Le 5 novembre 2021, le gouvernement de l’Alberta (le « gouvernement ») a publié un rapport intitulé Alberta Hydrogen Roadmap (le « plan d’action ») dans lequel il rend compte des objectifs ambitieux de la province en ce qui a trait à la création d’une économie fondée sur l’hydrogène qui attirera des milliards de dollars en investissements de capitaux et créera des milliers d’emplois, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (« GES »).
Le plan d’action vient s’ajouter à la stratégie lancée par le Canada à ce chapitre (dont nous avons discuté dans le Bulletin Blakes de février 2021 intitulé Stratégie canadienne relative à l’hydrogène : un cadre ambitieux pour une économie de l’hydrogène prospère), et à la stratégie pour l’hydrogène de la Colombie-Britannique annoncée en juillet 2021. Dans son plan d’action, l’Alberta insiste sur la nécessité de nouer des alliances entre les différents gouvernements et de créer des partenariats public-privé pour veiller à ce que l’offre satisfasse la demande et enfin faire de l’économie de l’hydrogène une réalité.
Bien que le plan d’action ne le mentionne pas de façon explicite, il est généralement reconnu que l’Alberta concentrera ses efforts sur la production de l’hydrogène bleu, un dérivé du gaz naturel par le procédé de reformage du méthane à la vapeur. Bien qu’il génère des émissions de CO2, ce procédé est habituellement jumelé à des technologies destinées au captage, à l’utilisation et au stockage du carbone (« CUSC ») pour ainsi minimiser les émissions de GES. Lorsqu’il sert de carburant, l’hydrogène n’émet par ailleurs aucun GES.
Grâce à sa géologie adaptée au stockage du dioxyde de carbone et à ses abondantes ressources de gaz naturel, l’Alberta est particulièrement bien placée pour devenir un chef de file dans l’économie de l’hydrogène. Il y a cependant beaucoup de travail à faire au chapitre de l’élaboration des politiques pour promouvoir l’innovation dans ce domaine prometteur du secteur de l’énergie.
AXES DE POLITIQUE ET TECHNOLOGIES DE CUSC
Selon le plan d’action, les politiques qui seront élaborées s’articuleront autour de sept grands axes, pour lesquels le gouvernement a d’ailleurs déjà établi une feuille de route. Ces grands axes comprennent la nécessité d’évaluer la demande d’hydrogène; d’atténuer les risques que comportent les investissements dans l’économie de l’hydrogène; de stimuler l’innovation; de développer des partenariats et des alliances au sein du secteur, entre les territoires et avec les gouvernements autochtones; et d’explorer les occasions relatives à l’exportation de l’hydrogène, y compris la mise en place d’infrastructures pour le transport, la liquéfaction et le stockage de l’hydrogène. Dans le présent bulletin, nous nous intéressons particulièrement aux deux autres grands axes, soit la nécessité de prendre des mesures pour soutenir les projets de CUSC et d’instaurer un cadre réglementaire habilitant.
Plus tôt cette année, l’Alberta a fait savoir qu’elle comptait installer des centres de stockage du carbone sur son territoire. Dans une lettre d’information publiée en mai 2021, le gouvernement a ensuite déclaré que les activités de CUSC faisaient partie intégrante de l’avenir environnemental et économique de la province, et a annoncé son intention d’octroyer des droits de séquestration de carbone dans le cadre d’un processus concurrentiel. Un peu plus tard, il a publié une demande de déclaration d’intérêt invitant les entreprises souhaitant bâtir, posséder ou exploiter des centres de stockage du carbone en Alberta à se manifester. Les déclarations d’intérêt devaient être soumises avant le 12 octobre 2021. Le gouvernement prévoit bientôt faire un appel de propositions plus détaillées, puis sélectionner des candidats d’ici mars 2022.
L’établissement de centres de stockage de carbone dans la province viendra appuyer d’autres initiatives de CUSC mises en œuvre en Alberta, comme le projet Quest de Shell et l’Alberta Carbon Trunk Line, deux projets qui ont été lancés en parallèle à l’adoption par la province en 2008 d’une stratégie pour lutter contre les changements climatiques et qui ont reçu de l’aide financière de la part des gouvernements fédéral et provincial.
Tant le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux entendent continuer de soutenir financièrement les initiatives de CUSC en cours. Comme nous l’avons mentionné dans le Bulletin Blakes d’octobre 2021 intitulé Les sociétés canadiennes subissent de plus en plus de pressions pour réduire leurs émissions de carbone, le gouvernement fédéral investira 319 M$ CA sur une période de sept ans dans des projets de CUSC. Ces projets procureront par ailleurs des occasions de créer des unités de conformité aux termes de la Norme sur les combustibles propres. Le libellé définitif des règlements afférents à cette norme est attendu plus tard cette année.
CADRE RÉGLEMENTAIRE
Le dernier axe dont il question dans le plan d’action – soit la nécessité d’établir un cadre réglementaire exhaustif et efficace – pourrait rapidement donner lieu à d’importants développements du côté de l’élaboration des lois et des politiques qui régiront le secteur de l’hydrogène, surtout si l’échéancier audacieux proposé dans le plan d’action est respecté.
L’Alberta produit déjà 2,4 millions de tonnes d’hydrogène chaque année, notamment dans le cadre du processus de fabrication de produits pétrochimiques. Par exemple, l’hydrogène sera un sous-produit des installations de déshydrogénation du propane qui feront partie du complexe pétrochimique Heartland d’Inter Pipeline.
En Alberta, la production d’hydrogène est actuellement assujettie aux dispositions pertinentes de certaines lois existantes, notamment l’Environmental Protection and Enhancement Act (l’« EPEA ») et la Water Act. Selon les circonstances, les installations qui produisent de l’hydrogène pourraient également être soumises aux lois visant le secteur pétrolier et gazier, comme la Pipeline Act et l’Oil and Gas Conservation Act.
a) Permis et autorisations – Installations
La réglementation en vigueur à l’heure actuelle ne met pas formellement en place de processus pour l’octroi de permis aux installations qui produisent de l’hydrogène. Cela dit, dans certains cas, une usine peut être tenue de solliciter des autorisations auprès des entités suivantes :
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Alberta Environment and Parks (« AEP ») : En vertu de l’EPEA, il faut obtenir des autorisations pour construire, exploiter ou remettre en état des installations qui servent au traitement de gaz naturel ou à la fabrication de produits chimiques. Aux termes de cette même loi, les installations qui produisent de l’hydrogène lors de la déshydrogénation du propane ou du reformage du méthane à la vapeur doivent s’assurer d’avoir les autorisations requises, lesquelles sont émises par l’AEP et l’Alberta Energy Regulator.
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Alberta Energy Regulator (« AER ») : Certaines installations doivent également obtenir un permis ou une autorisation auprès de l’AER, qui est responsable de surveiller les « usines de traitement » (processing plants) utilisées pour l’extraction de substances visées dans l’Oil and Gas Conservation Act.
b) Permis et autorisations – Réseau de canalisation
L’hydrogène comprimé est généralement stocké dans des remorques porte-tubes ou des citernes, puis transporté par camions, trains ou barges; mais il y a lieu de penser qu’il sera acheminé au moyen d’un réseau de canalisation lorsque la production d’hydrogène aura donné lieu à des économies d’échelle. Comme il est souligné dans le plan d’action, il sera nécessaire dans la réglementation du secteur de l’hydrogène de faire état des liens avec les infrastructures mises en place pour le gaz naturel. Par exemple, ce sera l’AER qui sera responsable d’octroyer les permis relatifs aux hydrogénoducs, et cela, en vertu de la Pipeline Act. Pour utiliser le réseau de canalisation existant afin de distribuer de l’hydrogène, les gazoducs actuels devront être adaptés en conséquence, et les permis s’y rapportant devront être modifiés. Des changements à la Gas Utilities Act et à la Gas Distribution Act (lesquelles relèvent de l’Alberta Utilities Commission ou « AUC ») seront également nécessaires pour tenir compte du transport du mélange hydrogène-gaz naturel dans le réseau de canalisation existant.
c) Permis et autorisations – Water Act
La répartition et la disponibilité des ressources en eau représentent un enjeu majeur pour les promoteurs de projets liés à l’hydrogène. Conformément à la Water Act, ces promoteurs devront obtenir un permis s’ils comptent utiliser de l’eau douce à des fins industrielles. Pour se faire, ils devront soumettre un plan de gestion des eaux et se fixer des objectifs en matière de conservation. Selon la vocation de l’usine et la nature des activités de celle-ci, il incombera soit à l’AER soit à l’AEP d’accorder les autorisations requises en vertu de la Water Act.
d) Étude d'impact sur l’environnement
À l’heure actuelle, la production d’hydrogène ne figure pas sur la liste des activités assujetties à l’Environmental Assessment (Mandatory and Exempted Activities) Regulation ou exemptées en vertu de celle-ci. Par conséquent, les installations qui exercent des activités de CUSC et qui produisent de l’hydrogène sont uniquement tenues de réaliser une étude d’impact sur l’environnement si une telle étude leur est demandée. L’intérêt du public envers cette nouvelle technologie pourrait toutefois inciter les autorités de réglementation et le gouvernement à exiger qu’une certaine forme d’évaluation environnementale soit réalisée ou à préciser la nature de l’étude environnementale devant être effectuée pour obtenir les autorisations requises en vertu de l’EPEA et de la Water Act.
PROCHAINES ÉTAPES
Le chevauchement de certaines responsabilités et le manque de clarté quant à la répartition des rôles des différentes autorités de réglementation soulèvent des questions de compétence qui pourraient devoir être réglées au moyen d’une réforme réglementaire.
Selon le plan d’action, la réforme réglementaire envisagée veillera à ce que la réglementation applicable à la production et à la distribution de l’hydrogène en Alberta soit conforme à celle en vigueur ailleurs au Canada, et le cadre réglementaire qui sera établi adoptera une approche axée sur le rendement.
Reste à savoir si le cadre réglementaire fera appel à une collaboration entre l’AER, l’AEP et l’AUC, ou si le processus d’évaluation et d’autorisation sera plutôt confié à une seule autorité de réglementation. Tant que des lois et des politiques exhaustives n’auront pas été établies en ce qui a trait à la production d’hydrogène, les promoteurs de projets devront sans doute composer avec un certain flou réglementaire.
Nous continuerons de surveiller les développements en Alberta et ailleurs. Si vous avez des questions à propos du plan d’action ou d’occasions d’affaires dans le secteur de l’hydrogène, veuillez communiquer avec :
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ou un autre membre de nos groupes Réglementation de l’énergie ou Environnement.
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