CONTEXTE
Le Commissaire au lobbyisme, dans un rapport de plus de 200 pages intitulé Simplicité, Clarté, Pertinence, Efficacité – Réforme de l’encadrement du lobbyisme publié en juin 2019 (le « Rapport ») remet en cause le cadre juridique applicable et appelle à une refonte complète de la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme (la « Loi »).
Au Québec, la Loi, qui est en vigueur depuis 2002, prévoit la mise en œuvre d’un régime visant à accroître la transparence des activités de lobbyisme exercées auprès des titulaires de charges publiques municipaux et provinciaux et assure le sain exercice de ces activités. Ce régime prévoit principalement que tout lobbyiste agissant au sein d’une entreprise, d’une organisation ou à titre de consultant, doit inscrire ses activités au registre des lobbyistes conformément aux dispositions de la Loi.
Le 12 février 2019, des modifications à la Loi ont été initiées par le dépôt du Projet de loi no 6, qui propose essentiellement de transférer la responsabilité administrative du Registre des lobbyistes au Commissaire au lobbyisme et d’augmenter à trois ans (plutôt qu’un an) le délai de prescription applicable à la prise d’une poursuite pénale en vertu de la Loi. À l’heure actuelle, ces modifications ne sont pas en vigueur.
LE RAPPORT
Le Rapport propose d’abord une vue d’ensemble de différents enjeux soulevés à l'égard de la Loi. Il présente ensuite un énoncé qui introduit 34 principes, soit des recommandations ou des éléments de réflexion qui pourraient bonifier le régime actuel et répondre à ces enjeux. Cet énoncé de principe se divise en quatre volets que nous aborderons dans le présent bulletin.
Pour chacun de ces volets, nous traiterons des éléments que nous considérons comme les plus importants (sauf ceux présentement visés par le Projet de loi no 6) et soulignerons les distinctions avec le régime actuel. Nous vous invitons à consulter le Rapport pour en savoir davantage sur ces principes.
Champ d’application de la Loi
Le premier volet du Rapport porte sur les principes que le Commissaire juge appropriés afin de bonifier le champ d’application de la Loi, y compris les activités, les institutions, les personnes ainsi que les entités visées.
Aucun seuil minimal exigé pour l’enregistrement
Le Commissaire soutient qu’il est important d’éliminer tout seuil minimal d’activités pour que la Loi s’applique aux lobbyistes.
D’une part, le Commissaire souhaite retirer l’exigence actuellement prévue dans la Loi selon laquelle seuls les employés dont une partie importante de leur emploi constitue des activités de lobbyisme doivent être inscrits au registre.
D’autre part, le Commissaire suggère d’exiger l’inscription au Registre de tous les lobbyistes-conseils (soit ceux qui ne sont pas à l’emploi d’une entreprise ou d’une organisation) afin d’inclure également ceux qui ne reçoivent aucune contrepartie pour leurs activités. À l’heure actuelle, un lobbyiste-conseil ne recevant aucune contrepartie n’est pas tenu de s’inscrire.
Encadrement par la Loi de toutes les institutions publiques
Le Commissaire suggère que toutes les institutions publiques provinciales et municipales devraient être visées par la Loi, sans exception. Cela aurait notamment pour effet d’inclure le réseau de l’éducation à titre d’institution publique, qui n’est pas visé pour l’instant par la Loi.
Encadrement par la Loi de tous les types de lobbyistes
Le Commissaire recommande d’appliquer la Loi à tout individu ou à toute entité exerçant des activités de lobbyisme, peu importe leur nature. Cette recommandation reprend une proposition mise de l’avant en 2015 par le Projet de loi no 56, mort au feuilleton, dont l’objectif était de préciser que les organismes à but non lucratif devraient également être assujettis à la Loi.
Responsabilité et obligations en matière d’activités de lobbyisme
Le second volet du Rapport introduit des principes qui permettraient, selon le Commissaire, de clarifier certaines obligations et responsabilités en matière de lobbyisme.
Responsabilité conjointe des entités et de leurs représentants d’intérêts
Le Commissaire soutient la nécessité d’attribuer aux entreprises la responsabilité d’inscrire ses représentants, de divulguer leurs activités de lobbyisme et d’assurer la conformité avec la Loi, plutôt que de seulement attribuer cette responsabilité au plus haut dirigeant de la société ou à ses représentants d’intérêts, comme le prévoit actuellement la Loi.
Nomination d’un répondant institutionnel
Le Commissaire propose d’ajouter à la Loi une disposition enjoignant à chaque institution publique de nommer un répondant responsable de l’application de la Loi. La Loi sur l’Accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels prévoit déjà des mesures similaires.
Restrictions pendant et après un mandat public
Le Commissaire propose l’établissement de principes éthiques et d’obligations déontologiques pendant et après le mandat des élus ou des dirigeants d’institutions publiques, et ouvre la porte à certaines restrictions « pré-emploi ». Un tel principe diffère du régime actuel qui impose seulement de telles règles après le mandat de certains élus ou dirigeants d’institutions publiques.
Régime de divulgation
Le troisième volet du Rapport vise à énoncer des principes qui permettraient l’élaboration d’un processus de divulgation efficient des activités de lobbyisme au Québec.
Divulgation en temps opportun
Le Commissaire soutient qu’il est nécessaire d’établir un système de divulgation efficace, obligatoire et ouvert afin de favoriser une divulgation plus rapide de l’information et un suivi de toute activité de lobbyisme effectuée.
Le Rapport prévoit que cet objectif pourrait notamment être réalisé par un ajustement des délais d’inscription et de divulgation des mandats (qui sont présentement de 30 jours pour les lobbyistes-conseils et de 60 jours pour les lobbyistes d’entreprise, suite à l’activité de lobbyisme) et par l’ajout de certaines exigences de suivi.
Pertinence des informations divulguées
Le Commissaire recommande d’exiger la divulgation de toute information pertinente au public. Le Rapport énumère, de façon non exhaustive, certains renseignements supplémentaires qui pourraient être jugés pertinents tels que i) les bénéficiaires des activités de lobbyisme, ii) la nature et la fréquence de la communication entre les partis, iii) les sommes dépensées en activités de lobbyisme, ainsi que iv) les liens politiques possibles des lobbyistes.
Respect du cadre législatif, responsabilités, pouvoirs et devoirs
Le dernier volet du Rapport met l’accent sur les aspects administratifs et techniques de la Loi, dont les pouvoirs et devoirs du Commissaire ainsi que sur le régime de sanctions.
Introduction d’un régime de sanctions administratives pécuniaires
Le Commissaire appelle notamment à repenser les types de sanctions pouvant être imposées en cas d’infraction à la Loi (présentement pénales, disciplinaires et civiles, quoique cette dernière option ne soit jamais utilisée).
À cet effet, le Rapport mentionne que le fait d’octroyer au Commissaire un pouvoir de sanctions administratives pécuniaires favoriserait une meilleure gestion des fonds publics et permettrait d’éviter que ce dernier ait à transmettre au Directeur des poursuites criminelles et pénales tout dossier dans lequel une infraction à la Loi est constatée.
CONCLUSION
La progression du Projet de loi no 6 à l’Assemblée nationale et la publication du Rapport par le Commissaire au lobbyisme du Québec démontrent une réelle volonté de moderniser le régime actuel, qui est en vigueur depuis maintenant 17 ans. Il reste à voir si le gouvernement du Québec entendra l’appel du Commissaire et décidera de se pencher sur les enjeux soulevés dans le Rapport.
Quoi qu’il en soit, la Loi actuelle demeure en vigueur et toute entreprise ou tout individu qui interagit avec des titulaires de charges publiques municipaux ou provinciaux devraient être familiers avec le régime actuel et se conformer aux exigences applicables.
Pour en savoir davantage, communiquez avec un membre de notre groupe Lobbying.
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