Dans le cadre d’une récente décision portant sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 en milieu de travail (Parmar v. Tribe Management Inc.), la Cour suprême de la Colombie-Britannique (la « CSCB ») a statué qu’un employeur a le droit de mettre un employé en congé sans solde lorsque ce dernier refuse de se conformer à sa politique de vaccination obligatoire.
CONTEXTE FACTUEL
Mme Parmar était depuis longtemps à l’emploi de Tribe Management Inc. (« Tribe »), une entreprise de services de gestion d’immeubles en copropriété comptant plus de 200 employés. En raison de la pandémie de COVID-19, Tribe a mis en place une série de mesures relatives à la santé et à la sécurité, dont des dispositions en matière de télétravail, de distanciation sociale et de limitation des interactions entre les employés.
Au début de l’été 2021, alors que les vaccins contre la COVID-19 étaient rapidement devenus disponibles à grande échelle, Tribe a réouvert ses bureaux et, en octobre, a mis en œuvre une politique de vaccination obligatoire stipulant que ses employés devaient tous être vaccinés au plus tard en novembre, à l’exception des employés dispensés pour des motifs religieux ou médicaux. Aux termes de la politique, les employés qui choisiraient de ne pas se faire vacciner pour des raisons personnelles seraient mis en congé sans solde.
Mme Parmar était l’une des deux employés ayant refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire. Étant donné que celle-ci n’avait pas invoqué de motif religieux ou médical pour être dispensée de l’obligation de vaccination, son employeur l’a mise en congé sans solde le 1er décembre 2021. Le 26 janvier 2022, Mme Parmar a démissionné et, le même jour, elle a intenté une poursuite contre Tribe, alléguant avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé.
DÉCISION
La CSCB a rejeté la réclamation pour congédiement déguisé de Mme Parmar au motif que la politique de vaccination obligatoire de Tribe constituait une mesure légitime et raisonnable en réponse à la pandémie de COVID-19, tout comme la décision de mettre Mme Parmar en congé sans solde.
Dans sa décision, la CSCB a statué que la politique de vaccination obligatoire de Tribe devait être examinée en fonction de l’information disponible au sujet de la pandémie de COVID-19 à l’époque où elle avait été mise en œuvre. De plus, l’obligation de Tribe de protéger la santé et la sécurité de ses employés, de ses clients et, par le fait même, du public devait être prise en compte et soupesée par rapport à d’autres préoccupations semblables en la matière, comme la question de l’intégrité physique. Dans cette perspective, la CSCB a jugé que l’adoption de la politique de vaccination obligatoire constituait un choix raisonnable et légitime de la part de Tribe.
Pour en arriver à sa décision, la CSCB a étudié les décrets de santé publique, les déclarations faites par le gouvernement fédéral et les décisions arbitrales canadiennes. Plus particulièrement, la CSCB a pris connaissance d’office du fait que le virus de la COVID-19 pose un risque sérieux et considérable pour la santé publique et que les vaccins sont un moyen sécuritaire et efficace de protéger la population contre les formes graves de la maladie. Par conséquent, la CSCB a jugé que les raisons liées à la sécurité que Tribe avait invoquées pour mettre Mme Parmar en congé sans solde étaient de bonne foi.
Selon la CSCB, la politique de vaccination obligatoire avait été élaborée soigneusement et établissait un bon équilibre entre les croyances personnelles des employés et les obligations légales de l’employeur de protéger la santé et la sécurité de ses employés et de ses clients et de maintenir son engagement à être une entreprise socialement responsable. La politique de vaccination obligatoire, sans être parfaite, était raisonnable à la lumière des incertitudes et des risques présents à l’époque.
En ce qui concerne l’entorse au principe d’intégrité physique que représente la politique de vaccination obligatoire, la CSCB s’est dit d’avis qu’en raison du caractère extraordinaire de la pandémie de COVID-19, les politiques ayant une incidence sur l’intégrité physique des employés sont raisonnables. La CSCB a également reconnu que la politique de vaccination obligatoire ne faisait pas partie des mesures initiales dictées par la pandémie de COVID-19. En effet, Tribe avait d’abord pris des précautions moins intrusives en matière de sécurité avant d’adopter cette politique.
Au bout du compte, la CSCB conclue que si Mme Parmar a le droit de croire ce qu’elle veut au sujet de la sécurité des vaccins, ses croyances personnelles ne l’emportent pas sur les préoccupations en matière de santé et de sécurité ayant amené Tribe à adopter sa politique de vaccination. Mme Parmar avait le choix entre se faire vacciner et continuer de gagner un revenu, et ne pas se faire vacciner et perdre sa source de revenu. Elle a choisi de ne pas se faire vacciner et de démissionner de son propre chef.
POINTS À RETENIR
S’agissant de l’une des premières décisions où les tribunaux se sont penchés sur la question des politiques de vaccination adoptées par des employeurs, cette décision aura d’importantes répercussions tant pour les employeurs que pour les employés. Elle jette un nouvel éclairage sur le débat en cours quant au droit des employeurs d’exiger une preuve de vaccination et aux réclamations pouvant être présentées à l’avenir.
La CSCB reconnait ainsi que dans le contexte des défis extraordinaires en matière de santé posés par la pandémie mondiale de COVID-19, les employeurs peuvent s’appuyer sur l’information à leur disposition pour faire face aux incertitudes présentées par la pandémie.L’une des mesures nécessaires a été la mise en œuvre d’une politique de vaccination obligatoire, et la décision de la CSCB confirme que les employeurs qui prennent une telle mesure en ont tout à fait le droit, pour autant qu’ils ne portent pas atteinte à la liberté de choix des employés dans les limites de la politique. Au bout du compte, c’est à chacun de composer avec les conséquences de ses choix.
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