION
S’exprimant au nom d’une Cour divisionnaire unanime, la juge Swinton a rejeté la demande et a levé la suspension du processus de délivrance de licences.
La Cour a conclu que la décision du registrateur de disqualifier les candidats disqualifiés était raisonnable et juste. Ainsi, le registrateur a raisonnablement conclu que la CAJO s’était conformée aux exigences en matière de notification des résultats de la loterie en tentant d’informer les candidats disqualifiés de leur sélection le 21 août 2019 en utilisant l’adresse électronique et le numéro de téléphone fournis par ces derniers. Les candidats disqualifiés, comme tous les autres candidats participant à la loterie, savaient que les délais dans le cadre du processus de loterie étaient serrés, et la CAJO n’avait pas la responsabilité de les retracer personnellement lorsque les coordonnées qu’ils avaient fournies n’étaient plus valides. Les candidats disqualifiés assumaient donc le risque que la lettre de notification ne leur soit pas livrée si leurs coordonnées n’étaient pas valides. La Cour a déclaré que le registrateur avait agi de façon raisonnable en concluant que les candidats disqualifiés avaient été valablement avisés le 21 août 2019, et que ceux-ci ne s’étaient pas conformés aux règles de la loterie leur enjoignant de soumettre une lettre de crédit originale au plus tard le 28 août 2019, soit 5 jours ouvrables après.
Par ailleurs, la Cour a statué que même si les décisions de disqualification du registrateur avaient été déraisonnables, elle ne les aurait pas infirmées ni n’aurait annulé la sélection des nouveaux candidats sélectionnés. La Cour a accepté les arguments des intervenants selon lesquels la révision judiciaire est un recours discrétionnaire et équitable, et qu’un tribunal peut refuser d’annuler une décision administrative en tenant compte de la prépondérance des inconvénients ou de tout effet disproportionné sur des tiers. Les nouveaux candidats sélectionnés ont présenté des preuves qu’ils avaient irrévocablement modifié leur situation après avoir reçu l’invitation de la CAJO de participer au processus d’octroi de permis, par exemple, en pigeant dans leurs économies personnelles pour financer des baux pour de futurs points de vente de cannabis. Les candidats disqualifiés, quant à eux, n’ont présenté aucune preuve de préjudice. La Cour a conclu que les nouveaux candidats sélectionnés étaient « des parties totalement innocentes », car les mesures qu’ils avaient prises étaient dictées par leur volonté de se conformer aux règles de la loterie. Pour leur part, les candidats disqualifiés n’avaient pas fourni de coordonnées valides au registrateur et n’ont pas expliqué pourquoi leurs adresse électronique et numéro de téléphone n’avaient pas fonctionné.
À la suite de la décision de la Cour divisionnaire, les candidats disqualifiés ont demandé un sursis d’exécution de l’ordonnance de la Cour divisionnaire en attendant le résultat de leur motion en autorisation d’interjeter appel de la décision devant la Cour d’appel. Le 3 octobre 2019, le juge Nordheimer a rejeté leur demande de sursis.
Les avocats de Blakes, Robin Linley et Christopher DiMatteo, ont représenté cinq des huit nouveaux candidats sélectionnés ayant obtenu le statut d’intervenants dans cette affaire.
Pour en savoir davantage, communiquez avec :
Tricia Kuhl 514-982-5020
François Auger 514-982-4117
Robin Linley 416-863-3047
Christopher DiMatteo 416-863-3342
ou un autre membre de nos groupes Cannabis ou Litige et règlement des différends.
Ressources connexes
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