Un arbitre en Alberta a récemment confirmé le congédiement disciplinaire d’un employé de longue date dans l’affaire Federated Co-operatives Limited v. Miscellaneous Employees, Teamsters Local Union No. 987 of Alberta, 2022 CanLII 78226 (AB GAA).
Le plaignant, Aaron Evans, était un employé de Federated Co-operatives Limited (« FCL ») depuis 20 ans. M. Evans travaillait au centre de distribution de la société à Calgary, dans le service de l’expédition des produits du secteur de la construction.
En raison de la pandémie de COVID-19, FCL a pris un certain nombre de mesures de santé et de sécurité, dont la mise en place d’une politique sur le port obligatoire du masque. Dans le cadre de ses fonctions à titre de délégué syndical en chef intérimaire, M. Evans a assisté à une réunion avec ses supérieurs au cours de laquelle il a été avisé de l’adoption de cette politique, laquelle prenait effet immédiatement. Lors de la réunion, M. Evans s’est opposé à la politique en question et a alors exprimé différents points de vue d’ordre idéologique et ethnocentrique. Il a notamment dit que le port du masque était une « pratique asiatique » et n’était pas une pratique courante en Amérique du Nord, et que le port obligatoire du masque violait ses droits. Malgré les tentatives de ses superviseurs de détourner la conversation, M. Evans a déclaré [TRADUCTION] « je ne suis pas musulman » et a ajouté qu’il était « offusqué de voir des gens porter des masques dans des civilisations occidentales ».
Après la réunion, M. Evans a écrit « JE NE SUIS PAS MUSULMAN » sur son masque au moyen d’un marqueur, puis il a porté son masque dans l’entrepôt ainsi que dans le coin-repas des employés. De nombreux collègues et superviseurs de M. Evans l’ont vu et l’ont avisé que le masque qu’il portait à ce moment-là était inapproprié. Malgré ces commentaires, M. Evans a continué de porter le masque en question.
Le comportement de M. Evans a été signalé aux personnes appropriées. Ce dernier a été rapidement convoqué pour un entretien, suspendu, puis congédié. M. Evans a par la suite présenté un grief contestant son congédiement et a demandé sa réintégration.
L’arbitre a qualifié le comportement de M. Evans d’acte d’inconduite délibéré, intentionnel, provocateur et offensant. Selon lui, M. Evans a tenu des propos discriminatoires sur des caractéristiques protégées par les lois sur les droits de la personne et a manqué à ses obligations aux termes de la politique de l’employeur relative à la discrimination et au harcèlement (la « politique sur la discrimination et le harcèlement »), donnant ainsi à FCL un motif raisonnable et valable d’imposer une mesure disciplinaire. Dans les circonstances, l’arbitre a conclu que le congédiement n’était pas abusif.
Pour en arriver à sa décision, l’arbitre s’est appuyé sur les points importants ci-après.
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La politique sur le port obligatoire du masque était légale. L’arbitre a conclu que FCL était parfaitement en droit de mettre en place une politique sur le port obligatoire du masque afin de protéger ses employés contre la COVID-19; point qui n’a d’ailleurs pas été contesté.
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Le comportement concerné dépassait le simple manque de jugement. Il n’était pas possible de considérer les agissements de M. Evans comme un simple manque de jugement ou un incident isolé. L’arbitre a fait remarquer que M. Evans avait exprimé [TRADUCTION] « une opinion sincère », laquelle était totalement contraire à la politique sur la discrimination et le harcèlement de l’employeur, ainsi qu’au code de conduite et au programme axé sur la diversité et l’inclusion de la société.
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Des avertissements appropriés avaient été donnés. FCL avait expliqué de façon appropriée à M. Evans les raisons liées à la santé et à la sécurité qui sous-tendaient l’adoption de la politique sur le port obligatoire du masque, puis avait dès le départ réfuté les commentaires et les objections de ce dernier. Malgré tout, M. Evans a maintenu des propos discriminatoires, faisait fi des explications et des directives qui lui avaient été fournies. Même après les avertissements de ses collègues et les réprimandes de ses supérieurs, M. Evans a continué de porter le masque sur lequel il avait écrit un commentaire discriminatoire.
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Des facteurs contextuels avaient été pris en considération. L’arbitre a pris en considération le contexte social, notamment l’augmentation du nombre de crimes haineux et de gestes de discrimination, de harcèlement et de violence qui ont été enregistrés durant la pandémie de COVID-19 et qui visaient des minorités visibles, notamment des personnes d’ascendance asiatique et des membres de la foi musulmane. L’arbitre a également accordé de l’importance à la vision moderne de l’employeur en ce qui a trait aux comportements acceptables en milieu de travail et à la diversité des membres du personnel.
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Des politiques s’appliquaient et une certaine culture d’entreprise était favorisée. Le comportement de M. Evans était contraire aux politiques, aux programmes, aux initiatives et aux valeurs fondamentales de FCL. FCL avait veillé à instaurer une culture d’entreprise exempte de discrimination et de harcèlement. Diverses politiques et initiatives relatives à l’environnement de travail avaient été adoptées et mises à jour, selon les exigences prévues dans les lois applicables et conformément aux valeurs de la société. FCL avait notamment mis en place un code de conduite, une politique sur la discrimination et le harcèlement, ainsi qu’un programme axé sur la diversité et l’inclusion, faisant de tels enjeux une priorité au sein de la société et exposant tout employé en infraction à des mesures correctives ou disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. M. Evans avait par ailleurs reçu une formation et suivi des cours de recyclage sur ces politiques en milieu de travail. La politique sur la discrimination et le harcèlement, en particulier, avait été en vigueur tout au long des 20 années de services de M. Evans.
POINTS À RETENIR
Comme le démontre cette décision, le fait que des politiques robustes soient bien établies au sein d’une société peut éventuellement servir de fondement pour justifier la prise de mesures disciplinaires. En Ontario, tous les employeurs sont tenus d’adopter et de maintenir des politiques et des programmes portant sur la violence et le harcèlement au travail. Ces politiques devraient, entre autres, comprendre des procédures de contrôle, de déclaration et d’enquête sur les incidents en milieu de travail.
Dans cette affaire, l’engagement formel et de longue date de l’employeur à favoriser un milieu de travail inclusif, ainsi que la rapidité avec laquelle FCL a réprouvé le comportement indésirable, ont été des facteurs importants appuyant la décision de l’employeur de congédier l’employé pour comportement discriminatoire.
Bien que pour justifier le congédiement d’un employé, un employeur doive généralement relever chez ce dernier un comportement discriminatoire récurrent sur une longue période, une telle démonstration n’était pas nécessaire dans cette affaire puisque la série d’incidents survenus au cours de la même journée suffisait à prouver que l’employé avait délibérément choisi d’ignorer les avertissements reçus.
Les commentaires racistes et discriminatoires sont souvent considérés comme suffisants pour justifier un congédiement dans le cadre d’arbitrages en droit du travail. Les employeurs doivent néanmoins tenir compte des circonstances particulières de chaque affaire et imposer des sanctions proportionnelles aux comportements.
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