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Changements aux règlements pris en vertu de la Partie 1 de la LRPCFAT

26 avril 2022

Le 5 avril 2022, le ministère des Finances du Canada a publié de nouveaux règlements (les « Règlements ») modifiant la réglementation prise en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (« LRPCFAT »). Les changements apportés ont été abordés dans le budget fédéral de 2022 (« Budget 2022 ») et avaient été annoncés dans le Décret sur les mesures économiques d’urgence (voir le Bulletin Blakes sur le sujet) prononcé récemment. Bien que l’adoption de ces Règlements ait pour but de cibler les plateformes de sociofinancement, les changements introduits par ceux-ci ont une portée bien plus grande, qui risque même d’avoir une incidence considérable sur les entreprises de services monétaires (« ESM ») nationales ou étrangères, en fonction de leur modèle d’affaires.
 
Aux termes des Règlements, les services offerts par les plateformes de sociofinancement seraient maintenant considérés comme des ESM nationales ou étrangères et, par conséquent, seraient assujettis au régime de la LRPCFAT.
 
Les services de plateformes de sociofinancement désigneraient tout service visant à fournir ou à maintenir une plateforme de sociofinancement utilisée par d’autres personnes ou entités afin de solliciter des fonds ou de la monnaie virtuelle pour elles-mêmes ou encore pour une personne ou une entité désignée par celles-ci.
 
Une plateforme de sociofinancement serait définie comme un site Web, une application ou un logiciel utilisé pour amasser des fonds ou de la monnaie virtuelle sous forme de dons.
 
La définition de « plateforme de sociofinancement » renvoie explicitement au fait d’amasser des fonds sous forme de dons. Elle ne s’appliquerait donc pas aux plateformes qui facilitent les prêts entre pairs, lesquelles sont soumises aux dispositions visant les courtiers en valeurs mobilières.
 
Elle aurait, en revanche, une portée suffisamment grande pour englober certains fournisseurs de services et organismes de bienfaisance enregistrés qui permettent à des particuliers ou à des entreprises de créer des pages Web de collecte de fonds sur mesure pour des organismes de bienfaisance enregistrés de leur choix. Bien que ce ne soit pas le genre d’activités auxquelles on pense spontanément en ce qui concerne le sociofinancement, le libellé des Règlements est large au point de s’y appliquer.
 
Les obligations imposées aux plateformes de sociofinancement seraient celles auxquelles sont astreintes les ESM en général; cependant, des ajouts y seraient apportés pour tenir compte de la nature particulière de leur modèle d’affaires. Par exemple, les plateformes de sociofinancement seraient tenues de maintenir un registre des personnes et des entités auxquelles elles fournissent des services (les « clients »), des motifs des collectes de fonds (ou de monnaie virtuelle) effectuées, ainsi que des personnes ou entités pour lesquelles des fonds ou de la monnaie virtuelle sont sollicités (si ce n’est pas pour les clients eux-mêmes). Les plateformes de sociofinancement seraient également tenues d’identifier tous leurs clients ainsi que toutes les personnes ou entités qui feront un don de 1 000 $ CA et plus par leur intermédiaire.

Un changement important serait par ailleurs apporté à la définition de « télévirement », lequel aura des conséquences bien au-delà des plateformes de sociofinancement. Les Règlements élimineraient en fait l’une des exclusions prévues à la définition de « télévirement » en ce qui a trait à la transmission d’instructions pour le transfert de fonds « effectuée au moyen d’une carte de crédit ou de débit ou d’un produit de paiement prépayé, si le bénéficiaire a conclu avec le fournisseur de services de paiement un accord permettant le paiement de biens et services à l’aide d’un tel moyen ».
 
Cette exclusion avait pour but de cibler certains services de traitement offerts par les commerçants. Jusqu’à maintenant, lorsqu’un commerçant acceptait un paiement pour l’achat de ses produits et services au moyen d’une carte de crédit ou de débit ou encore d’un produit de paiement prépayé, le paiement reçu par le commerçant par le biais d’un fournisseur de services de paiement (« FSP ») (parfois une institution financière) pour l’achat dudit produit ou service au moyen d’une carte de paiement n’était pas soumis aux exigences applicables aux télévirements. Cette exclusion s’alignait sur la politique d’interprétation du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (« CANAFE ») selon laquelle la LRPCFAT ne s’applique pas aux services de traitement de paiement.
 
L’abolition de cette exclusion est digne de mention pour plusieurs raisons, entre autres le fait que le gouvernement élimine, d’une part, une exclusion, mais ajoute, d’autre part, de nouvelles exceptions relativement aux télévirements. Les exigences applicables aux télévirements pour ce qui est du traitement des paiements s’appliqueraient désormais uniquement aux ESM. Tout télévirement envoyé à une ESM dans le cadre du traitement d’un paiement donnerait dorénavant lieu aux obligations suivantes :

  • tenue de registres pour les télévirements de plus de 1 000 $ CA;

  • déclaration obligatoire des télévirements transfrontaliers de plus de 10 000 $ CA par opération;

  • identification des clients pour les télévirements de plus de 1 000 $ CA;

  • détermination des personnes politiquement vulnérables (« PPV ») dans le cadre de virements transfrontaliers de plus de 100 000 $ CA;

  • application de la règle d’acheminement pour les télévirements transfrontaliers de plus de 1 000 $ CA ou les télévirements nationaux envoyés par le biais du Système automatisé de compensation et de règlement (« SACR »).

Certaines ESM qui offrent des services de traitement de paiements et qui envoient des paiements à des commerçants canadiens à l’extérieur du Canada ou qui font affaire avec de tels commerçants pourraient avoir beaucoup de mal à se conformer à ces obligations.
 
Les ESM touchées par ces changements devraient mettre leurs politiques et leurs procédures à jour afin de tenir compte de ces nouvelles exigences.

Comme il a été mentionné, les changements introduits par les Règlements faciliteront l’application de la LRPCFAT aux FSP. Il convient de noter qu’au sens de la LRPCFAT, une « entreprise de services monétaires » comprend toute personne ou entité qui se livre à des opérations consistant à « remet[tre] des fonds ou transmet[tre] des fonds par tout moyen ou par l’intermédiaire d’une personne, d’une entité ou d’un réseau de télévirements ».

Il ne fait aucun doute que les FSP tombent dans cette catégorie. Pour le moment, les activités des FSP ne sont pas visées par la LRPCFAT en raison de la politique d’interprétation du CANAFE en ce qui a trait à l’application de cette loi au traitement des paiements en général. Il serait donc possible que le gouvernement ne puisse pas modifier la LRPCFAT de façon à englober les FSP comme il a été annoncé dans le Budget 2022; il devra alors plutôt changer son interprétation quant aux types d’activités considérées comme réglementées à l’avenir.

Le CANAFE a émis la réserve suivante quant à son interprétation :

« [...] Veuillez noter que le CANAFE est en train d’examiner les considérations qui devraient être prises en compte pour déterminer si une entreprise exerce ses activités en tant qu’ESM et s’y livre au Canada. Cet examen est nécessaire en raison des avancées technologiques et de l’évolution des modèles d’affaires. Cependant, comme il est complexe et requiert beaucoup de temps, nous ne voulons pas retarder outre mesure la publication de nos commentaires et, par conséquent, nous vous répondons en nous appuyant sur le point de vue actuel du CANAFE en ce qui a trait aux activités liées au traitement de paiements et aux services aux commerçants. Toute décision qui pourrait être prise à l’avenir ne saurait être appliquée rétroactivement. »

 
Il était évident depuis un certain temps que le CANAFE souhaitait revoir son interprétation de l’application de la LRPCFAT aux FSP. Certaines des activités exercées par les entreprises de traitement de paiements et de services aux commerçants sont maintenant visées par la définition de « télévirements »; il reste donc à déterminer si ces dernières seront considérées comme des ESM.
 
Le terme « fournisseur de services de paiement » n’est pas défini dans la LRPCFAT, mais il l’est dans la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (« LAAPD »). C’est d’ailleurs cette définition qui est reprise dans le Décret sur les mesures économiques d’urgences. Au sens de la LAAPD, donc, un « fournisseur de services de paiement » désigne une personne physique ou une entité qui exécute une fonction de paiement dans le cadre d’un service ou d’une activité commerciale qui n’est pas accessoire à un autre service ou à une autre activité commerciale. Une fonction de paiement s’entend de ce qui suit :

« a) la fourniture ou la tenue d’un compte détenu au nom d’un ou de plusieurs utilisateurs finaux en vue d’un transfert électronique de fonds;
 
b) la détention de fonds au nom d’un utilisateur final jusqu’à ce qu’ils soient retirés par celui-ci ou transférés à une personne physique ou à une entité;
 
c) l’initiation d’un transfert électronique de fonds à la demande d’un utilisateur final;
 
d) l’autorisation de transfert électronique de fonds ou la transmission, la réception ou la facilitation d’une instruction en vue d’un transfert électronique de fonds; ou
 
e) la prestation de services de compensation ou de règlement. »

Dans la mesure où la majorité de ces activités consiste à remettre ou à transférer des fonds, il y a lieu de croire que les FSP pourraient constituer des ESM à l’avenir. Reste à savoir si le CANAFE modifiera les Règlements de manière à élargir la définition d’ESM à ce qui précède ou s’il jugera que la définition actuelle sera suffisante, une fois que sa politique d’interprétation sur cette question aura été actualisée.
 
Le gouvernement étudie la possibilité d’apporter d’autres changements à la LRPCFAT annoncés dans le Budget 2022 ou des budgets antérieurs. La proposition visant à étendre la portée de la LRPCFAT aux prêteurs hypothécaires non réglementés et aux services de voitures blindées en est un bon exemple. Il est néanmoins difficile de déterminer si le CANAFE estime que des changements supplémentaires seront nécessaires pour que la LRPCFAT s’applique aux FSP.
 
Nous vous tiendrons au courant de tout autre éclaircissement que pourrait donner le CANAFE ou le ministère des Finances.
 
Pour en savoir davantage, communiquez avec :
 
Annick Demers                       514-982-4017
Jacqueline Shinfield               416-863-3290
 
ou un membre de nos groupes Services financiers ou Réglementation des services financiers.

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