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Partie II : D’importantes incidences devraient découler des lignes directrices relatives à la Loi sur l’esclavage moderne

6 février 2024

Comme nous en avons parlé dans nos bulletins précédents portant sur ce sujet, la nouvelle loi canadienne sur l’esclavage moderne, soit la Loi sur la Lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d'approvisionnement (la « Loi »), exige des entités déclarantes qu’elles remplissent, soumettent au gouvernement et rendent public un questionnaire en ligne obligatoire (le « questionnaire ») ainsi qu’un rapport (le « rapport ») sur les mesures qu’elles ont prises au cours de leur dernier exercice pour traiter et prévenir le recours au travail forcé ou au travail des enfants dans leurs chaines d’approvisionnement. La Loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2024, et les entités visées doivent soumettre un premier rapport au plus tard le 31 mai 2024, ou plus tôt dans le cas de certaines entités de régime fédéral qui fournissent leurs états financiers annuels aux actionnaires avant le 31 mai de chaque année.

Pour en savoir davantage sur les développements dans ce domaine, consultez nos Bulletins Blakes de mai 2023, intitulé Projet de loi S-211 : Obligation de faire rapport sur le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement, d’octobre 2023, intitulé Travail forcé et travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement : êtes-vous prêts à vous conformer à la Loi?, et de décembre 2023, intitulé Partie I : Nouvelle loi sur l’esclavage moderne : le Canada publie enfin des lignes directrices.

Le gouvernement a publié des lignes directrices (les « lignes directrices ») le 20 décembre 2023, lesquelles ont fourni des précisions très attendues sur les attentes du gouvernement du Canada en lien avec la Loi et sur l’interprétation de la Loi par ce dernier. En outre, le 11 janvier 2024, le gouvernement a tenu une « séance d’information technique » (la « séance d’information »), laquelle n’a pas donné beaucoup d’indications substantielles, mais a répondu à certaines questions fréquemment posées.

Dans la partie II de cette série de deux bulletins, nous examinons certaines des principales répercussions des lignes directrices et du questionnaire et donnons un aperçu des points saillants de la séance d’information.

Le questionnaire

Le 3 janvier 2024, le gouvernement a publié une version du questionnaire permettant aux entités de prendre connaissance de la liste complète des questions et visant à améliorer l’accès à l’information nécessaire aux entités pour préparer leur rapport. Au moment d’entreprendre la préparation de leur rapport, les entités doivent s’assurer que toutes les parties pertinentes de leur entreprise concernées par le rapport aient accès au questionnaire et qu’elles prévoient suffisamment de temps pour répondre adéquatement aux questions de ce dernier.

En outre, l’entité déclarante doit confirmer qu’elle a inclus mot pour mot dans son rapport l’attestation selon le format suggéré. Il est à noter que le questionnaire ne peut être considéré comme dûment rempli, et le rapport ne peut être considéré comme dûment soumis, sans cette confirmation.

Le gouvernement a indiqué qu’il considère qu’un défaut de remplir le questionnaire constitue une infraction en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi.

Les lignes directrices

Les lignes directrices fournissent de l’information générale et des exemples concernant la production de rapports, les types de renseignements nécessaires susceptibles de satisfaire aux exigences de contenu du rapport et les cas où les renseignements fournis conformément aux obligations de soumettre un rapport d’un autre pays peuvent être acceptables. Par exemple, les lignes directrices confirment ce qui suit : 

  • Pour être tenue de présenter un rapport, une personne morale ou une fiducie, une société de personnes ou une autre organisation non constituée en personne morale doit satisfaire à la définition d’entité en vertu de l’article 2 de la Loi, et doit également a) produire, vendre ou distribuer des marchandises au Canada ou ailleurs; b) importer des marchandises au Canada; ou c) contrôler une entité exerçant une activité visée aux alinéas a) ou b).
  • Les entités constituées sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions ou de toute autre loi fédérale doivent fournir un exemplaire du rapport à chaque actionnaire « en même temps que leurs états financiers annuels ». Les lignes directrices ne fournissent pas d’autres précisions quant au mode de remise du rapport ou au moment où cela doit être fait. Par conséquent, les entités constituées ou organisées sous le régime fédéral devraient s’interroger sur la façon dont ces exigences seront remplies dans le contexte de la loi sur les sociétés applicable ou d’une autre loi applicable aux organisations. Les entités ouvertes devraient quant à elles consulter la législation sur les valeurs mobilières applicable.
  • La Loi peut avoir une application extraterritoriale puisque la définition d’entité comprend les entités dont le siège social est situé au Canada ou dans tout autre pays ou administration. Ceci signifie que la Loi peut s’appliquer à des sociétés non canadiennes qui satisfont au critère permettant de déterminer si une société est une entité déclarante, lequel est décrit dans un de nos précédents bulletins en lien ici.
  • Le ministre de la Sécurité nationale maintiendra un catalogue en ligne pour la consultation des rapports par le grand public. Il n’est pas clair si les questionnaires seront inclus dans cette base de données. Il est vraisemblable de penser que les questionnaires seront plutôt mis à la disposition du public par l’entremise du processus fédéral d’accès à l’information. Par conséquent, aucun renseignement personnel ou confidentiel ne devrait figurer dans les réponses au questionnaire. 

En confirmant ce qui précède, les lignes directrices fournissent des commentaires utiles au sujet de l’interprétation, par le gouvernement, de différents aspects de la Loi. Plus particulièrement, les lignes directrices : 

  • indiquent aux entités que celles-ci doivent appliquer « le sens ordinaire » des termes « importation », « vente » et « distribution » pour déterminer si elles sont engagées dans l’une ou l’autre de ces activités, et mentionnent que les termes utilisés dans la Loi ne visent pas à définir les services qui appuient uniquement la production, la vente, la distribution ou l’importation de marchandises;
  • précisent qu’une entité est considérée comme importatrice de marchandises uniquement si elle est responsable de la comptabilisation de ces marchandises en vertu de la Loi sur les douanes, c’est-à-dire qu’elle en est l’importatrice officielle;
  • indiquent que la Loi ne précise pas de seuil prescrit pour la valeur minimale des marchandises qu’une entité doit produire, vendre, distribuer ou importer pour que la Loi s’applique. Cela dit, les termes utilisés dans la Loi devraient être compris comme excluant les « transactions très mineures ». Aucune autre précision n’est fournie au sujet de cette exception applicable aux transactions très mineures;
  • précisent que le contrôle exercé par une entité sur une autre doit être considéré comme une « question de substance plutôt que de forme »;
  • permettent aux entités d’inclure une description de leurs mesures liées aux initiatives de diligence raisonnable en matière de droits de la personne, d’environnement, de société et de gouvernance (« ESG ») et à d’autres aspects de la conduite responsable des entreprises qui ne sont pas spécifiquement ou exclusivement axés sur le travail forcé ou le travail des enfants;
  • précisent que le rapport ne devrait pas servir à formuler des déclarations purement ambitieuses, mais devrait plutôt mettre l’accent sur les mesures concrètes qu’elles ont prises, tout en reconnaissant que certaines mesures et étapes peuvent s’étendre sur plusieurs années;
  • définissent la chaine d’« approvisionnement » comme comprenant les fournisseurs de biens et de services qui contribuent à la production de marchandises produites, vendues, distribuées ou importées par l’entité, depuis l’approvisionnement en matières premières jusqu’au produit final. Elle comprend donc les fournisseurs de biens et les fournisseurs de services directs et indirects, tant au Canada qu’à l’étranger. La chaine d’approvisionnement d’une entité ne comprend pas les utilisateurs finaux ou les clients qui achètent ses produits ou services.

La séance d’information

Sécurité publique Canada a tenu une séance d’information d’une heure. Voici quelques points saillants de cette séance :

  • Sécurité publique Canada comprend qu’étant donné la récente entrée en vigueur de la Loi, les entités ne disposent peut-être pas de mesures leur permettant de préparer un rapport répondant à une partie, voire à la totalité, des exigences. Les entités peuvent faire état de cette situation dans leur rapport et seraient alors conformes à la Loi.
  • Un rapport conjoint ne doit être soumis que si les renseignements qu’il contient s’appliquent de manière générale à toutes les entités visées par le rapport. Dans les cas où les renseignements applicables à chaque entité déclarante diffèrent sensiblement, il est recommandé que chaque entité soumette son propre rapport.
  • Le lien permettant de remplir le questionnaire et de soumettre un rapport est fonctionnel depuis le 1er janvier 2024.

Les lignes directrices et la séance d’information ont fourni des indications substantielles sur des aspects clés de la Loi, lesquelles devraient aider les entités à préparer leurs rapports. En prévision de la date limite fixée pour la présentation du rapport initial, les entités déclarantes devraient s’assurer que leurs services des finances, de la gouvernance et de l’approvisionnement respectifs soient bien au fait de la Loi ainsi que du contenu du questionnaire et des lignes directrices. 

Pour en savoir davantage au sujet de toute question abordée dans ce bulletin, communiquez avec :


ou un autre membre de notre groupe Commerce international.

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