Les parties intéressées du secteur de la négociation de cryptoactifs ont l’occasion de donner leur point de vue sur ce qui constituerait, au Canada, une surveillance réglementaire adéquate des plateformes de négociation de cryptoactifs.
Le 14 mars 2019, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») et l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (l’« OCRCVM » et, collectivement avec les ACVM, les « organismes de réglementation ») ont publié conjointement le document de consultation 21-402 Projet d’encadrement des plateformes de négociation de cryptoactifs (le « document de consultation »), dans lequel les organismes de réglementation reconnaissent la nécessité de réglementer les plateformes qui facilitent l’achat, la vente ou le transfert de cryptoactifs (les « plateformes »).
Les organismes de réglementation proposent un ensemble d’obligations réglementaires (le « projet d’encadrement des plateformes ») adaptées aux nouvelles caractéristiques et aux nouveaux risques associés à de telles plateformes. Ces obligations seront peaufinées à la suite des consultations menées auprès des entreprises de technologie financière (aussi appelées fintech), des participants au marché, des investisseurs et d’autres parties prenantes. Le projet d’encadrement des plateformes s’appliquera à la fois aux plateformes exploitées au Canada et à celles qui ont des participants canadiens.
Dans leurs deux avis du personnel publiés précédemment (l’Avis 46-307 du personnel des ACVM – Les émissions de cryptomonnaies et l’Avis 46-308 du personnel des ACVM – Incidences de la législation en valeurs mobilières sur les émissions de jetons), les ACVM ont présenté leurs interprétations et indications sans avoir sollicité de commentaires au préalable. Pour en savoir davantage sur ces avis du personnel, consultez nos Bulletins Blakes intitulés Réponse des intervenants du secteur aux indications des ACVM sur les émissions de cryptomonnaies et Émission de cryptomonnaies et de jetons de chaînes de blocs : commentaires et exemples des ACVM sur l’applicabilité de la législation en valeurs mobilières.
Dans le document de consultation, les organismes de réglementation adoptent une approche différente et invitent les parties intéressées et les parties prenantes du secteur à formuler leurs commentaires et recommandations au plus tard le 15 mai 2019. Le projet d’encadrement des plateformes, présenté dans le document de consultation, dénote une certaine réflexion préliminaire par les organismes de réglementation. Ce document constitue un pas dans la bonne direction en vue de préciser le cadre réglementaire applicable aux plateformes. Nous recommandons aux lecteurs d’étudier attentivement les questions formulées par les organismes de réglementation et de soumettre des réponses détaillées à celles-ci.
QUESTIONS
Le document de consultation traite de nombreux aspects d’un système complexe et il contient une liste de 22 questions portant sur des sujets variés. Les organismes de réglementation sollicitent des commentaires non seulement en réponse à ces questions, mais aussi sur la façon appropriée de réglementer les plateformes. Quelques-unes de ces questions sont abordées ci-dessous.
1. Quels facteurs devraient être pris en considération par les organismes de réglementation pour déterminer si un titre ou un dérivé est négocié sur une plateforme?
Le document de consultation mentionne ce qui suit : « Une plateforme sur laquelle sont négociés des cryptoactifs qui constituent des titres ou des dérivés, ou les deux, serait assujettie aux obligations réglementaires applicables aux valeurs mobilières ou aux dérivés. »
Les organismes de réglementation indiquent que : « Nous soulignons qu’il est largement admis qu’au moins certains des cryptoactifs bien établis constituant une forme de paiement ou un moyen d’échange sur un réseau décentralisé, comme le Bitcoin, ne sont pas à l’heure actuelle, en tant que tels, des titres ou des dérivés. » Cependant, selon eux, la législation en valeurs mobilières pourrait tout de même s’appliquer à ces plateformes, « […] car le droit contractuel de l’investisseur à l’égard du cryptoactif peut constituer un titre ou un dérivé », mais ils ne précisent pas ce que de tels droits contractuels peuvent signifier.
Les organismes de réglementation évaluent actuellement la façon dont s’effectue la négociation sur les plateformes pour déterminer si un titre ou un dérivé pourrait ou non être en jeu. Parmi les facteurs qui sont examinés, notons les questions de savoir si la plateforme est structurée de manière à ce que des cryptoactifs soient livrés aux investisseurs, si les actifs des investisseurs sont mis en commun, si la plateforme détient ou contrôle les actifs des participants, et quels sont les droits des investisseurs en cas d’insolvabilité de la plateforme.
Même si l’objet du document de consultation, à cette étape, n’est pas de fournir des indications supplémentaires, nous espérons que les organismes de réglementation apporteront davantage de précisions dans le cadre de l’élaboration continue du projet d’encadrement des plateformes.
Il est normal qu’une attention particulière soit portée à la question de déterminer s’il s’agit ou non d’un titre, compte tenu de la compétence des organismes de réglementation, mais une initiative plus large est peut-être nécessaire aujourd’hui afin d’envisager l’élaboration d’un cadre réglementaire canadien élargi pour les plateformes de négociation de cryptoactifs qui pourraient ne pas être des titres. Ce cadre ne relèverait pas nécessairement de la législation en valeurs mobilières et sur les contrats à terme sur marchandises, ni ne serait limité par celle-ci.
2. Quelles pratiques exemplaires existantes les plateformes pourraient-elles appliquer pour atténuer les risques? En quoi consistent ces risques précisément?
Les organismes de réglementation reconnaissent que les risques associés aux plateformes, dans certains cas, s’apparentent à ceux qui sont applicables à d’autres types d’entités réglementées, comme les marchés et les courtiers. Toutefois, l’introduction des cryptoactifs et les modèles opérationnels des plateformes comportent également de nouveaux risques, notamment :
- que les cryptoactifs des investisseurs pourraient ne pas être protégés adéquatement par la plateforme qui en a le contrôle – risque accru à l’heure actuelle par les difficultés associées à l’audit des contrôles internes qui concernent la garde des actifs des participants;
- que les investisseurs pourraient ne pas disposer d’information importante sur les cryptoactifs (en ce qui a trait à la difficulté de liquider de tels actifs, par exemple) ou sur les activités de la plateforme (renseignements sur la garde des cryptoactifs et les frais des plateformes, par exemple);
- qu’il y a présence de conflits d’intérêts, comme le fait qu’une plateforme agisse comme teneur de marché, ou qu’il y a absence de surveillance des opérations ou un manque de transparence quant aux cours et aux volumes dans les marchés volatils.
Les organismes de réglementation cherchent à connaître la nature des risques importants et la façon dont les pratiques exemplaires visant à atténuer les risques devraient être prises en considération dans le cadre de l’élaboration du projet d’encadrement des plateformes.
3. Y a-t-il ailleurs dans le monde des approches réglementaires en matière de cryptoactifs qu’il serait approprié de prendre en considération au Canada?
Les organismes de réglementation ont indiqué ce qui suit : « Pour élaborer le projet d’encadrement des plateformes, nous avons tenu compte des approches adoptées par les autorités de réglementation en valeurs mobilières et en matière financière d’autres territoires. » Le document de consultation fait référence aux cadres réglementaires des États-Unis, de l’Autorité européenne des marchés financiers, de Singapour, de Hong Kong et de la Malaisie. Nous notons que d’autres approches, publiées ailleurs dans le monde, relativement à la réglementation des plateformes pourraient être ajoutées à la liste, dont celles du Royaume-Uni, du Japon, de la Suisse, des Bermudes, de Gibraltar ou de Malte. Les commentateurs ayant expérimenté l’approche d’autres organismes de réglementation à l’échelle mondiale sont invités à communiquer aux organismes de réglementation canadiens de l’information sur la structure de ces cadres réglementaires, de même que sur leurs avantages et désavantages.
PROJET D’ENCADREMENT DES PLATEFORMES
Le projet d’encadrement des plateformes s’appuie fortement sur la réglementation canadienne qui régit déjà les marchés, les courtiers et les bourses. Les lecteurs devraient déterminer quels règlements existants devraient s’appliquer aux plateformes ou être modifiés aux fins d’application aux plateformes et ce, dans un cas comme dans l’autre, afin d’atténuer les risques associés à ces plateformes, compte tenu des nouveaux enjeux sur le plan opérationnel.
Aux termes du projet d’encadrement des plateformes, il est envisagé que les plateformes doivent être inscrites en tant que courtiers en placement et devenir des marchés membres et des courtiers membres de l’OCRCVM. Il est mentionné dans une note de bas de page « […] que, selon les faits et les circonstances, il pourrait ne pas être approprié d’être membre de l’OCRCVM dans tous les cas. » Toutefois, le document de consultation n’offre pas de suggestions sur les types d’entités qui ne devraient pas être membres de l’OCRCVM, ni sur le moment où il ne serait pas approprié de le devenir.
La partie 5 du document de consultation comporte des questions détaillées concernant les obligations proposées, notamment en ce qui a trait à la garde et à la vérification des cryptoactifs, aux rapports sur les contrôles internes, à la détermination des prix, à la surveillance du marché, à la planification de la continuité des activités, aux conflits d’intérêts, aux assurances, et à la compensation et au règlement des opérations sur les plateformes (par exemple, toutes les opérations exécutées sur un marché doivent habituellement être réglées par l’intermédiaire d’une chambre de compensation). Une dispense conditionnelle pourrait être appropriée ou, dans le cas d’échanges décentralisés exempts de garde, des mesures de contrôles spécifiques devraient être mises en place pour parer aux risques opérationnels et technologiques associés à la plateforme. Il serait utile que les commentateurs expliquent les défis opérationnels auxquels font face les plateformes, qui peuvent, en pratique, les empêcher de se conformer aux cadres existants. Les commentaires devraient toutefois être accompagnés de recommandations d’autres mesures d’atténuation des risques, et ce, afin de répondre aux préoccupations des organismes de réglementation.
La dernière question (fourre-tout) illustre bien l’étendue de la consultation, soit : « Quelles obligations réglementaires, tant au niveau des ACVM qu’à celui de l’OCRCVM, devraient s’appliquer aux plateformes ou être modifiées en fonction de celles-ci? Veuillez motiver votre réponse et fournir des exemples. »
COMMENTAIRES
Il est important que les parties intéressées saisissent cette occasion de contribuer à l’avancement du projet d’encadrement des plateformes afin que celui-ci devienne un régime utile, efficace, adéquat et complet.
Les parties intéressées doivent soumettre leurs commentaires, par courriel en format Microsoft Word, au plus tard le 15 mai 2019 à l’OCRCVM et à tous les membres des ACVM indiqués dans le document de consultation.
Pour en savoir davantage, communiquez avec :
Howard Levine 514-982-4005
Ross McKee 416-863-3277
Niloofar Entezari 416-863-4342
ou un autre membre de notre groupe Marchés des capitaux.
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