Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») et l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (l’« OCRCVM ») ont publié récemment des indications sur la façon dont la législation en valeurs mobilières s’applique aux plateformes qui facilitent la négociation des jetons de titres et des contrats sur cryptoactifs (soit les plateformes de négociation de cryptoactifs; ci-après, les « plateformes »). Ces indications suggèrent l’ouverture d’une voie qui permettrait aux plateformes d’exercer leurs activités au Canada conformément au cadre de réglementation des valeurs mobilières existant. Du même coup, elles signalent que des mesures d’application de la loi pourraient bientôt être prises contre les plateformes non conformes.
Publié conjointement par les ACVM et l’OCRCVM le 29 mars 2021, l’Avis 21-329 – Indications à l’intention des plateformes de négociation de cryptoactifs : Conformité aux obligations réglementaires (l’« Avis ») comprend ce qui suit :
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Un aperçu des obligations réglementaires existantes qui s’appliquent aux plateformes;
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Les principaux risques identifiés par les ACVM et l’OCRCVM à l’égard des activités exercées par les plateformes;
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Les points sur lesquels les obligations réglementaires peuvent s’appliquer aux plateformes avec une certaine souplesse;
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Les mesures de conformité qu’une plateforme doit prendre, y compris les mesures provisoires qui lui permettraient d’exercer ses activités d’ici son adhésion complète au régime de réglementation des valeurs mobilières.
En plus d’indiquer que les plateformes exerçant leurs activités au Canada sont assujetties à des exigences réglementaires en vertu du cadre de réglementation des valeurs mobilières en vigueur, l’Avis précise que les sociétés inscrites existantes qui lancent des produits ou des services de cryptoactifs seront tenues de signaler toute modification de leurs activités commerciales à leur autorité principale et, dans le cas des courtiers en placement, à l’OCRCVM.
L’Avis indique également que les membres des ACVM peuvent prendre des mesures d’application de la loi contre les plateformes ne respectant pas la législation canadienne en valeurs mobilières applicable. Il rappelle aussi aux plateformes exerçant des activités depuis l’étranger qu’elles sont considérées comme exerçant des activités au Canada dans la mesure de leurs activités auprès de clients canadiens.
Parallèlement à la publication de l’Avis, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO ») a publié un communiqué de presse, lequel avise encore plus directement les plateformes qu’elles doivent s’assurer de la conformité de leurs activités à la législation ontarienne sur les valeurs mobilières, faute de quoi des mesures réglementaires pourraient être prises contre elles. La CVMO a donné aux plateformes jusqu’au 19 avril 2021 pour communiquer avec son personnel afin d’entamer des discussions sur la conformité de leurs activités, à défaut de quoi des mesures seront prises pour faire respecter les exigences applicables en vertu de la législation sur les valeurs mobilières.
L’Avis fait suite à un processus de consultation entamé en 2019 avec la publication du Document de consultation 21-402, Projet d’encadrement des plateformes de négociation de cryptoactifs. Pour en savoir davantage sur ce document de consultation, reportez-vous à notre Bulletin Blakes de mars 2019 intitulé Les ACVM sollicitent des commentaires sur la réglementation des plateformes de négociation de cryptoactifs. L’Avis fait suite aussi à la publication, en mars 2021, de l’Avis 51-363 du personnel des ACVM, Observations concernant l’information exigée des émetteurs assujettis du secteur des cryptoactifs, dans lequel le personnel des ACVM donne des indications aux émetteurs assujettis du secteur des cryptoactifs sur, entre autres, la communication des risques liés à la protection des cryptoactifs, y compris lorsque de tels émetteurs détiennent des cryptoactifs sur une plateforme.
PLATEFORMES – JETONS DE TITRE ET CONTRATS SUR CRYPTOACTIFS
Les plateformes facilitent la négociation :
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des cryptoactifs qui sont des valeurs mobilières (c’est-à-dire des jetons de titre);
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des instruments ou des contrats visant des cryptoactifs (c’est-à-dire des contrats sur cryptoactifs).
Les ACVM présentent ce qui, selon elles, constitue un contrat sur cryptoactifs dans l'Avis 21-327 du personnel des ACVM, Indications sur l’application de la législation en valeurs mobilières aux entités facilitant la négociation de cryptoactifs (l’« Avis 21-327 »), publié en janvier 2020. L’Avis 21-237 indique que les plateformes qui confèrent simplement à leurs utilisateurs un droit ou un intérêt contractuel à l’égard d’un cryptoactif sous-jacent, plutôt que de leur livrer immédiatement celui-ci, seront considérées comme négociant des titres ou des dérivés et donc comme étant généralement assujetties à la législation en valeurs mobilières.
DISTINCTIONS ENTRE LES PLATEFORMES DE COURTIER ET DE MARCHÉ
L’Avis fait la distinction entre les plateformes qui fonctionnent de manière similaire aux marchés (les « plateformes de marché ») et les plateformes dont l’activité consiste à négocier des jetons de titre ou des contrats sur cryptoactifs, mais qui ne constituent pas un marché (les « plateformes de courtier »).
Les deux caractéristiques suivantes laissent le plus souvent croire qu’une plateforme constitue une plateforme de courtier :
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elle ne facilite que le placement initial de jetons de titre;
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elle agit à titre de contrepartie lors de chaque opération sur des jetons de titre ou des contrats sur cryptoactifs, et il n’y a par ailleurs aucune interaction entre les ordres des clients sur la plateforme.
En revanche, une plateforme constituerait une plateforme de marché si elle présente les caractéristiques suivantes :
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elle établit, tient ou offre un marché ou un mécanisme permettant aux nombreux acheteurs et vendeurs de jetons de titre ou de contrats sur cryptoactifs ou aux parties à ceux-ci de se « rencontrer »;
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elle réunit les ordres de nombreux acheteurs et vendeurs de jetons de titre ou de contrats sur cryptoactifs, ou des parties à ceux-ci;
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elle utilise des méthodes éprouvées et non discrétionnaires, selon lesquelles les ordres sur des jetons de titre ou des contrats sur cryptoactifs interagissent, et les acheteurs et les vendeurs ou les parties qui passent des ordres s’entendent sur les conditions d’une opération.
Les plateformes de courtier peuvent également exercer d’autres activités que celles qu’exercent habituellement les marchés, notamment accueillir des clients individuels au sein de la plateforme, agir en qualité de mandataire de clients dans le cadre de la négociation de jetons de titre ou de contrats sur cryptoactifs, et offrir la garde d’actifs, directement ou par l’entremise d’un tiers.
L’Avis reconnait que certaines plateformes peuvent exercer des activités comportant aussi bien des éléments propres à une plateforme de marché qu’à une plateforme de courtier, et que le secteur ne cesse d’évoluer. Étant donné qu’il existe un large éventail de modèles d’entreprise parmi les plateformes, le traitement réglementaire de chaque plateforme différera selon les activités qu’elle exerce et les risques qu’elle comporte.
APPROCHE RÉGLEMENTAIRE À L’ÉGARD DES PLATEFORMES DE COURTIER
Les plateformes de courtier doivent s’inscrire à titre de courtier en vertu de la législation en valeurs mobilières applicable. La catégorie d’inscription d’une plateforme dépend de la portée des activités commerciales de cette dernière.
Si une plateforme de courtier ne fait que faciliter le placement ou la négociation de jetons de titre en vertu de dispenses de prospectus sans offrir de marges ni de prêts, l’inscription à titre de courtier sur le marché dispensé ou, dans certains cas, de courtier d’exercice restreint pourrait suffire. Les plateformes de courtier ne sont autorisées à offrir des marges ou des prêts pour acquérir des jetons de titre que si elles s’inscrivent à titre de courtier en placement et adhèrent à l’OCRCVM.
De la même façon, les plateformes de courtier qui effectuent des opérations sur contrats sur cryptoactifs devront être inscrites dans la catégorie de courtier pertinente. De plus, si elles effectuent des opérations pour le compte d’investisseurs individuels qui sont des personnes physiques ou font du démarchage auprès de telles personnes à cette fin, on s’attend généralement à ce qu’elles soient inscrites à titre de courtiers en placement et membres de l’OCRCVM.
Une plateforme qui s’inscrit à titre de courtier sur le marché dispensé ne pourrait traiter avec le grand public. Une telle plateforme ne pourrait réaliser que des opérations avec des investisseurs qualifiés. La catégorie de courtier d’exercice restreint comporterait des restrictions adaptées limitant les activités du courtier en fonction des circonstances, de la nature des activités de la plateforme et du modèle d’entreprise de cette dernière.
APPROCHE RÉGLEMENTAIRE À L’ÉGARD DES PLATEFORMES DE MARCHÉ
Une plateforme de marché sera exploitée sous la supervision des ACVM et d’une entité d’autoréglementation, selon la définition donnée à cette expression dans le Règlement 21-101 – Fonctionnement du marché (le « Règlement 21-101 »). À l’heure actuelle, l’OCRCVM est la seule entité d’autoréglementation qui répond à cette définition.
Selon les ACVM, les dispositions prévues aux règlements existants qui sont applicables aux marchés, tels que le Règlement 21-101, le Règlement 23-101 sur les règles de négociation et le Règlement 23-103 sur la négociation électronique et l’accès électronique direct aux marchés, ou des dispositions similaires, s’appliqueraient aux plateformes de marché. Les activités de négociation effectuées sur toute plateforme de marché seraient assujetties à des exigences en matière d’intégrité du marché comme celles que prévoient les Règles universelles d’intégrité du marché de l’OCRCVM.
Dans certains cas, il pourrait être indiqué de réglementer une plateforme de marché comme s’il s’agissait d’une bourse en vertu des règles applicables, notamment si une plateforme de marché permet la négociation de jetons de titre et réglemente les émetteurs de ces jetons, ou si elle réglemente et sanctionne ses participants autrement qu’en leur interdisant simplement l’accès à la plateforme. Dans de tels cas, la plateforme devra demander la reconnaissance à titre de bourse ou une dispense de reconnaissance à ce titre en vertu des règlements existants.
Une plateforme de marché exerçant des activités qui sont similaires à celles d’une plateforme de courtier pourrait également être assujettie à des exigences d’inscription à titre de courtier. Les ACVM s’attendent généralement à ce que la plateforme de marché qui n’est pas une bourse présente une demande d’inscription à titre de courtier en placement et d’adhésion à l’OCRCVM.
APPROCHE RÉGLEMENTAIRE INTERMÉDIAIRE
Les ACVM reconnaissent que l’obtention d’une inscription à titre de courtier en placement et l’adhésion à l’OCRCVM, comme il est prévu à l’Avis, ou l’obtention de la reconnaissance à titre de bourse, ou une dispense de reconnaissance à ce titre, peuvent prendre du temps. Les ACVM reconnaissent également que certaines plateformes pourraient s’intéresser à la création d’un environnement d’essais pour évaluer leurs fonctionnalités techniques avant de répondre pleinement aux exigences d’inscription. Par conséquent, l’Avis propose une approche intermédiaire permettant à certaines plateformes d’exercer leurs activités de façon limitée, pourvu qu’elles s’inscrivent à titre de courtier d’exercice restreint ou de courtier sur le marché dispensé pendant qu’elles obtiennent les inscriptions indiquées et qu’elles adhèrent à l’OCRCVM, ou qu’elles obtiennent la reconnaissance à titre de bourse ou une dispense d’une telle reconnaissance. Il est attendu que la durée de la période réglementaire intermédiaire soit de deux ans.
COMPENSATION ET RÈGLEMENT
Les plateformes qui remplissent des fonctions de compensation peuvent être tenues d’obtenir la reconnaissance à titre de chambre de compensation ou d’agence de compensation, ou une dispense de cette reconnaissance, en vertu de la législation en valeurs mobilières. L’Avis suggère que les autorités de réglementation adopteront une approche fondée sur le risque pour déterminer s’il faut exiger la reconnaissance à titre de chambre de compensation ou si une plateforme peut être dispensée de cette reconnaissance, sous réserve de conditions indiquées. Les ACVM notent également qu’elles examineront les demandes de dispense à l’égard des exigences selon lesquelles les opérations effectuées sur un marché doivent être déclarées à une chambre de compensation réglementée et réglées par l’entremise de celle-ci, compte tenu du fait qu’il n’existe actuellement aucune agence de compensation reconnue au Canada pour les opérations sur les jetons de titre ou les contrats sur cryptoactifs.
CONCLUSION
L’Avis constitue un énoncé important sur les positions des autorités de réglementation quant à la façon dont les plateformes doivent être réglementées au Canada.
Bien que le cadre de réglementation décrit dans l’Avis fournisse des indications de nature générale, les détails des restrictions et des limites que les plateformes devraient s’attendre à appliquer à leurs activités canadiennes ne sont pas bien étoffés dans l’Avis. Les ACVM et l’OCRCVM invitent les plateformes à entamer des discussions avec eux pour évaluer comment les règlements en vigueur en matière de valeurs mobilières sont censés s’appliquer à elles, et pour déterminer les inscriptions intermédiaires, les dispenses et la réglementation adaptée qui pourraient s’appliquer à elles, selon leurs modèles d’entreprise respectifs.
En publiant l’Avis, les ACVM et l’OCRCVM semblent faire preuve d’ouverture envers le secteur émergent des cryptoactifs au Canada, voire lui donner l’accolade. L’Avis ouvre la voie à la conformité des plateformes aux exigences applicables dans les catégories de réglementation existantes. En même temps, l’Avis et le communiqué de la CVMO avertissent les plateformes non conformes exerçant leurs activités au Canada qu’elles doivent collaborer avec les autorités de réglementation pour se conformer aux exigences qui s’appliquent à elles, à défaut de quoi des mesures d’application de la loi seront prises contre elles.En Ontario, la CVMO a signalé que les plateformes ont jusqu’au 19 avril 2021 pour communiquer avec le personnel de la CVMO afin d’entamer des discussions sur leur conformité aux exigences applicables, faute de quoi elles pourraient faire face à d’éventuelles mesures d’application de la loi.
Pour en savoir davantage, communiquez avec :
Howard Levine 515-982-4005
Chris Barker 416-863-2710
Alex Moore 416-863-2754
ou un autre membre de notre groupe Marchés des capitaux.
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