Le 22 juin 2023, dans l’affaire McGee v. Dr. Farazil (l’« affaire McGee »), la Cour divisionnaire de l’Ontario (la « Cour divisionnaire ») a invalidé l’autorisation d’une action collective fondée sur un risque accru de préjudice. Cette décision d’appel confirme la jurisprudence récemment établie au pays selon laquelle la validité d’une cause d’action en dommages-intérêts fondée sur un risque accru de préjudice n’est pas reconnue en droit.
Contexte
Environ 6 800 patients avaient reçu une lettre de Santé publique Ottawa (« SPO ») les informant qu’il existait un faible risque qu’ils aient été exposés aux virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C, ainsi qu’au VIH, à la clinique d’endoscopie de l’appelant. À cet égard, la lettre faisait état de manquements aux protocoles de stérilisation à la clinique. Les patients ont également été informés que des tests sanguins étaient offerts afin d’évaluer leur charge virale. Les résultats de l’examen effectué par SPO ont permis de conclure qu’il n’y avait eu aucune transmission du virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C, ni non plus du VIH, à la clinique en question.
La représentante proposée des demandeurs a reçu la lettre d’avis, subi un test de dépistage et été informée qu’elle n’avait été exposée ni au virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C, ni au VIH. Elle a intenté une action collective afin d’être dédommagée en raison de son exposition à un risque accru d’infection, ainsi que du choc, du traumatisme et des inconvénients que lui avaient causé la lettre d’avis et le test de dépistage qui avait suivi.
Si certains des patients ont obtenu un résultat positif lors du dépistage des infections transmissibles par le sang, il n’avait pas été possible de déterminer si l’infection avait été transmise à la clinique. Le propre expert de la demanderesse avait d’ailleurs concédé que le temps écoulé depuis l’événement faisait en sorte qu’il n’était pas possible d’établir un lien de causalité entre les infections et la clinique.
Le juge d’autorisation a conclu que la responsabilité pour le risque accru pouvait être considérée en tant que question commune. Toutefois, il ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si une cause d’action en dommages-intérêts fondée uniquement sur un risque accru pouvait être reconnue en droit.
Décision de la Cour divisionnaire
La Cour divisionnaire a infirmé la décision autorisant l’action collective au motif que le juge d’autorisation a erré en autorisant en tant que question commune une demande fondée sur un risque accru de préjudice.
Invoquant l’arrêt Société des loteries de l’Atlantique c. Babstock de la Cour suprême du Canada et la décision Palmer v. Teva Canada Ltd. (l’« affaire Palmer ») de la Cour supérieure de l’Ontario, la Cour divisionnaire a confirmé que le droit d’être à l’abri de l’éventualité d’un préjudice n’existe pas. Il existe seulement un droit de ne pas subir de préjudice découlant de l’exposition à un risque déraisonnable. La simple création d’un risque ne constitue pas un comportement fautif.
La Cour divisionnaire a également statué que puisqu’un risque accru de préjudice ne donne pas ouverture à un droit d’action, une réclamation pour préjudice économique découlant d’un risque accru de préjudice ne sera pas non plus valide. En outre, le montant du préjudice économique doit atteindre un seuil de minimis. En effet, une action en dédommagement ne devrait pas être intentée lorsque le montant du préjudice est négligeable. Qui plus est, pour donner lieu à un éventuel dédommagement, l’anxiété résultant du fait d’apprendre l’existence d’un risque accru de préjudice doit correspondre à un traumatisme ou à une condition grave. Une réclamation fondée sur l’anxiété associée à un risque accru de préjudice ne donne donc pas droit à un dédommagement, alors que l’anxiété associée à la réalisation d’un tel risque pourrait donner droit à un dédommagement.
Principaux points à retenir
L’affaire McGee arrive dans la foulée de deux autres affaires récentes concernant la responsabilité du fabricant, soit l’affaire Palmer et l’affaire Dussiaume v Sandoz Canada Inc., lesquelles ont toutes les deux été portées en appel. Ces deux jugements concluent que le droit canadien n’offre aucun recours en cas d’exposition à un risque accru de préjudice. La simple création d’un risque ne constitue pas un comportement donnant ouverture à un droit d’action si aucun préjudice réel ne découle de ce risque.
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