Au Canada, on constate une tendance vers la résolution des différends commerciaux par arbitrage plutôt que par voie de litige devant les tribunaux. Dans la plupart des cas, les tribunaux canadiens rendront exécutoires l’entente visant à soumettre un différend à l’arbitrage et la sentence arbitrale qui en découle.
Table des matières
1. Nature de l’arbitrage
L’arbitrage est un mode de règlement des différends quasi judiciaire par un ou plusieurs arbitres habituellement nommés par les parties. Dans la plupart des cas, l’arbitrage comprend une audience donnant lieu à une décision exécutoire. Cependant, le processus d’arbitrage est bien souvent moins formel qu’un procès devant un tribunal. Par exemple, les règles de preuve applicables aux procès devant les tribunaux ne s’appliquent généralement pas ou sont assouplies.
Dans la plupart des cas, l’arbitrage comprend une audience donnant lieu à une décision exécutoire.
Des lois régissant les arbitrages ont été adoptées dans tous les ressorts canadiens. Bien que ces lois diffèrent à certains égards, elles contiennent de nombreuses dispositions similaires et, en règle générale, elles restreignent la compétence des tribunaux à l’égard des différends que les parties ont convenu de soumettre à l’arbitrage. De plus, elles exigent la suspension des procédures judiciaires connexes et permettent au tribunal d’intervenir uniquement dans certaines circonstances. Les lois internes générales en matière d’arbitrage ne régissent pas certains types d’arbitrages, notamment ceux dans le domaine du travail et les arbitrages commerciaux internationaux.
Les lois générales en matière d’arbitrage de bon nombre de ressorts canadiens prévoient que les règles de droit relatives à la prescription s’appliquent aux arbitrages.
2. Avantages et inconvénients de l’arbitrage
Pour la plupart des différends entre des parties commerciales, l’arbitrage comporte de nombreux avantages qui peuvent donner lieu à un processus de règlement des différends plus satisfaisant dans l’ensemble. Cependant, l’arbitrage comporte également certains inconvénients qui devraient être pris en compte avant de convenir de soumettre un différend à l’arbitrage.
Le principal avantage de l’arbitrage est peut-être le fait que les parties peuvent convenir d’un décideur mutuellement acceptable. Cette possibilité peut se révéler très utile si la nature du différend nécessite des connaissances spécialisées ou techniques qu’il est peu probable de trouver chez un juge. Souvent, les parties peuvent également faire trancher leur différend sur le fond beaucoup plus rapidement que dans le cadre d’un procès. Contrairement aux procédures judiciaires, la partie gagnante dans un arbitrage a habituellement droit au recouvrement des frais et dépens raisonnables qu’elle a engagés. La plupart des parties commerciales considèrent qu’il s’agit d’un avantage de l’arbitrage.
Le principal avantage de l’arbitrage est peut-être le fait que les parties peuvent convenir d’un décideur mutuellement acceptable.
Le processus est relativement souple et adaptable et convient parfaitement aux parties qui peuvent s’entendre sur des questions de procédure et d’autres questions. De plus, contrairement aux procédures judiciaires, qui sont ouvertes et publiques, les parties peuvent convenir de préserver la confidentialité de la procédure d’arbitrage et de la sentence arbitrale, ce qui peut se révéler important dans les affaires comportant des renseignements sensibles sur le plan commercial. Par ailleurs, afin de régler rapidement le différend et de réduire les coûts, les parties peuvent convenir d’éliminer les droits d’appel en grande partie.
Si une partie au différend est intransigeante et n’est pas disposée à participer à quelque processus que ce soit, certains aspects de l’arbitrage peuvent être réglés rapidement et à faible coût. En règle générale, le tribunal arbitral est revêtu de la compétence pour établir et contrôler le processus en tenant compte de ces objectifs. Selon l’approche de l’arbitre, ce type d’intervention peut commencer au tout début du différend. Il est peu courant d’interroger au préalable des témoins avant l’audience, bien que cela soit possible dans certains cas. De plus, l’adoption de règles institutionnelles par les parties peut sensiblement réduire les risques qu’une partie réticente utilise des moyens dilatoires. En l’absence de l’adoption de règles institutionnelles claires, une partie réticente peut parfois trouver son salut dans le fait qu’il n’existe pas de règles de procédure établies pour les arbitrages, ce qui peut entraîner des coûts plus élevés et des procédures de durée plus longue.
Si les parties souhaitent créer un précédent juridique liant des tiers par le règlement du différend, l’arbitrage ne constitue pas la solution idéale car, comme il est indiqué plus haut, les arbitrages se déroulent bien souvent en privé et en toute confidentialité. Il n’existe donc pas de registre public des sentences arbitrales. Dans certains cas, il est difficile de définir les limites de la compétence d’un tribunal arbitral, comparativement aux tribunaux judiciaires, qui ont une large compétence inhérente. Des difficultés peuvent également survenir lorsque seulement quelques-unes des parties à un différend multipartite sont liées par une clause d’arbitrage. Dans bien des cas, les questions relatives au territoire de compétence et aux différends multipartites peuvent être abordées efficacement lors de la rédaction de la convention d’arbitrage.
Des questions de compétence peuvent être soulevées, notamment quant à savoir si :
- Le tribunal arbitral a le pouvoir de statuer sur toutes les réclamations de fond liées au différend.
- Il peut accorder certains types de mesures de redressement, par exemple des mesures injonctives, des dommages-intérêts punitifs et des cautionnements pour frais.
- Il est possible de demander des mesures injonctives interlocutoires d’urgence à un tribunal arbitral.
D’autres problèmes peuvent également survenir, notamment si seulement quelques-unes des parties à un litige multipartite sont liées par une clause d’arbitrage.
3. Convention et procédure d’arbitrage
Une convention d’arbitrage peut être faite par écrit ou verbalement (sauf au Québec, où elle doit être faite par écrit), et elle peut être détaillée ou générale. Dans certains cas, les parties conviennent d’inclure dans une entente commerciale une clause d’arbitrage qui prévoit que tout différend pouvant survenir dans l’avenir au sujet de cette entente sera réglé par arbitrage. Dans ces cas, en règle générale, aucune des parties ne peut avoir recours aux tribunaux pour régler un différend. Dans d’autres cas, en l’absence d’une clause d’arbitrage antérieure au différend, les parties peuvent convenir de recourir à l’arbitrage après la survenance d’un différend, même après le commencement d’une procédure judiciaire.
Les clauses d’arbitrage indiquent généralement, à tout le moins, la nature et la portée des différends devant être soumis à l’arbitrage et s’il y aura un ou plusieurs arbitres. De plus, elles prévoient habituellement les règles de procédure devant régir le différend, soit en les énonçant, soit en intégrant les règles prévues dans une loi donnée ou établies par un organisme reconnu. Le fait d’inclure d’emblée une clause d’arbitrage détaillée dans une entente commerciale peut donner lieu à un processus de règlement des différends plus satisfaisant que si on commence ce processus après la survenance d’un différend.
Le caractère exécutoire d’une clause d’arbitrage peut être soumis à la législation en matière de protection des consommateurs. Par exemple, au Québec et en Ontario, les consommateurs ont le droit de faire trancher certains types de différends par un tribunal. Une clause d’arbitrage ne peut pas priver les consommateurs de ces droits à l’avance, mais le consommateur peut, après la survenance d’un différend, convenir de soumettre ce différend à l’arbitrage. Par ailleurs, au Québec, les parties ne peuvent pas convenir de soumettre à l’arbitrage un différend portant sur l’état et la capacité des personnes, sur les matières familiales ou sur les autres questions qui intéressent l’ordre public. Les questions qui n’intéressent pas l’ordre public sont arbitrables. De plus, d’autres principes contractuels ou lois peuvent rendre une clause d’arbitrage nulle, inopérante ou inexécutable. Par exemple, dans l’affaire Uber Technologies Inc c. Heller, la Cour suprême du Canada a déterminé qu’une clause d’arbitrage était inique et donc nulle.
Sous réserve de certaines exigences minimales, les parties peuvent convenir d’un processus parfaitement adapté aux circonstances du différend afin de parvenir à un règlement équitable de la façon la plus efficace et économique qui soit.
4. Adjudication d’intérêts et de frais et exécution de la sentence arbitrale
En règle générale, une sentence arbitrale est écrite et motivée. Elle lie les parties, à moins qu’elle ne soit modifiée, infirmée ou annulée. De plus, en vertu des lois en matière d’arbitrage, le tribunal arbitral est habilité à ordonner le paiement d’intérêts. La plupart des lois en matière d’arbitrage permettent le paiement d’intérêts selon ce dont les parties ont convenu dans la convention d’arbitrage qu’elles ont conclue ou selon un taux d’intérêt commercial qui est convenable dans les circonstances.
Sauf entente contraire entre les parties, le tribunal arbitral a généralement un pouvoir discrétionnaire absolu à l’égard des frais de la procédure d’arbitrage, y compris les frais propres au tribunal. Au Canada, ce pouvoir est généralement exercé selon le principe du « perdant payeur ». Pour la plupart des arbitrages, cela veut dire que la partie gagnante aura droit au recouvrement de ses frais et honoraires raisonnables, y compris les frais relatifs à la procédure d’arbitrage. Les parties peuvent limiter ou réduire à néant la compétence de l’arbitre à cet égard en prévoyant dans la convention d’arbitrage des formules innovantes ou des dispositions particulières concernant la responsabilité à l’égard des frais.
Les lois provinciales et territoriales en matière d’arbitrage prévoient que l’exécution des sentences arbitrales se fait au moyen d’une simple demande au tribunal. Par suite de cette demande, la sentence arbitrale est convertie en jugement du tribunal, après quoi on peut entreprendre les procédures d’exécution habituelles. Certaines lois en matière d’arbitrage prévoient le même processus pour les sentences arbitrales rendues n’importe où au Canada.
5. Droit d’interjeter appel ou annulation d’une sentence
Les parties à un arbitrage peuvent généralement exclure les droits d’appel dans la plupart des cas, mais pas tous. En vertu de la plupart des lois en matière d’arbitrage au Canada, en plus des droits d’appel, une sentence arbitrale peut être annulée pour divers motifs, y compris une convention d’arbitrage invalide, une sentence hors de la compétence de l’arbitre, un tribunal arbitral composé de façon irrégulière, le traitement manifestement injuste ou inégal d’une partie, des craintes raisonnables de partialité de la part de l’arbitre, ou une décision obtenue par fraude.
Au Québec, on ne peut pas interjeter appel d’une sentence arbitrale, et les parties ne peuvent pas préserver des droits d’appel par contrat. Le seul recours possible à l’encontre d’une sentence arbitrale est la présentation d’une demande d’annulation au tribunal ou l’opposition à une demande d’homologation (d’approbation) de la sentence arbitrale. Les motifs pouvant être invoqués pour annuler une sentence arbitrale sont similaires à ceux qui sont mentionnés ci-dessus. On dispose d’un droit d’appel auprès de la Cour d’appel du Québec à l’égard d’un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec qui déclare une sentence arbitrale nulle ou qui omet d’homologuer la sentence pour les motifs susmentionnés.
Les appels et les demandes d’annulation de sentences arbitrales sont régis par des délais stricts que le tribunal pourrait ne pas être en mesure de proroger.
6. Loi sur l’arbitrage commercial
La loi fédérale intitulée Loi sur l’arbitrage commercial (la « LAC ») régit les arbitrages commerciaux dans le cadre desquels au moins une des parties est le gouvernement fédéral, un ministère du gouvernement fédéral ou une société d’État. La LAC s’applique aux sentences arbitrales rendues et aux conventions d’arbitrage conclues avant ou après son entrée en vigueur.
La LAC adopte le Code d’arbitrage commercial fondé sur la loi type adoptée par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (la « CNUDCI »), qui a été rédigée en juin 1985. Seuls les changements nécessaires pour « canadianiser » la loi type avec des références au « Canada » ou à ses tribunaux ont été apportés. Par ailleurs, la loi type de la CNUDCI s’applique sans modification à toutes les sentences arbitrales et les conventions d’arbitrage applicables.
7. Arbitrage international
7.1 Arbitrage international au Canada
Depuis que le Canada est partie à la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères des Nations Unies, également appelée la « Convention de New York de 1958 », une sentence arbitrale internationale rendue au Canada peut être exécutée dans les autres territoires signataires. De même, une sentence rendue dans un autre territoire signataire peut être exécutée au Canada. Étant donné la grande déférence accordée aux conventions d’arbitrage, plus particulièrement les conventions d’arbitrage commercial international, les tribunaux canadiens sursoient à l’instance et exécutent les sentences arbitrales internationales. Toutefois, la mesure dans laquelle une sentence arbitrale internationale peut être exécutée au Canada demeure sujette à des facteurs locaux, notamment les délais de prescription provinciaux et territoriaux.
Le gouvernement du Canada et les gouvernements de l’ensemble des provinces et des territoires ont adopté des lois en matière d’arbitrage commercial international qui sont fondées sur la loi type de 1985 de la CNUDCI. Cette dernière est donc en vigueur dans chaque territoire de compétence canadien, avec de légères modifications. Chacune de ces lois s’applique uniquement dans les limites territoriales applicables. Par exemple, la loi de l’Alberta intitulée International Commercial Arbitration Act s’applique uniquement lorsque l’arbitrage a lieu en Alberta, que les parties ont convenu que le droit de l’Alberta régit l’arbitrage, ou que la sentence est exécutée en Alberta.
L’ensemble des provinces et des territoires du Canada ont adopté des lois générales en matière d’arbitrage et d’autres lois qui s’appliquent plus précisément aux arbitrages commerciaux internationaux. En règle générale, les lois en matière d’arbitrage national s’appliqueront, à moins qu’une loi en matière d’arbitrage international ne s’applique expressément. La loi intitulée International Commercial Arbitration Act ne s’applique pas aux arbitrages commerciaux nationaux ni aux arbitrages internationaux « non commerciaux ». L’application des lois en matière d’arbitrage commercial international dépend de la signification des termes « international » et « commercial ».
7.2 Processus d’arbitrage international
7.2.1 Convention d’arbitrage
La convention d’arbitrage doit être faite par écrit pour que les lois canadiennes en matière d’arbitrage commercial international s’appliquent. En règle générale, au début d’une relation commerciale, les parties conviennent de soumettre à l’arbitrage tout différend qui pourrait survenir relativement à leur contrat. Cependant, les parties peuvent à tout moment convenir de soumettre un différend à l’arbitrage plutôt que d’avoir recours aux tribunaux. Une convention d’arbitrage peut être énoncée dans une clause d’une entente générale ou faire l’objet d’un document distinct.
7.2.2 Exécution de la convention
La règle générale veut qu’un tribunal canadien doive surseoir à l’instance si les parties ont conclu une convention d’arbitrage.
Une convention visant à soumettre tout différend actuel ou futur à l’arbitrage lie les parties. Une partie peut obliger l’autre partie à soumettre à l’arbitrage tout différend visé par la convention d’arbitrage. La règle générale veut qu’un tribunal canadien doive surseoir à l’instance si les parties ont conclu une convention d’arbitrage.
7.2.3 Entreprendre une procédure d’arbitrage
Pour entreprendre une procédure d’arbitrage, un avis doit être donné conformément à la convention d’arbitrage.
7.2.4 Conférence préalable
Il n’est pas rare qu’une conférence préalable soit tenue afin d’établir le cadre d’arbitrage, et il s’agit en fait d’une obligation prévue par les règles de certaines institutions d’arbitrage international. Lors d’une conférence préalable, on peut aborder des sujets tels que la signification des documents, la portée et le contenu des actes de procédure, les énoncés des faits non contestés, les enjeux de confidentialité, l’identification et la disponibilité des témoins, la nécessité d’avoir recours à des interprètes, le choix des salles d’audience et les frais. Avant l’audience, il est également possible de faire des demandes de mesures provisoires ou de mesures de protection.
Voici le déroulement général d’une conférence préalable : une réclamation est déposée et des précisions peuvent être demandées et fournies; une défense et une demande reconventionnelle peuvent être déposées; les preuves documentaires pertinentes sont produites; et les parties peuvent échanger des rapports d’expertise.
7.2.5 Audience
Les procédures d’arbitrage doivent respecter les principes d’impartialité, de faisabilité et de convenance. Les deux parties doivent se voir accorder une possibilité raisonnable de présenter leurs arguments. Une audience orale n’est pas nécessaire puisque les parties peuvent convenir de présenter leurs arguments uniquement au moyen de documents, ou encore au moyen de documents et d’exposés. Une audience d’arbitrage ressemble généralement à une instance devant un tribunal, mais elle est bien souvent moins formelle. Pendant l’audience d’arbitrage, les parties peuvent produire des preuves et présenter leurs arguments à l’arbitre.
7.2.6 Sentence
La sentence arbitrale doit être rendue par écrit et elle est généralement motivée. Cependant, les parties sont libres de convenir que la sentence ne doit pas être motivée. Une entente conclue par les parties pendant la procédure d’arbitrage peut également être consignée sous forme de sentence.
7.2.7 Révision et exécution
Sauf si les parties en conviennent expressément autrement, il ne peut être interjeté appel de la décision d’un arbitre, et les droits de révision sont très limités.