La Cour d’appel de l’Alberta (la « CAA ») a rendu sa décision récemment dans l’affaire Abbas v. Esurance Insurance Company of Canada (l’« affaire Abbas »), dans le cadre de laquelle elle réitère la règle selon laquelle un assureur n’est pas tenu d’indemniser un assuré d’une perte subie lors d’un événement donné, si, concernant ce même événement et le même contrat d’assurance, l’assuré a présenté une pièce justificative de sinistre frauduleuse importante pour une ou pour plusieurs parties de sa demande de règlement. Cette règle s’applique quand bien même une partie de la pièce justificative de sinistre n’est pas viciée par la fraude.
L’affaire Abbas atteste que la règle sur les réclamations frauduleuses sous le régime de la common law, qui existe depuis 200 ans, continuera de s’appliquer en Alberta, et que les tribunaux séviront lorsque des assurés manquent au principe de la plus entière bonne foi en déposant des pièces justificatives de sinistre frauduleuses.
CONTEXTE
L’assuré est blessé alors qu’il est passager dans un véhicule conduit par un conducteur non assuré. L’assuré présente un relevé de dommages auprès de l’assureur, l’Esurance Insurance Company, aux termes des garanties suivantes :
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prestation aux termes de la partie B de la police standard No 1 – prestation de remplacement de revenu dont peut se prévaloir un assuré qui a subi des blessures à la suite d’un accident d’automobile (la « prestation aux termes de la partie B »);
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prestation aux termes de la formule type d’avenant No 44 – protection offerte à un assuré qui est blessé dans un accident causé par un conducteur non assuré (la « prestation aux termes de l’avenant »).
L’assuré falsifie sa demande pour la prestation aux termes de la partie B en ce qui a trait à sa situation d’emploi. En réponse, l’assureur refuse de verser toute prestation à l’assuré au motif que les fausses déclarations faites dans la demande de prestation aux termes de la partie B entraînent par ailleurs la perte du droit de l’assuré de toucher la prestation aux termes de l’avenant, dont il aurait autrement pu se prévaloir.
L’assuré reconnaît qu’il n’est pas admissible à la prestation aux termes de la partie B, mais il poursuit l’assureur relativement au refus de lui verser la prestation aux termes de l’avenant. L’assureur présente une demande de rejet sommaire à l’égard du recours de l’assuré. Le juge saisi de la demande rejette la demande de rejet sommaire de l’assureur, déclarant qu’il serait manifestement injuste (patently unfair) de priver l’assuré de cette prestation, laquelle n’est pas liée aux déclarations frauduleuses de l’assuré. L’assureur interjette appel avec succès devant un juge de la Cour du banc du roi, qui, lui, tranche en faveur du rejet sommaire de la réclamation. Ce faisant, le juge conclut que des sanctions sévères sont justifiées lorsqu’un assuré soumet une pièce justificative de sinistre frauduleuse. L’assuré interjette appel devant la CAA.
DÉCISION DE LA CAA
La CAA déclare qu’en raison des fausses déclarations faites par l’assuré dans sa demande de prestation aux termes de la partie B, l’assureur n’est pas tenu de couvrir les pertes faisant l’objet de la demande. Les fausses déclarations faites par l’assuré étaient importantes dans le cadre de sa demande de prestation aux termes de la partie B; par conséquent, l’application de la règle sur les réclamations frauduleuses sous le régime de la common law empêche tout autre versement au titre d’une demande de règlement qui est liée au même événement et qui relève du même contrat d’assurance. Ainsi, l’assuré ne peut toucher ni la prestation aux termes de la partie B ni celle aux termes de l’avenant, alors que, n’eût été la fraude, cette dernière aurait pu lui être versée.
Pour en arriver à cette conclusion, la CAA tient compte du paragraphe 554(1) de loi de l’Alberta intitulée Insurance Act (la « Loi »), qui stipule qu’une demande de règlement est invalide si un assuré commet une fraude ou fait volontairement une fausse déclaration dans la demande.
Le tribunal rejette l’argument de l’assuré selon lequel la réclamation (claim) devrait être interprétée de façon restrictive afin de limiter son application uniquement à la demande de règlement viciée par la fraude ou de fausses déclarations volontaires. Le tribunal statue plutôt que le mot « réclamation » (claim) doit être interprété de façon large pour s’appliquer à toutes les demandes de règlement qu’un assuré présente à son assureur aux termes d’un même contrat d’assurance et découlant d’un même événement. Le tribunal précise que cette sanction sévère est justifiée par le paragraphe 554(1) de la Loi, dont le but est de dissuader les assurés de soumettre des pièces justificatives de sinistre frauduleuses ou de fournir aux assureurs des renseignements faux ou incomplets.
POINTS À RETENIR
La décision de la CAA dans l’affaire Abbas reconnaît et confirme que les parties à un contrat d’assurance sont tenues de se conformer au principe de la plus entière bonne foi. Les assureurs doivent composer avec un déficit d’information. Ils se fient donc aux personnes assurées pour qu’elles fournissent des renseignements complets et exacts quant aux circonstances d’un sinistre. L’affaire Abbas confirme que :
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la règle sur les réclamations frauduleuses sous le régime de la common law continue de s’appliquer en Alberta;
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les assureurs sont libérés de l’obligation d’indemniser un assuré pour toute perte subie si l’assuré présente une pièce justificative de sinistre frauduleuse qui est importante pour toute partie d’une demande de règlement.
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