La réforme du droit de la concurrence au Canada va bon train, plusieurs modifications importantes ayant déjà été apportées à la Loi sur la concurrence (la « Loi »), dont l’adoption de nouvelles règles relatives aux études de marché, aux fusions et à l’abus de position dominante, lesquelles sont maintenant en vigueur. Des modifications supplémentaires prendront effet en décembre 2024. Nous avons donné un aperçu de ces dernières dans notre Bulletin Blakes intitulé Le gouvernement du Canada propose d’importantes modifications à la Loi sur la concurrence. La version définitive des dispositions législatives renferme toutefois un certain nombre de modifications supplémentaires importantes que nous résumons ci-après.
Principales modifications entrées en vigueur le 15 décembre 2023
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Nouveaux pouvoirs en matière d’études de marché : Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie et/ou le commissaire de la concurrence (responsable du Bureau de la concurrence (le « Bureau »)) ont maintenant le pouvoir de lancer des enquêtes sur les études de marché. Lorsqu’il effectue une étude de marché, le Bureau peut demander des ordonnances de communication obligatoire qui lui permettront d’obtenir des documents et des données internes, ainsi que des témoignages auprès des parties prenantes des secteurs d’activités concernés. Ces ordonnances, qui étaient réservées auparavant à des questions précises d’application de la loi, imposent souvent un fardeau important aux entreprises tenues de s’y conformer, compte tenu du temps et des coûts qu’elles entraînent.
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Modifications touchant l’abus de position dominante :
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Restructuration du critère juridique. Auparavant, pour qu’il y ait abus de position dominante, un critère à trois volets devait être établi, soit a) une position dominante, b) une pratique d’agissements anti-concurrentiels et c) un risque vraisemblable que le comportement diminue ou empêche sensiblement la concurrence. Maintenant, le Tribunal de la concurrence peut rendre une ordonnance d’interdiction s’il constate une position dominante et une pratique d’agissements anti-concurrentiels ou une position dominante et un risque vraisemblable que le comportement diminue ou empêche sensiblement la concurrence. Toutefois, les trois volets doivent être présents pour qu’une ordonnance obligatoire (p. ex., un dessaisissement) soit délivrée ou qu’une sanction administrative pécuniaire (une « SAP ») soit infligée.
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Nouvelles pratiques d’agissements anti-concurrentiels. « L’imposition directe ou indirecte de prix de vente excessifs et injustes » a été ajoutée à la liste non exhaustive des pratiques d’agissements anti-concurrentiels qui, si elles sont adoptées par une société dominante, pourraient être considérées comme un cas d’abus de position dominante. Selon le guide publié par le Bureau, une telle pratique doit être destinée à avoir un effet négatif visant l’exclusion, l’éviction ou la mise au pas d’un concurrent, ou à nuire à la concurrence pour contrevenir à la Loi.
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Hausse des SAP. Auparavant, la SAP maximale correspondait au plus élevé des montants suivants : 10 M$ CA (15 M$ CA pour chaque violation subséquente) du bénéfice tiré de la pratique anti-concurrentielle ou, si ce montant ne pouvait être déterminé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles de l’entreprise). Les SAP de 10 M$ CA et de 15 M$ CA ont été portées à 25 M$ CA et à 35 M$ CA, respectivement.
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Abrogation de la défense fondée sur les gains en efficience. La défense fondée sur les gains en efficience, qui a rarement été utilisée, permettait la réalisation de certaines fusions pourvu que les gains en efficience découlant de la fusion l’emportent sur les effets anti-concurrentiels. Les fusions pour lesquelles un avis a été remis au Bureau ou dont la clôture a eu lieu avant le 15 décembre 2023 peuvent toujours bénéficier de la défense fondée sur les gains en efficience.
Principales modifications entrant en vigueur le 15 décembre 2024
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Élargissement de la disposition civile sur les collaborations pour englober les ententes entre non-concurrents. À l’heure actuelle, seules les collaborations entre concurrents ou concurrents éventuels peuvent faire l’objet de mesures d’application de la loi aux termes de la disposition civile sur les collaborations. À compter de décembre 2024, les collaborations entre non-concurrents (p. ex., les clauses restrictives) pourront également faire l’objet d’une mesure d’application de la loi si l’un des objets importants de la totalité ou d’une partie de la collaboration est d’empêcher ou de diminuer la concurrence.
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Élimination de la défense fondée sur les gains en efficience pour les collaborations anti-concurrentielles. En plus de la défense fondée sur les gains en efficience susceptible d’être invoquée à l’égard de projets de fusion, il existe une défense fondée sur les gains en efficience qui vise les collaborations entre concurrents si les gains en efficience surpassent les effets anti-concurrentiels de la collaboration, qui sera éliminée à compter de décembre 2024. Les collaborations qui auraient pu se fonder sur cette défense devraient être réévaluées avant l’abrogation de cette dernière.
Autres modifications récentes et proposées
Cette nouvelle série de modifications fait partie de la réforme du droit de la concurrence qui est en cours et qui représente le plus important remaniement de la Loi depuis plus d’une décennie. Plus particulièrement :
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Plusieurs modifications à la Loi ont été adoptées en 2022. Elles visaient à criminaliser les accords de fixation des salaires et de non-débauchage (ces dispositions législatives ayant pris effet en juin 2023), à augmenter considérablement les SAP, à ajouter l’accès privé pour abus de position dominante, à mentionner explicitement l’indication de « prix partiels » parmi les pratiques commerciales trompeuses et à introduire une règle anti-évitement applicable aux avis de fusion. Pour en savoir davantage, consultez notre Bulletin Blakes intitulé Le gouvernement fédéral propose des modifications qui élargiraient grandement la portée de la Loi sur la concurrence.
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D’autres modifications sont à venir en 2024, notamment celles proposées dans le projet de loi qui a été présenté récemment, qui prévoit entre autres l’élargissement des litiges privés, des changements supplémentaires à la disposition civile sur les collaborations entre concurrents, le renforcement du cadre d’examen des fusions et une interdiction explicite visant les opérations d’« écoblanchiment ». Pour en savoir davantage, consultez notre Bulletin Blakes intitulé Refonte des règles : Mise à jour de la Loi sur la concurrence du Canada.
Principaux points à retenir
Les sociétés devraient surveiller l’évolution continue du droit de la concurrence au Canada et s’assurer de comprendre les répercussions des modifications apportées sur leurs activités. Elles devraient entre autres prendre en considération ce qui suit :
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En raison des nouveaux pouvoirs en matière d’études de marché, les sociétés, en particulier celles exerçant des activités dans des secteurs d’activité touchant directement les consommateurs, pourraient être tenues de transmettre un nombre important de documents et de données internes au Bureau, même en l’absence d’une enquête par des organismes d’application de la loi.
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Les sociétés considérées comme dominantes pourraient faire l’objet d’ordonnances d’interdiction dans le but de les empêcher de se livrer à un comportement qui serait anti-concurrentiel ou encore qui empêcherait ou diminuerait sensiblement la concurrence sur un marché.
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Bien que rarement utilisée dans la réalité, la défense fondée sur les gains en efficience lors d’examens de fusions a été supprimée et, à l’avenir, elle ne pourra plus être invoquée comme défense pleine et entière dans le cadre d’un examen de fusions par le Bureau.
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Un éventail plus vaste d’ententes, y compris les ententes entre clients et fournisseurs, feront l’objet d’un examen beaucoup plus approfondi à compter de décembre 2024.
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Les sociétés devraient examiner et mettre à jour leurs politiques actuelles en matière de conformité afin de tenir compte des modifications apportées à la Loi et évaluer les risques pour leurs activités.
Pour en savoir davantage, communiquez avec un membre de nos groupes Concurrence et antitrust ou Investissement étranger.
Ressources connexes
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