Table des matières
Bien que de nombreux différents types de procédures civiles (non criminelles) soient entendues dans les tribunaux canadiens, le présent chapitre fait ressortir uniquement des aspects du droit canadien et du processus judiciaire qui ont une incidence sur certaines des actions les plus courantes touchant les entreprises.
1. Rupture de contrat
1.1 Généralités
Un contrat est une promesse ou un ensemble de promesses qui, lorsqu’elles sont exécutées, créent une obligation légalement reconnue et, lorsqu’elles sont rompues, nécessitent généralement un recours. Le droit des contrats au Canada est, dans la plupart des cas, régi par la common law des provinces et des territoires ou, dans le cas du Québec, par le droit civil établi dans le CCQ. Toutefois, certains types de contrats sont touchés par des lois, et l’exécution de tous les contrats est assujettie aux délais de prescription prévus par la loi.
1.2. Formalités
Les tribunaux examinent le marché conclu par les parties afin d’établir leur objectif ou leur intention manifeste d’être liées.
Sauf pour certains contrats qui doivent être passés par écrit ou signés et scellés, le droit canadien reconnaît le caractère exécutoire des promesses, qu’elles soient verbales ou écrites, à la condition qu’il existe une « contrepartie », ou une promesse réciproque, accordée par le bénéficiaire de la promesse au promettant. Les tribunaux examinent le marché conclu par les parties afin d’établir leur objectif ou leur intention manifeste d’être liées. Les tribunaux établiront également s’il y a eu « offre » et « acceptation » selon le type et la transmission de la communication entre les parties.
1.3 Aperçu des recours
En plus des recours d’autoprotection, tels que les droits de compensation ou de résiliation pour répudiation anticipée, les parties contractantes peuvent s’adresser aux tribunaux aux fins d’exécution ou de réparation à l’égard des ententes qui ne sont pas respectées. Toutefois, à l’exception de certains types de recours en equity, le recours le plus courant et usuel en cas de rupture de contrat est l’attribution de dommages-intérêts.
1.4 Dommages-intérêts
La règle générale relative aux pertes indemnisables dans les cas de rupture de contrat est que les tribunaux accordent des dommages-intérêts afin de placer les parties lésées dans la même position où elles se seraient trouvées si le contrat avait été exécuté. Généralement, aucuns dommages-intérêts pour souffrance morale ou préjudice moral ne sont accordés, bien que les tribunaux canadiens aient fait preuve ces dernières années d’une volonté d’accorder des dommages-intérêts punitifs pour certains types de contrats rompus (par exemple, les contrats d’emploi et les contrats d’assurance). Néanmoins, comme les tribunaux sont réticents à accorder des dommages-intérêts punitifs pour la violation d’ententes de gré à gré, et étant donné que la plupart des affaires de rupture de contrat sont entendues par un juge et non par un jury, la majorité des ruptures de contrats entraînent des dommages-intérêts régis par la règle générale mentionnée ci-dessus.
1.5 Recours en equity
En règle générale, les tribunaux canadiens n’imposeront pas l’exécution d’un contrat. Cependant, s’il peut être établi que des dommages-intérêts constitueraient un recours inapproprié, les tribunaux canadiens ont le pouvoir d’ordonner l’exécution en nature d’un contrat ou d’émettre des injonctions qui empêchent la violation temporaire ou permanente d’une entente. En plus, ou en remplacement, d’un recours en equity, les tribunaux peuvent accorder des dommages-intérêts en equity, mais le calcul de ces dommages-intérêts ne suit pas les mêmes principes que celui des dommages-intérêts en common law. Par exemple, des dommages-intérêts peuvent être accordés au lieu d’une injonction si le préjudice qui découlera d’un acte illégal futur (tel qu’une intrusion imminente sur un terrain) peut être compensé adéquatement par des dommages-intérêts. En outre, la rupture de certains types de contrats, qui portent par exemple sur la distribution de produits visés par une licence, peut donner le droit à la partie lésée de choisir la comptabilisation des profits de la partie contrevenante.
1.6 Dommages-intérêts fixés à l’avance
À l’égard de certains contrats, les parties peuvent choisir de préciser un montant de dommages-intérêts fixés à l’avance en cas de rupture. Il convient de noter que le montant précisé de dommages-intérêts fixés à l’avance ne peut pas être une pénalité. Si la clause de dommages-intérêts fixés à l’avance est exécutoire, elle libérera la partie lésée d’avoir à prouver ses dommages réels. En l’absence d’une clause de dommages-intérêts fixés à l’avance, la partie lésée aura droit aux dommages-intérêts découlant directement de la rupture, et aux dommages-intérêts consécutifs dont les parties étaient, ou auraient dû être, conscientes au moment de la conclusion du contrat.
1.7 Raisons justifiant l’inexécution
Les raisons invoquées pour justifier l’inexécution peuvent inclure une erreur (corrigée ou non), une déclaration fausse ou trompeuse, l’iniquité, la fraude, l’illégalité ou l’annulation du contrat pour des raisons de politique publique. Comme il est indiqué ci-dessus, certains contrats, tels que les conventions de consommation, peuvent être résiliés pour des raisons prescrites par la loi. Dans certains cas, l’exécution du contrat peut être impossible étant donné que des événements auxquels ni l’une ni l’autre des parties ne s’attendait ont modifié les circonstances qui existaient au moment où le contrat a été passé, rendant ainsi l’entente très différente de celle que les parties avaient envisagée initialement.
1.8 Autres restrictions
Les délais de prescription prévus par la loi peuvent avoir une incidence sur le caractère exécutoire d’un contrat selon le moment où la rupture est survenue. La capacité de faire exécuter le contrat peut également être touchée par une renonciation ou une préclusion, bien que la plupart des contrats rédigés à des fins commerciales contiendront des dispositions expresses à l’égard de ces questions. Le fait de faire valoir des contrats accessoires qui ont une incidence sur le contrat principal peut également avoir une incidence sur l’exécution du contrat.
2. Négligence
La présente rubrique porte sur le délit de négligence en common law tel qu’il existe dans l’ensemble des provinces et des territoires du Canada, sauf le Québec. En vertu du CCQ, des actions découlant de la négligence peuvent être intentées à titre d’actions en responsabilité extracontractuelle, comme il est expliqué au chapitre IV, « 4. La responsabilité extracontractuelle au Québec ».
2.1 Éléments
Pour établir une cause d’action en négligence en common law, un demandeur doit prouver que le défendeur avait un devoir de diligence envers lui, que le défendeur a manqué à ce devoir et que le demandeur a subi un préjudice en raison du manquement.
2.2 Devoir de diligence
La loi exige que les personnes physiques et les entités agissent avec diligence raisonnable pour éviter tout acte ou toute omission dont elles peuvent raisonnablement prévoir que ceux‑ci sont susceptibles de léser leurs prochains.
Le fait qu’un défendeur éventuel a ou non un devoir de diligence envers un demandeur est fondé sur le « principe du prochain ». La loi exige que les personnes physiques et les entités agissent avec diligence raisonnable pour éviter tout acte ou toute omission dont elles peuvent raisonnablement prévoir que ceux‑ci sont susceptibles de léser leurs prochains.
Afin d’établir qui constitue un « proche » en droit, les deux questions suivantes doivent être étudiées :
- Existe-t-il un lien suffisamment étroit entre les parties pour qu’un manque de diligence de la part du défendeur puisse être raisonnablement perçu par celui‑ci comme étant susceptible de causer un préjudice à cette personne?
- Dans l’affirmative, y a-t-il des considérations qui justifient de rejeter ou de restreindre :
- la portée du devoir;
- la catégorie de personnes qui en bénéficient;
- les dommages-intérêts qu’un manquement au devoir peut entraîner.
Lorsqu’elle s’est penchée sur la deuxième étape du critère en deux étapes, la Cour suprême du Canada a indiqué que les questions de politique devraient être prises en compte afin d’établir si des facteurs justifient la non‑imposition d’une responsabilité. Les questions de politique qui doivent être prises en compte comprennent notamment l’effet de la reconnaissance d’un devoir de diligence sur les obligations légales en général, son incidence sur le système juridique et tout effet sur la société en général découlant de l’imposition d’une responsabilité.
Les tribunaux ont insisté plusieurs fois sur le fait que la liste des catégories de négligence n’est pas exhaustive et que toute nouvelle thèse à l’égard du devoir doit être évaluée selon le critère en deux étapes présenté ci-dessus.
2.3 Norme de diligence
Afin d’établir si la norme de diligence a été violée, les tribunaux recourent à une personne raisonnable fictive.
La norme de diligence est la mesure qui sert à évaluer la conduite du défendeur. Il s’agit d’une mesure objective. Afin d’établir si la norme de diligence a été violée, les tribunaux recourent à une personne raisonnable fictive. La question est de savoir si la conduite qui fait l’objet d’une plainte était en deçà de la norme de conduite d’une personne raisonnable dans une situation similaire.
Le critère de personne raisonnable a été dilué pour certains types d’acteurs moins compétents, tels que les enfants, les adolescents et les personnes souffrant d’une invalidité. Le critère a également été renforcé pour certaines personnes physiques dotées d’une compétence supérieure. Les professionnels, par exemple, ne peuvent échapper à la responsabilité en se contentant d’exécuter leurs tâches selon le niveau de compétence d’un non-initié usant d’une prudence ordinaire. Un avocat est tenu d’agir comme un avocat raisonnablement prudent, et un médecin est tenu d’agir comme un médecin raisonnablement prudent. Plutôt que de se demander si l’exécution a été faite au mieux de la compétence du défendeur, les tribunaux évaluent si la conduite de ce dernier répondait au critère d’un professionnel compétent dans l’exercice de sa profession particulière.
Afin d’établir si la conduite d’une partie est négligente, le tribunal peut examiner toute coutume ou tout comportement en vigueur pertinent. Les personnes qui agissent conformément à la pratique générale de leur métier, de leur secteur ou de leur profession évitent souvent toute responsabilité civile. Toutefois, il est possible qu’un tribunal conclue que la coutume ou la pratique en vigueur est elle-même inférieure à la norme de diligence requise, de sorte que le fait de suivre la coutume ou la pratique en vigueur n’empêchera pas le tribunal de conclure à une violation.
De même, une loi qui établit la conduite requise dans certaines circonstances ou à l’égard d’une profession particulière peut fournir un critère utile de conduite raisonnable et certains éléments de preuve à l’égard d’une violation, mais elle ne fournit pas d’élément de preuve de négligence à première vue. La violation d’une loi en soi n’entraîne pas de responsabilité.
2.4 Fardeau de la preuve
Le demandeur doit plaider et prouver la négligence selon la prépondérance des probabilités pour obtenir gain de cause dans une action en négligence. Le Canada a rejeté le principe res ipsa loquitur qui prévoit que les éléments du devoir de diligence et de manquement au devoir peuvent parfois être inférés de la nature même d’un accident ou d’un autre événement, même sans preuve directe du comportement du défendeur.
2.5 Dommages et causalité
Les tribunaux ont déclaré qu’il n’est pas nécessaire de prouver la causalité avec une « précision scientifique », bien que la causalité doive être prouvée à la satisfaction du tribunal selon la prépondérance des probabilités
Il ne peut y avoir aucune responsabilité pour négligence sauf si le demandeur a subi des dommages en raison d’un acte ou d’une omission du défendeur. La violation spécifique de la norme de diligence doit être la conduite qui donne lieu aux dommages. Les tribunaux ont déclaré qu’il n’est pas nécessaire de prouver la causalité avec une « précision scientifique », bien que la causalité doive être prouvée à la satisfaction du tribunal selon la prépondérance des probabilités. La technique la plus utilisée pour établir la causalité est le critère du « facteur déterminant » – si l’accident n’était pas survenu sans la négligence du défendeur, la conduite du défendeur est la cause du préjudice.
Dans les circonstances où il peut y avoir plus d’une cause d’un préjudice, les défendeurs qui ont causé la perte ne seront pas exonérés simplement parce que d’autres causes ou facteurs ont contribué au préjudice. Il suffit que la négligence du défendeur ait été l’une des causes du préjudice. Si les actes négligents de deux personnes sont des causes ayant contribué de façon appréciable à un préjudice, alors la responsabilité est imposée à ces deux personnes. Dans certains cas exceptionnels, un demandeur peut prouver la causalité en démontrant que plusieurs défendeurs ont « contribué de façon appréciable au risque » à l’origine d’un préjudice selon la thèse voulant que les deux actes « ont contribué de façon appréciable à l’occurrence », et ce, même si la causalité fondée sur un « facteur déterminant » ne peut être établie pour aucun des défendeurs individuels.
2.6 Éloignement
Les tribunaux limiteront généralement l’indemnisation d’un demandeur si la conséquence de l’acte ou de l’omission du défendeur est considérée comme trop « éloignée ». La doctrine de l’éloignement tente d’établir une limite appropriée entre les conséquences dont le défendeur négligent sera tenu responsable et celles pour lesquelles il sera exonéré de toute responsabilité. Bien souvent, la question de savoir si une conséquence est trop éloignée ou est suffisamment « immédiate » pour entraîner une conclusion de responsabilité dépend des faits propres à l’affaire.
Il n’existe aucune formule précise à appliquer pour établir si des dommages sont trop éloignés pour faire l’objet d’une indemnisation. Bien que des règles précises aient été élaborées pour les situations qui se présentent couramment, l’approche générale utilisée pour la question de l’éloignement en est une de pragmatisme : dans l’enchaînement de cause à effet, quand les conséquences d’un acte ne peuvent-elles plus être acceptées à juste titre comme étant imputables à l’acte du défendeur?
Les situations récurrentes les plus courantes dans l’évaluation de l’éloignement comprennent :
- les demandeurs vulnérables : les défendeurs négligents doivent accepter leurs victimes telles qu’elles sont;
- le sauveteur : l’auteur d’un préjudice négligent doit rembourser un sauveteur pour les pertes que celui‑ci engage pendant une tentative de sauvetage;
- l’intervention de faits nouveaux : les auteurs de préjudices ne sont pas à l’abri de toute responsabilité même en cas d’intervention de faits nouveaux. La question devient alors d’établir s’il est juste de tenir un acteur négligent responsable lorsque la conduite d’autres personnes a également contribué à l’accident.
2.7 Négligence contributoire
Si la négligence du demandeur lui‑même contribue à une perte, son droit à une indemnisation pour dommages causés par la négligence est touché. Le tribunal tentera de quantifier les degrés de responsabilité relatifs à l’égard des dommages entre l’auteur du préjudice et le demandeur ayant fait preuve de négligence contributoire, et le défendeur ne sera tenu responsable que de la partie des dommages qui est attribuable à son degré de responsabilité.
3. Marques de commerce, droits d’auteur et brevets
La Cour fédérale et les cours supérieures provinciales et territoriales ont généralement une compétence concurrente à l’égard des poursuites relatives à des litiges en propriété intellectuelle au Canada. La compétence de la Cour fédérale se limite aux droits prévus par la loi et est exclusive à l’égard de l’exécution de déclarations réelles (soit des déclarations visant des biens) quant à l’invalidité d’un droit de propriété intellectuelle enregistré. Les cours supérieures provinciales et territoriales ne peuvent statuer que sur la validité des droits entre les parties à la poursuite. De même, les appels des décisions du commissaire aux brevets et du registraire des marques de commerce sont sous la compétence exclusive de la Cour fédérale. De nouvelles preuves peuvent être déposées dans le cadre d’un appel auprès de la Cour fédérale relativement à des décisions du registraire des marques de commerce.
Étant donné que la compétence de la Cour fédérale se limite aux droits prévus par la loi, si l’objet d’une poursuite comprend des éléments qui sont visés et d’autres qui ne sont pas visés par une loi fédérale applicable, il peut être nécessaire de déposer la poursuite devant un tribunal provincial ou territorial. Par exemple, les différends relatifs à une franchise comprennent souvent des réclamations relatives aux marques de commerce enregistrées, pour lesquelles la Cour fédérale a compétence, mais ils peuvent également comprendre un élément contractuel, pour lequel la Cour fédérale n’a pas compétence.
Le règlement extrajudiciaire des différends est généralement possible pour les différends en propriété intellectuelle au Canada, sauf pour les affaires à l’égard desquelles la Cour fédérale a la compétence exclusive.
Les différends relatifs aux noms de domaines Internet peuvent être tranchés par des arbitres conformément aux procédures de règlement des différends adoptées par l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet (l’« ACEI »), les cours supérieures provinciales et territoriales ou encore la Cour fédérale si le propriétaire d’une marque de commerce allègue que l’utilisation d’un nom de domaine viole ses droits rattachés à une marque de commerce enregistrée ou en vertu de la common law.
Dans certains cas, les titulaires d’une licence exclusive peuvent déposer une poursuite. Toutefois, il peut être nécessaire de nommer le propriétaire du droit de propriété intellectuelle applicable à titre de partie dans le cadre d’une telle action.
Des injonctions interlocutoires, des injonctions Mareva, des ordonnances Anton Piller et des recours extraordinaires comparables peuvent généralement être utilisés si les seuils appropriés sont atteints.
La Loi sur les marques de commerce et la Loi sur le droit d’auteur prévoient toutes deux la possibilité pour un titulaire d’une marque de commerce ou d’un droit d’auteur (ci-après, le « titulaire ») de présenter une demande d’aide au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (ci-après, le « ministre ») en vue de faciliter l’exercice des recours du titulaire à l’égard de produits importés ou exportés qui sont en contravention de l’une ou l’autre de ces lois. Un agent des douanes canadiennes (ci-après, l’« agent des douanes ») peut retenir temporairement des produits importés au Canada ou exportés du Canada qui semblent violer des droits de propriété intellectuelle du titulaire. Si le ministre accepte la demande d’aide présentée par le titulaire, l’agent peut également fournir à ce dernier des échantillons des exemplaires ainsi que des renseignements au sujet des exemplaires qui pourraient lui être utiles pour l’exercice de ses recours au titre de l’une ou l’autre des lois susmentionnées. Ces dispositions augmentent la capacité des propriétaires de marques d’empêcher des produits contrefaits d’entrer au Canada, mais aucune demande ne peut être effectuée à l’égard de produits qui transitent par le Canada. La demande est valide pendant deux ans. Une fois que les produits sont retenus, la douane canadienne les retiendra pendant une durée maximale de 10 jours ouvrables. Si une poursuite est intentée durant cette période, la douane canadienne retiendra les produits jusqu’à ce que les procédures judiciaires fassent l’objet d’une décision ou d’un règlement ou que le tribunal lui demande de les libérer.
Les ordonnances de disjonction comprennent l’ordonnance de procès distincts en matière de responsabilité et, si une responsabilité est imputée, d’un procès distinct en matière de dommages-intérêts. Elles peuvent généralement être accordées sous réserve d’un consentement, mais il est peu probable qu’elles le soient en l’absence de consentement.
Des règles spéciales régissent les poursuites visant le secteur pharmaceutique relativement à l’émission d’avis de conformité (les « AC ») pour les versions génériques de médicaments qui sont assujettis à des droits de brevet. Dans certains cas limités, des demandes peuvent être effectuées auprès de la Cour fédérale afin d’empêcher le ministre de la Santé d’émettre un AC. Toutefois, dans la plupart des autres cas, une demande visant à empêcher l’émission d’un AC n’est pas possible. Une action en contrefaçon de brevet doit plutôt être intentée à l’encontre de la version générique d’un médicament breveté.
Au Canada, contrairement à certains autres territoires, il n’y a généralement pas de procès devant jury pour les poursuites relatives à la propriété intellectuelle.
Au Canada, contrairement à certains autres territoires, il n’y a généralement pas de procès devant jury pour les poursuites relatives à la propriété intellectuelle. De plus, pour les poursuites relatives aux brevets, il n’y a pas de procédures préliminaires (appelées Markman hearings (« audiences Markman ») aux États-Unis) afin d’établir l’interprétation d’un brevet avant le procès.
Au Canada, si un demandeur a gain de cause dans une action en violation de ses droits à l’égard d’un brevet, d’une marque de commerce ou d’un droit d’auteur, il a généralement droit aux recours suivants :
- une injonction visant à empêcher la poursuite de la violation;
- une indemnité à l’égard de la violation commise jusqu’à la date de l’ordonnance, prenant habituellement la forme d’un choix entre les dommages-intérêts du demandeur et une comptabilisation des profits de l’auteur de la violation; dans le cas des brevets, une indemnité supplémentaire à l’égard des activités de contrefaçon qui surviennent entre la date de la publication de la demande au Canada et la date à laquelle le brevet a été accordé. La Loi sur le droit d’auteur prévoit également des dommages-intérêts préétablis;
- la destruction ou la remise des produits à l’origine de la violation;
- des dommages-intérêts punitifs (dans les rares cas où l’inconduite du défendeur a été flagrante);
- les intérêts et les frais de justice avant et après le jugement.
4. Diffamation
Il est bien connu que la diffamation est un délit complexe.
Il est bien connu que la diffamation est un délit complexe. La présente rubrique ne présente qu’un aperçu du délit de diffamation en common law tel qu’il existe dans les ressorts de common law du Canada. Le droit en diffamation du Québec est similaire, mais présente quelques différences importantes qui ne sont pas abordées dans le présent guide.
4.1 Éléments
Afin d’établir une cause d’action en diffamation, un demandeur doit prouver que le défendeur a fait un énoncé diffamatoire à un tiers à son sujet. Un énoncé diffamatoire est un énoncé qui entacherait la réputation du demandeur dans sa communauté, de l’avis de personnes « raisonnables ».
La diffamation est un délit de responsabilité stricte. Une fois que le demandeur a établi que des mots diffamatoires ont été publiés, le fardeau de la preuve passe au défendeur, qui doit prouver que les mots faisant l’objet de la plainte sont défendables. Les défenses habituelles dans le cadre d’une réclamation en diffamation sont que les mots dont on allègue qu’ils sont diffamatoires étaient vrais (justification), constituaient un commentaire loyal, ont été publiés sous la protection d’une immunité absolue ou relative, ou constituent une communication responsable concernant une question d’intérêt public.
4.2 Justification
La vérité, ou justification, est une défense absolue contre une action en diffamation. Les demandeurs n’ont pas le droit de faire protéger leur caractère ou leur réputation contre des imputations qui sont vraies.
Contrairement aux États-Unis, où l’incidence du Premier amendement fait reposer le fardeau de la preuve sur le demandeur, qui doit prouver que ce qui a été écrit est faux, au Canada, le fardeau repose sur le défendeur, qui doit prouver que les mots faisant l’objet de la plainte sont substantiellement vrais.
Contrairement aux États-Unis, où l’incidence du Premier amendement fait reposer le fardeau de la preuve sur le demandeur, qui doit prouver que ce qui a été écrit est faux, au Canada, le fardeau repose sur le défendeur, qui doit prouver que les mots faisant l’objet de la plainte sont substantiellement vrais. De même, la common law du Canada n’accorde aucune reconnaissance spéciale aux « personnages publics » sauf dans le cadre du respect du critère d’« intérêt public » pour les défenses dont il est question ci-après. En d’autres termes, la défense relative à l’affaire New York Times Co. v. Sullivan n’existe pas au Canada.
4.3 Commentaire loyal
La défense de commentaire loyal protège l’expression d’opinions concernant des questions d’intérêt public qui sont fondées sur des faits. Bien que certains tribunaux canadiens aient suggéré que le commentaire doit être loyal, il serait plus exact de dire que l’opinion peut reposer sur une prévention ou un préjugé à la condition qu’il puisse s’agir d’une opinion honnête d’une personne vu les faits prouvés. Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’une opinion honnête de l’auteur des propos.
4.4 Immunité
Les lois provinciales et territoriales prévoient une défense d’immunité pour diverses formes de comptes rendus, telles que l’immunité en vertu de la loi pour les comptes rendus fidèles et exacts de procédures judiciaires. En plus des procédures judiciaires, la loi protège également les comptes rendus fidèles et exacts des assemblées et des communications publiques, et des décisions prises par les organismes qui représentent l’autorité gouvernementale. Dans certains cas, l’immunité est absolue, mais dans d’autres, elle s’applique à la condition que le défendeur n’agisse pas avec malveillance.
En plus de l’immunité en vertu de la loi, la common law reconnaît une immunité relative qui protège les énoncés diffamatoires lorsque le défendeur avait une obligation légale, morale ou sociale de faire l’énoncé, et que le destinataire du renseignement avait un intérêt correspondant à le recevoir. L’immunité relative a été reconnue dans de nombreuses situations, y compris des communications relatives à l’emploi, à la famille, aux syndicats, aux poursuites, des communications entre entreprises et médicales. Dans chaque affaire, la question consiste à établir s’il existe un intérêt à publier et à recevoir le renseignement.
4.5 Communication responsable concernant une question d’intérêt public
Une nouveauté relativement récente en droit de la diffamation canadien est la protection des informations de presse concernant les questions d’intérêt public lorsque ces informations ont été préparées et publiées de manière responsable et qu’elles se rapportent à une question d’intérêt public. La Cour suprême du Canada a reconnu cette défense dans sa décision historique sur l’affaire Grant c. Torstar. La cour a nommé cette défense « communication responsable concernant une question d’intérêt public » et celle‑ci peut être utilisée lorsque 1) la publication porte sur une question d’intérêt public, et 2) la publication était responsable, c’est-à-dire que le défendeur a tenté avec diligence de vérifier les allégations, compte tenu de l’ensemble des circonstances pertinentes. Lorsque ces deux éléments sont présents, la défense peut être utilisée, même si l’information publiée est fausse.
4.6 Malveillance
Lorsque les défenses de commentaire loyal, d’immunité relative ou de communication responsable sont établies, elles ne peuvent échouer que si le demandeur prouve que le défendeur a agi avec malveillance, en ce sens que la publication ne visait pas principalement à faire un commentaire concernant une question d’intérêt public, mais plutôt à causer préjudice à la personne visée par le commentaire.
4.7 Compétence
Compte tenu du Premier amendement et de l’incidence de l’affaire New York Times Co. v. Sullivan aux États-Unis, le Canada est un ressort plus « favorable aux demandeurs » que les États-Unis. Par conséquent, des défendeurs situés aux États-Unis ont parfois tenté d’intenter des actions au Canada. Cette tactique est davantage utilisée depuis l’arrivée d’Internet. La Cour suprême du Canada s’est récemment penchée sur la question de la compétence dans l’arrêt Haaretz.com c. Goldhar dans le contexte d’une affaire de diffamation sur Internet. Elle a fait remarquer qu’étant donné la facilité avec laquelle la compétence peut être établie dans une affaire de diffamation, les juges doivent examiner rigoureusement et minutieusement la question du forum non conveniens (forum qui ne convient pas). Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a tranché que le forum approprié était Israël, et non l’Ontario.
Même dans les cas où il est établi que le territoire de compétence approprié est le Canada, ou encore une province ou un territoire du Canada, lorsqu’un document en ligne est visualisé au Canada, les dommages-intérêts du demandeur peuvent se limiter à l’atteinte à sa réputation au Canada. Les tribunaux américains ont été réticents à appliquer les jugements en diffamation canadiens, étant donné que le Canada ne dispose pas de protections en matière de liberté d’expression semblables à celles accordées par le Premier amendement. Par conséquent, même si un jugement en diffamation est obtenu au Canada contre un défendeur situé aux États-Unis, il peut être très difficile de le faire appliquer aux États-Unis.
4.8 Dommages-intérêts
Il est présumé que des dommages ont été subis dans les affaires de diffamation. Les sommes accordées au Canada sont beaucoup moins importantes que celles qui sont accordées aux États-Unis. La somme la plus importante accordée dans une affaire canadienne se chiffrait à 2,5 M$ CA. La plupart des montants de dommages-intérêts en diffamation accordés au Canada s’élèvent à moins de 100 000 $ CA.
5. Différends fiscaux
La Cour canadienne de l’impôt (la « CCI ») est une cour supérieure d’archives qui a compétence à l’égard des poursuites pour la plupart des différends relatifs aux taxes à la consommation et aux impôts sur le revenu fédéraux au Canada. Sa compétence se limite aux droits prévus par la loi et comprend généralement toutes les questions relatives aux cotisations et aux nouvelles cotisations d’impôts, de taxes, d’intérêts ou de pénalités. Les appels des décisions de la CCI sont sous la compétence exclusive de la Cour d’appel fédérale.
Les poursuites pour différends relatifs aux taxes et aux impôts fédéraux sont intentées par un contribuable, qui dépose un avis d’appel auprès de la CCI. Les affaires sont traitées par voie de procédure informelle ou générale. Pour les appels en matière d’impôt sur le revenu, la procédure informelle se limite aux affaires dans le cadre desquelles le montant des impôt, des taxes et des pénalités fédéraux contesté pour chaque année d’imposition, exclusion faite des intérêts, est de 25 000 $ CA ou moins. Pour les appels relatifs à la taxe sur les produits et services (TPS), le montant contesté ne peut pas dépasser 50 000 $ CA. La procédure générale peut être utilisée dans tout autre cas où la personne n’est pas admissible et choisit de ne pas recourir à la procédure informelle, peu importe le montant contesté. Pour les affaires traitées au moyen de la procédure générale, l’enquête préalable est effectuée par échange de documents suivi de l’interrogatoire, sans la présence d’un juge, d’un témoin pour le compte de chaque partie. L’une des parties ou les deux peuvent alors demander une date d’audience, dans le cadre de laquelle les témoins seront interrogés et contre-interrogés devant un juge et des documents seront admis officiellement à titre de preuves. Les procès à la CCI durent généralement un jour ou moins, particulièrement lorsque les parties se sont entendues sur la totalité ou la quasi‑totalité des faits. Cependant, pour les affaires plus complexes ou litigieuses, le procès peut s’étendre sur plusieurs semaines, voire des mois. Une décision rendue par la CCI selon la procédure générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit devant la Cour d’appel fédérale. Toutefois, une décision rendue par la CCI selon la procédure informelle peut uniquement faire l’objet d’un contrôle judiciaire de la Cour d’appel fédérale.
À la CCI, le fardeau de la preuve repose sur le contribuable, qui doit démontrer que sa cotisation fiscale (ou sa nouvelle cotisation) et les présomptions utilisées par l’Agence du revenu du Canada dans sa cotisation fiscale (ou sa nouvelle cotisation) sont erronées.
À la CCI, le fardeau de la preuve repose sur le contribuable, qui doit démontrer que sa cotisation fiscale (ou sa nouvelle cotisation) et les présomptions utilisées par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») dans sa cotisation fiscale (ou sa nouvelle cotisation) sont erronées. Une fois que le contribuable a présenté sa preuve prima facie (à première vue), le fardeau de la preuve passe à l’ARC, qui doit faire la preuve de ses présomptions selon la prépondérance des probabilités.
Il existe une exception à l’égard des pénalités civiles ou des cotisations au-delà du délai de prescription normal, auquel cas le fardeau de la preuve repose sur l’ARC. De plus, le ministre du Revenu national (ci-après, le « ministre ») allègue des faits nouveaux qui diffèrent de ceux ayant servi de fondement à la cotisation (ou à la nouvelle cotisation), il incombe à l’ARC de les prouver. En règle générale, le ministre est représenté par des avocats spécialisés en litige fiscal du ministère de la Justice.
La décision d’accepter ou non une offre de règlement, et sur quel fondement, est prise dans tous les cas en collaboration entre l’ARC et le ministère de la Justice. Les règlements s’appuient généralement sur une approche fondée sur des principes à l’égard de l’affaire plutôt que sur un pourcentage du montant en dollars en jeu. Cette approche diffère des règles adoptées pour les litiges de nature civile, mais elle offre l’occasion d’élaborer des stratégies de règlement créatives, particulièrement dans le cas d’années ou de problèmes d’imposition multiples.
Lorsqu’elle rend un jugement en faveur d’un contribuable, la CCI peut ordonner au ministre d’émettre une nouvelle cotisation, selon les directives du juge. Si la cotisation ou la nouvelle cotisation est entièrement incorrecte, elle peut être annulée dans sa totalité.
Dans le passé, les frais n’ont été récupérables que selon des montants de tarifs relativement modestes, mais certaines décisions récentes témoignent d’un effort accru afin d’indemniser les parties qui obtiennent gain de cause. Les débours raisonnables de la partie qui obtient gain de cause (y compris les frais relatifs au témoignage d’experts) sont généralement récupérables en totalité.