Le 8 juin 2022, le Canada a publié la version définitive du Règlement sur le régime canadien de crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serre (le « Règlement »). Le Règlement décrit comment les installations peuvent utiliser les crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serre (les « GES ») générés par les projets admissibles de manière à satisfaire les exigences en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre conformément au système de tarification fondé sur le rendement (le « STFR ») établi dans la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (la « LTPGES »). Pour des précisions sur le fonctionnement de la LTPGES, notamment sur la tarification du carbone selon le STFR, voir le Bulletin Blakes de décembre 2018 intitulé Entrée en vigueur du Régime fédéral de tarification du carbone en janvier 2019 : à quoi votre entreprise devrait-elle s’attendre? Bien qu’à différents égards le libellé du Règlement soit similaire à celui du projet de règlement qui a été publié en mars 2021 (voir le Bulletin Blakes de mars 2021 intitulé Le gouvernement fédéral publie un projet de règlement sur les crédits compensatoires de gaz à effet de serre), des changements importants ont été apportés. Nous discutons de plusieurs d’entre eux dans le présent bulletin.
CONTEXTE
Le STFR fédéral s’applique dans les provinces et territoires qui autrement n’auraient pas de régime relatif à la tarification du carbone visant les grands émetteurs. À l’heure actuelle, ces provinces et territoires sont le Manitoba, la Saskatchewan (pour certaines installations), l’Île-du-Prince-Édouard, le Nunavut et le Yukon. Aux termes du STFR, des crédits compensatoires sont émis relativement à des projets inscrits situés entièrement au Canada qui génèrent des réductions de GES (en prévenant l’émission de ces gaz ou en retirant ces gaz de l’atmosphère) par rapport au scénario du statu quo. Une fois attribués, les crédits compensatoires peuvent être utilisés par les installations assujetties au STFR aux fins de conformité. Ils peuvent également servir à honorer des engagements faits par des entreprises désireuses de devenir carboneutres ou à satisfaire des conditions que doivent remplir des promoteurs de projets en vue d’obtenir une approbation en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact.
POINTS SAILLANTS DU RÈGLEMENT
Essentiellement, le Règlement décrit le processus selon lequel les crédits compensatoires peuvent être émis en vertu de la LTPGES aux termes d’un protocole de crédits compensatoires acceptable. Toutefois, il y a de nombreux points dans le Règlement qui revêtent une certaine importance et qui diffèrent de ce qui était énoncé dans le projet de règlement, dont il n’était pas question dans ce dernier ou encore qu’il convient simplement de répéter, dont les suivants :
- l’émission de crédits compensatoires;
- le compte d’intégrité environnementale;
- les projets de séquestration et les plans de gestion des risques;
- la durée du projet et le renouvellement;
- le Recueil des protocoles fédéraux.
A. Émission de crédits compensatoires
Il est possible d’inscrire un projet unique ou une agrégation de projets à titre de projet de crédits compensatoires. Si un projet (y compris un projet agrégé) est situé dans plus d’une province, le promoteur doit inscrire, comme des projets distincts, les parties du projet qui sont situées dans des provinces différentes. Chaque projet fédéral doit être inscrit et le promoteur doit être titulaire d’un compte de régime de crédits compensatoires de GES fédéral. Avant que tout crédit compensatoire ne soit émis, l’attribution doit être examinée par un organisme de vérification tiers (le « vérificateur »). Pour être inscrit au titre du régime fédéral, un projet ne doit pas être inscrit aux termes d’aucun autre système de crédits compensatoires. Autrement dit, un projet ne sera pas admissible aux fins d’attribution de crédits compensatoires en vertu de la LTPGES si la province ou le territoire dans lequel il est situé s’est doté d’un système de crédits compensatoires acceptable et a adopté une méthode de quantification couvrant les mêmes activités. Ce dernier point est important et renforce le point de vue du Canada selon lequel la LTPGES sert uniquement de « filet de sécurité » pour ces provinces et territoires (où un système équivalant au STFR n’a pas été mis en place).
B. Compte d’intégrité environnementale (« CIE »)
Le CIE est avant tout une réserve créée dans le but d’assurer l’intégrité du régime de crédits compensatoires fédéral. Au moins 3 % de tous les crédits compensatoires générés par un projet inscrit sont déposés chaque année dans le CIE. Dans le cas d’un renversement involontaire de réductions de GES (tel qu’un feu de forêt provoqué par un éclair où est situé un projet de séquestration de carbone en forêt), le ministère révoquerait la quantité de crédits compensatoires déposés par le ministre dans le compte d’intégrité environnementale dans le cadre de chaque émission de crédits égale au nombre de crédits invalides. Le CIE peut également être utilisé en dernier recours pour remplacer des crédits compensatoires lorsqu’un promoteur omet de se conformer aux exigences de remplacement.
C. Séquestration et bonne intendance
Le traitement n’est pas le même aux termes du Règlement pour les projets de séquestration forestiers ou non forestiers (ces derniers incluant les projets de séquestration biologique ou de nature agricole, de même que les projets de séquestration non biologique ou non agricole). Bien que le fonctionnement ne soit pas expliqué en détail, le Règlement prévoit que les projets de séquestration en forêt peuvent générer des crédits compensatoires uniquement en adoptant de bonnes pratiques en matière d’intendance forestière. Ce point est l’aspect le plus nébuleux du Règlement, selon nous. Il reste à voir comment des crédits compensatoires pourront être générés grâce à l’adoption de bonnes pratiques en matière d’intendance forestière, alors que le scénario du statu quo est également considéré comme de la bonne intendance forestière. Le concept de bonne intendance est renforcé par l’utilisation de l’une des trois méthodes de quantification des GES reconnues pour les projets de séquestration, à savoir la méthode tonne-tonne, la méthode tonnes-année et la méthode hybride tonnes-année. Les promoteurs de projets qui participent à un projet de séquestration doivent préciser la méthode de quantification qu’ils utilisent dans leur demande.
La méthode tonne-tonne calcule la quantité de GES séquestrés pendant la période de déclaration, en tenant compte que le promoteur doit assurer une surveillance continue et régulière des quantités de GES émises et des quantités de GES retirées de l’atmosphère dans le cadre du projet pendant une période de 100 ans. Par exemple, un projet de séquestration en forêt serait considéré comme favorisant un retrait permanent du carbone si aucune coupe (et aucun incendie) n’a lieu dans cette forêt pendant 100 ans.
Quant à elles, la méthode tonnes-année et la méthode hybride tonnes-année tiennent compte du bénéfice climatique provenant de la réduction du forçage radiatif résultant du retrait du carbone de l’atmosphère (ou du report de sa libération dans l’atmosphère) annuel pendant la période de déclaration, plutôt que pendant une période de 100 ans; comme il est précisé ci-après.
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En ce qui a trait à l’attribution des crédits compensatoires, davantage de crédits seront vraisemblablement générés par des projets qui utilisent la méthode tonne-tonne que par ceux qui emploieront la méthode tonnes-année ou la méthode hybride tonnes-année. Ces dernières pourraient malgré cela s’avérer intéressantes pour certains promoteurs, surtout ceux dont le projet de séquestration a lieu dans le secteur agricole, où il pourrait être impossible ou irréaliste de garantir le recours à des pratiques agricoles ou d’utilisation des terres particulières pendant 100 ans.
D. Durée du projet et renouvellement
La période au cours de laquelle un projet peut générer des crédits compensatoires dépend de la nature du projet et, sauf indication contraire dans le protocole applicable, la durée est de :
-
30 ans, pour un projet de séquestration dans le secteur forestier;
-
20 ans, pour un projet de séquestration dans un secteur non forestier;
-
10 ans, pour tous les autres projets.
Si un projet était initialement inscrit aux termes d’un système de crédits compensatoires provincial et qu’il est par la suite passé au régime fédéral, la période au cours de laquelle le projet a été inscrit aux termes du système provincial sera déduite de la période de comptabilisation des crédits aux fins du régime fédéral de crédits compensatoires.
La période de comptabilisation des crédits d’un projet peut être renouvelée comme suit :
-
pendant 70 ans, dans le cas des projets de séquestration en forêt (jusqu’à concurrence d’une période maximale de 100 ans, incluant les renouvellements);
-
au plus deux fois, dans le cas de tous les autres projets, en fonction de la durée de leur première période de comptabilisation des crédits (jusqu’à concurrence de 40 ans de plus, pour ce qui est des projets de séquestration dans un secteur non forestier, et jusqu’à concurrence de 20 ans de plus, pour ce qui est de tous les autres projets).
E. Recueil des protocoles fédéraux
Les promoteurs de projets peuvent uniquement générer des crédits compensatoires aux termes des protocoles de crédits compensatoires approuvés établis dans le Recueil des protocoles fédéraux de crédits compensatoires (le « Recueil »). En mars 2021, lorsque le Canada a publié le projet de règlement, il avait précisé qu’il accorderait la priorité aux quatre protocoles suivants, lesquels étaient en cours d’élaboration : (i) les systèmes de réfrigération avancés; (ii) la gestion du méthane d’enfouissement; (iii) la gestion améliorée des forêts; et (iv) l’augmentation de la matière organique des sols. Dans le Règlement, le Canada ajoute un cinquième protocole prioritaire : la gestion de l’alimentation du bétail. Le gouvernement du Canada a par ailleurs achevé et publié le Protocole fédéral de crédits compensatoires : Récupération et destruction du méthane des sites d’enfouissement, lequel est à l’heure actuelle le seul protocole reconnu dans le Recueil.
CONCLUSION
Même si le Règlement est entré en vigueur, à moins que d’autres protocoles ne soient élaborés et reconnus dans le Recueil ou jusqu’à ce que des protocoles le soient, son application est limitée. Le seul protocole reconnu aux termes duquel des crédits compensatoires peuvent être générés actuellement est le protocole de récupération et de destruction du méthane des sites d’enfouissement.
Nous continuerons de suivre les développements en ce qui concerne l’attribution et le calcul des crédits compensatoires dans le cadre des projets de séquestration biologique, notamment afin de savoir si ces projets permettent réellement de réduire les émissions au-delà du statu quo.
Pour en savoir davantage, communiquez avec :
Anne Drost 514-982-4033
Charles Kazaz 514-982-4002
Dufferin Harper 403-260-9710
Nicole Bakker 403-260-9645
Scott Birse 403-260-9666
ou un autre membre de nos groupes Environnement ou Énergie.
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