En 2021, plusieurs décisions judiciaires d’importance pour les prêteurs commerciaux, les entreprises et les professionnels de l’insolvabilité ont été rendues d’un bout à l’autre du Canada. Le présent rapport résume les faits saillants et les grandes questions abordées dans chacune de ces affaires, puis fournit une mise à jour sur les affaires dont il a été question dans notre Bulletin Blakes de février 2021 intitulé Principaux développements dans la jurisprudence canadienne en matière d’insolvabilité en 2020.
Le présent rapport traite des affaires et des sujets suivants :
Case Name |
Topic |
Court |
Réclamations en matière de faillite et frais de réparation de dommages liés à l’environnement |
Cour d’appel du Yukon |
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Décisions connexes en matière de résiliation et de bonne foi |
Cour supérieure de justice de l’Ontario |
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Réclamations prescrites dans le contexte d’une faillite |
Cour supérieure de justice de l’Ontario |
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DGDP-BC Holdings Ltd v Third Eye Capital Corporation 2021 ABCA 226 |
Priorité des réclamations |
Cour d’appel de l’Alberta |
Responsabilité solidaire dans le cadre de procédures d’insolvabilité |
Cour supérieure de justice de l’Ontario |
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Accords de financement de litige |
Cour supérieure de justice de l’Ontario |
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Restructuration de Fortress Global Enterprises Inc., 2021 QCCS 4613 |
Accords de financement de litige |
Cour supérieure du Québec |
Compétence du tribunal chargé d’appliquer la LACC |
Cour supérieure du Québec |
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Plan de transaction ou d’arrangement d’Abbey Resources Corp. |
Agissements de mauvaise foi dans le cadre de procédures en vertu de la LACC |
Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan |
ODI et droit au remboursement des taxes |
Cour supérieure de justice de l’Ontario |
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Port Capital Development (EV) Inc. v 1296371 BC Ltd., 2021 BCCA 382 |
Options concurrentes dans le cadre de procédures en vertu de la LACC |
Cour d’appel de la Colombie-Britannique |
Compensation pré-post |
Cour supérieure du Québec |
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Montréal (Ville) c. Restructuration Deloitte Inc., 2021 CSC 53 |
Compensation pré-post |
Cour suprême du Canada |
Bellatrix Exploration Ltd (Re), 2021 ABCA 85 and 2021 ABCA 148 |
Traitement et résiliation des contrats financiers admissibles |
Cour d’appel de l’Alberta |
Résiliation partielle d’un contrat |
Cour d’appel du Yukon |
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Nomination d’un séquestre en vertu de l’article 243 de la LFI et interaction de celle-ci avec le Code civil du Québec |
Cour suprême du Canada |
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Un tribunal confirme l’autonomie des lettres de crédit et juge qu’un locateur peut y prélever le plein montant de la créance |
Cour suprême du Canada |
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Ordonnances de dévolution inversée |
Cour suprême du Canada |
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Priorité des charges de débiteur-exploitant |
Cour suprême du Canada |
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Distributions aux créanciers d’un produit de vente faisant l’objet d’une fiducie réputée en vertu de la LTA (Canada) |
Cour suprême du Canada |
RÉCLAMATIONS EN MATIÈRE DE FAILLITE ET FRAIS DE RÉPARATION DE DOMMAGES LIÉS À L’ENVIRONNEMENT
Yukon (Government of) v. Yukon Zinc, 2021 YKCA 2
Date de la décision : 5 mars 2021
Un certain nombre de décisions importantes ont été rendues depuis le commencement de la procédure de mise sous séquestre de Yukon Zinc Corporation (« Yukon Zinc ») en septembre 2019, notamment lors de l’appel de la décision de première instance, laquelle portait sur des frais de réparation de dommages liés à l’environnement. Cet appel faisait partie de quatre appels entendus collectivement.
Yukon Zinc est une société minière dont le principal actif est une mine située au Yukon (la « mine »). Yukon Zinc possède certains permis liés à l’exploitation de la mine, y compris des permis en vertu de la Loi sur l’extraction du quartz (Yukon) (la « LEQ »).
En vertu de la LEQ, le ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources (le « ministre ») peut exiger d’un titulaire de permis qu’il fournisse une garantie si les activités qu’il exerce risquent d’entraîner des effets environnementaux négatifs. Yukon Zinc a fourni une telle garantie (la « garantie de remise en état ») au moment de la délivrance de son permis.
En 2017, la mine a été inondée et l’eau contaminée a été redirigée vers une installation de stockage. Or, aucune mesure n’avait été mise en place pour le traitement de l’eau contaminée, qui risquait de s’écouler dans l’environnement. Le gouvernement du Yukon a donc réévalué le plan de remise en état et de fermeture de la mine, puis recalculé la garantie de remise en état requise. Cette dernière a été révisée à la hausse, et Yukon Zinc n’a pas été mesure de payer.
Comme les conditions environnementales de la mine se détérioraient, le gouvernement du Yukon a commencé à utiliser la garantie de remise en état pour gérer l’afflux d’eau contaminée. Yukon Zinc n’ayant jamais payé la garantie de remise en état à la suite du recalcul et de la hausse de celle-ci, le montant versé initialement au titre de la garantie de remise en état ne suffirait probablement pas à couvrir les frais associés aux travaux de remise en état restants à effectuer.
En juillet 2019, le gouvernement du Yukon a enclenché une procédure en vue de la nomination d’un séquestre. Le 31 juillet 2019, Yukon Zinc a déposé un avis d’intention de faire une proposition en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la « LFI »). Le 7 août 2019, la Cour suprême du Yukon a mis fin à la suspension des procédures découlant de l’avis d’intention et a autorisé la demande de mise sous séquestre. Le 19 septembre 2019, un séquestre a été nommé à l’égard de tous les biens et actifs de Yukon Zinc. Le 11 octobre 2019, Yukon Zinc, qui avait omis de faire une proposition dans le délai imparti en vertu de la LFI, a été réputée avoir fait cession de ses biens en faillite.
Le gouvernement du Yukon a ensuite demandé à un tribunal de déclarer qu’il détenait une réclamation prouvable en matière de faillite visant les frais de réparation prévus pour la remise en état de la mine. Selon lui, cette réclamation constituait une créance garantie de premier rang contre la concession minière de Yukon Zinc en vertu de l’alinéa 14.06(7) de la LFI, lequel prévoit que toute réclamation du gouvernement fédéral ou d’un gouvernement provincial pour les frais de réparation d’un dommage lié à l’environnement est garantie par une sûreté touchant les immeubles ou biens réels du débiteur où le dommage est survenu.
En première instance, le tribunal a conclu que l’alinéa 14.06(7) de la LFI ne s’appliquerait que lorsque le gouvernement du Yukon aurait engagé des dépenses pour remettre le site en état. En appel de cette décision, le gouvernement du Yukon a fait valoir que le critère de ce qui est « suffisamment certain », établi par la Cour suprême du Canada (la « CSC ») dans l’affaire Terre‑Neuve‑et‑Labrador c. AbitibiBowater Inc., devait s’appliquer à l’alinéa 14.06(7) de la LFI. Selon le critère de ce qui est « suffisamment certain », des réclamations visant des obligations environnementales peuvent constituer des réclamations prouvables en matière de faillite s’il est suffisamment certain que des dépenses seront engagées.
La Cour d’appel du Yukon (la « CAY ») a confirmé la décision de première instance et a noté que la priorité de rang d’une réclamation en vertu de l’alinéa 14.06(7) de la LFI peut seulement être accordée une fois que les dépenses ont été réellement engagées, et non pour garantir le paiement de frais qui pourraient devoir être supportés dans l’avenir. Le critère de ce qui est « suffisamment certain » n’a aucune incidence sur l’existence ou non d’une charge super prioritaire en vertu de l’alinéa 14.06(7) de la LFI.
Quant à la concession minière, qui confère le droit de mettre en valeur et d’extraire des minéraux sur une parcelle de terre déterminée, la CAY a conclu qu’une concession minière ne constituait pas un bien réel appartenant à Yukon Zinc, mais plutôt une participation dans un bien réel. Le libellé de l’alinéa 14.06(7) limite l’application de la réclamation garantie uniquement au bien réel du débiteur et, par conséquent, les participations dans ce bien réel, comme une concession minière, ne peuvent être visées par la sûreté dont il est question dans l’alinéa 14.06(7).
État :
La demande d’autorisation d’appel devant la CSC a été rejetée le 4 novembre 2021. L’entretien et la maintenance nécessaires de la mine ont été transférés au gouvernement du Yukon à la suite de la vente d’une petite partie des actifs de Yukon Zinc à Almaden Minerals Ltd lors de la procédure de mise sous séquestre.
Points à retenir :
Cette décision donne des éclaircissements sur la priorité de rang des réclamations établie à l’alinéa 14.06(7) de la LFI, laquelle peut entrer en concurrence avec les priorités de rang accordées aux créanciers garantis et aux autres demandeurs dans le cadre de procédures en vertu de la LFI. La réclamation ne vise que les frais de réparation d’un dommage lié à l’environnement réellement engagés et non les frais qui pourraient être supportés ultérieurement. De plus, la réclamation garantie ne peut porter que sur les droits de propriété d’un débiteur sur un bien réel, ce qui exclut les autres types de participations dans ce bien, comme une concession minière. Cette distinction est très importante. Dans le secteur minier, ce sont généralement les droits miniers qui constituent l’actif de grande valeur d’un débiteur, non pas le bien lui-même.
DÉCISIONS CONNEXES EN MATIÈRE DE RÉSILIATION ET DE BONNE FOI
Université Laurentienne c. Université de Sudbury, 2021 ONSC 3392 et Laurentian University of Sudbury, 2021 ONSC 3272
Date des décisions : 7 mai 2021
L’Université Laurentienne (la « Laurentienne ») s’est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (Canada) (la « LACC ») en février 2021 auprès de la Cour supérieure de justice de l’Ontario (la « CSJO »). Au moment du dépôt de sa demande en vertu de la LACC, la Laurentienne avait conclu des ententes avec trois universités : l’Université de Sudbury (l’« UdeS »), Thornloe University ( « Thornloe ») et Huntington University (« Huntington », collectivement les « universités fédérées »). Les universités fédérées avaient accepté de suspendre leur pouvoir d’attribuer des grades (sauf pour ce qui est de la théologie, dans le cas de Thornloe et d’Huntington). Les étudiants inscrits dans un programme à la Laurentienne pouvaient suivre des cours à l’une ou l’autre des universités fédérées et recevoir des crédits de la Laurentienne. Du financement était offert par le gouvernement provincial aux universités fédérées par l’intermédiaire de la Laurentienne.
En avril 2021, la Laurentienne a demandé à un tribunal de résilier les ententes conclues avec les universités fédérées, lesquelles ententes engendraient une perte de revenus tirés des droits de scolarité pour des cours à option que la Laurentienne était en mesure d’offrir elle-même à ses étudiants. Huntington a accepté la résiliation de l’entente conclue avec la Laurentienne, mais Thornloe et l’UdeS ont toutes les deux déposé une requête en vue de contester la résiliation de leur entente respective. Le juge en chef Morawetz a entendu la requête de Thornloe en anglais, alors que la juge Gilmore a entendu celle de l’UdeS, en français. Le juge en chef Morawetz et la juge Gilmore ont chacun, indépendamment, rejeté la requête qui leur avait été présentée et qui visait à contester la résiliation des ententes, selon un raisonnement similaire.
En vertu du paragraphe 32(4) de la LACC, pour décider d’autoriser ou de rejeter la résiliation d’un contrat, le tribunal doit prendre en considération les facteurs non exhaustifs suivants :
a) l’acquiescement du contrôleur au projet de résiliation, le cas échéant;
b) la question de savoir si la résiliation favorisera la conclusion d’une transaction ou d’un arrangement viable à l’égard de la compagnie;
c) le risque que la résiliation puisse vraisemblablement causer de sérieuses difficultés financières à une partie au contrat.
Ce faisant, le tribunal doit mettre en balance les avantages liés à la résiliation et les conséquences de celle-ci pour les autres parties.
L’UdeS et Thornloe ont toutes les deux fait valoir que, en résiliant l’entente, la Laurentienne agissait de mauvaise foi, contrairement à son obligation en vertu du paragraphe 18.6 de la LACC. L’ajout du paragraphe 18.6 à la LACC visait à intégrer une disposition autonome dans la loi établissant l’obligation d’agir de bonne foi pour l’ensemble des parties intéressées dans le cadre de toute procédure d’insolvabilité. Elles soutenaient également, entre autres choses, que la résiliation causerait de sérieuses difficultés financières.
En ce qui concerne l’obligation d’agir de bonne foi, la juge Gilmore a noté que le but de la résiliation n’était pas de détruire la concurrence, comme le prétendait l’UdeS, mais plutôt de mettre fin à un modèle financier non viable. Elle a aussi précisé que le fait que la Laurentienne ne parvienne pas à une résolution avec l’UdeS et Thornloe ne signifiait pas qu’elle n’avait pas tenté de bonne foi d’en arriver à un règlement. Enfin, la juge Gilmore a souligné que les projections financières présentées par le contrôleur montraient clairement que le gain de revenus que la Laurentienne réaliserait en résiliant ces ententes était essentiel à sa survie et qu’interdire la résiliation de ces ententes compromettrait le financement du débiteur-exploitant.
Le juge en chef Morawetz a refusé l’argument de Thornloe selon lequel la Laurentienne avait agi de mauvaise foi. Il a reconnu que les restructurations ne sont pas faciles et peuvent souvent aboutir à un traitement considéré extrêmement rude par l’une des parties, mais un tel traitement ne signifie pas nécessairement que l’autre partie a agi de mauvaise foi. Il a par ailleurs noté que le contrôleur n’avait fait aucune déclaration susceptible de laisser entendre que la Laurentienne avait agi de mauvaise foi. Le juge en chef Morawetz a souligné que les revenus supplémentaires que gagnerait la Laurentienne à la suite de la résiliation de l’entente apporteraient un réel soulagement sur le plan financier à la Laurentienne, en générant des revenus annuels sans lesquels le plan de restructuration de la Laurentienne risquait d’échouer.
Le juge en chef Morawetz et la juge Gilmore ont tous les deux souligné (i) que le contrôleur avait approuvé la résiliation; (ii) que la résiliation améliorerait les perspectives d’un plan viable; et (iii) que, même si la résiliation entraînait des conséquences financières défavorables pour l’autre partie à l’entente applicable, ce n’était pas une raison suffisante pour interdire la résiliation.
État :
La demande d’autorisation d’appel visant la décision du juge en chef Morawetz devant la Cour d’appel de l’Ontario a été rejetée le 23 juin 2021 (Laurentian University of Sudbury (Re), 2021 ONCA 448).
La décision de la juge Gilmore n’a pas fait l’objet d’une demande d’autorisation d’appel.
Points à retenir :
Lorsqu’un tribunal doit décider d’autoriser ou de rejeter la résiliation d’un contrat en vertu du paragraphe 32(4) de la LACC, il doit mettre en balance les avantages que représentera la résiliation pour une partie et les conséquences financières éventuellement graves que pourrait avoir la résiliation sur l’autre partie. Il peut également devoir tenir compte d’allégations de mauvaise foi dans son analyse.
RÉCLAMATIONS PRESCRITES DANS LE CONTEXTE D’UNE FAILLITE
John Trevor Eyton (Re), 2021 ONSC 3646
Date de la décision : 19 mai 2021
Dans cette affaire, la CSJO devait déterminer si les réclamations devenues inexécutoires en raison de l’expiration du délai de prescription constituaient néanmoins des réclamations prouvables en matière de faillite.
En avril 2019, M. Eyton a déposé un avis d’intention de faire une proposition en vertu de LFI et a subséquemment été déclaré en faillite en raison de l’échec du processus de proposition. En juillet 2020, Forty-One Peter Street Inc. (« Forty-One ») a présenté une preuve de réclamation non garantie d’un montant de 888 620,67 $ CA, incluant les intérêts, dans le cadre de la procédure de faillite de M. Eyton. Le syndic a rejeté la réclamation non garantie présentée par Forty-One, parce que le dernier versement effectué par le failli aux termes de l’entente intervenue entre M. Eyton et Forty-One datait d’avril 2016. Le syndic a noté que ce dernier versement avait été fait plus de deux ans avant la faillite en cause et que, pour cette raison, la réclamation était frappée de prescription en vertu de l’article 4 de la Loi de 2002 sur la prescription des actions de l’Ontario (la « Loi sur la prescription »). Forty-One a interjeté appel du rejet de sa réclamation auprès du registraire en vertu du paragraphe 135(4) de la LFI, lequel a confirmé la décision du syndic. La décision du registraire a ensuite été portée en appel devant la CSJO.
Forty-One a avancé que sa réclamation non garantie figurait dans le bilan du failli signé par ce dernier et que, par conséquent, aucune autre preuve ne devait être acceptée par le syndic. Elle a ensuite fait valoir qu’il n’était aucunement question d’un possible délai de prescription provincial dans la définition des réclamations prouvables donnée au paragraphe 121(1) de la LFI. Enfin, Forty-One a soutenu que l’article 4 de la Loi sur la prescription n’éteint pas une dette existante, mais stipule plutôt qu’aucune requête relative à une réclamation ne peut être introduite après un certain délai. La CSJO a conclu que ces motifs d’appel n’étaient pas fondés et a rejeté l’appel.
Conformément au paragraphe 124(1) de la LFI, chaque créancier doit prouver sa réclamation, faute de quoi il n’a pas droit de partage dans la distribution qui peut être opérée. La CSJO a conclu que le bilan du failli du débiteur ne constituait pas une preuve aux fins de réclamation. Bien qu’elle se soit dit d’accord avec Forty-One sur le fait que la dette n’était pas éteinte et continuait d’exister, la CSJO a précisé qu’une réclamation prescrite en vertu de l’article 4 de la Loi sur la prescription devient inexécutoire en droit dans le contexte d’une faillite. Ainsi, la réclamation de Forty-One ne constituait pas une réclamation prouvable en vertu du paragraphe 121(1) de la LFI puisqu’il ne s’agissait pas d’une créance à laquelle le failli était soumis. Cette conclusion est conforme avec la politique sous-jacente de la LFI, qui est d’assurer une distribution équitable entre les créanciers de même rang. Un créancier ne peut pas contraindre un failli à payer une réclamation prescrite; par conséquent, sa réclamation n’a pas le même rang qu’une réclamation exécutoire. De l’avis de la CSJO, si les arguments de Forty-One étaient acceptés, il en résulterait qu’une réclamation prescrite qui n’est pas exécutoire deviendrait exécutoire par suite d’une faillite. Un tel raisonnement est contraire aux dispositions de la LFI applicables.
État :
La décision de la CSJO n’a pas fait l’objet d’une demande d’autorisation d’appel.
Points à retenir :
En Ontario, une réclamation qui est frappée de prescription en vertu de la Loi sur la prescription avant une faillite est inexécutoire en droit et n’est donc pas prouvable en matière de faillite, puisqu’il ne s’agit pas d’une créance à laquelle le failli est assujetti en vertu du paragraphe 121(1) de la LFI.
PRIORITÉ DES RÉCLAMATIONS
DGDP-BC Holdings Ltd v Third Eye Capital Corporation 2021 ABCA 226
Date de la décision : 17 juin 2021
La Cour d’appel de l’Alberta (la « CAA ») a confirmé le vaste pouvoir discrétionnaire du juge surveillant dans le cadre d’une demande de mise sous séquestre, dans certaines circonstances appropriées, pour ce qui est de modifier une priorité de rang déjà accordée à des charges ordonnées par le tribunal lors d’une procédure antérieure réalisée en vertu de la LACC.
Deux appels connexes ont été interjetés relativement aux procédures d’insolvabilité visant Accel Canada Holdings Limited (« Accel Holdings ») et Accel Energy Canada Limited (« Accel Energy ») (collectivement « Accel »). En octobre 2019, Accel a déposé des avis d’intention de faire une proposition en vertu de la LFI. En novembre, la démarche amorcée par Accel est devenue une procédure en vertu de la LACC et le tribunal a approuvé un prêt de financement provisoire garanti par une charge super prioritaire (la « charge débiteur-exploitant » ou la « charge DE »).
Le contrôleur a été en mesure de négocier la vente des actifs d’Accel Energy à Third Eye Capital, le principal créancier garanti d’Accel Holdings, l’un des prêteurs provisoires, et le mandataire pour les prêteurs provisoires.
Dans le cadre de la vente, Third Eye Capital a demandé que soit nommé un séquestre afin de faciliter la vente des actifs d’Accel Energy. Un séquestre ayant le pouvoir d’emprunter a été nommé; la charge d’emprunt du séquestre ayant priorité sur toutes les autres charges grevant les actifs d’Accel, y compris sur la charge DE antérieure, malgré les objections soulevées par l’un des prêteurs provisoires, DGDP-BC Holdings (« DGDP »).
DGDP a interjeté appel de la décision de la juge surveillante, alléguant que ce dernier n’avait ni les compétences ni le pouvoir discrétionnaire requis pour modifier la priorité de rang de la charge DE et de la charge d’emprunt du séquestre sans le consentement des prêteurs provisoires. DGDP a alors invoqué l’alinéa 11.2(3) de la LACC, lequel stipule que le tribunal peut par ordonnance, déclarer que la totalité ou une partie des biens d’un débiteur sont grevés d’une charge ou sûreté, mais peut également y préciser que la charge ou sûreté n’a priorité sur toute autre charge ou sûreté au titre d’une ordonnance antérieure que sur consentement de la personne en faveur de qui cette ordonnance a été rendue.
La CAA a rejeté l’appel. En fait, la charge d’emprunt du séquestre avait été accordée en vertu de l’article 243 de la LFI, et non aux termes du paragraphe 11.2 de la LACC. La charge d’emprunt du séquestre n’était donc pas visée par l’interdiction de modifier la priorité de rang accordée à une charge DE sans le consentement des prêteurs prévue à l’alinéa 11.2(3) de la LACC. Par ailleurs, l’alinéa 243(1)c) de la LFI confère un vaste pouvoir discrétionnaire au juge responsable de la surveillance, soit celui de « prendre toute autre mesure qu’il estime indiquée ». La CAA a noté que l’exercice de ce vaste pouvoir discrétionnaire ne devrait pas être perturbé en appel, à moins d’une erreur de principe en droit ou d’une décision totalement déraisonnable.
La CAA a signalé que le risque pour un prêteur provisoire de ne pas être remboursé dans le cadre d’une procédure en vertu de la LACC, si celle-ci échoue, est inhérent à ce rôle. Au moment de la demande de mise sous séquestre, Accel avait de sérieuses difficultés financières et avait besoin de financement supplémentaire pour continuer à exercer des activités. Si elle avait été liquidée, tous les créanciers auraient subi une perte, y compris les prêteurs provisoires. Il était donc raisonnable, dans les circonstances, d’attribuer au séquestre le pouvoir d’emprunter et de donner un rang prioritaire à la charge d’emprunt du séquestre.
La vente des actifs d’Accel Energy a éventuellement été réalisée. La charge DE n’a pas été remboursée en entier; elle a été remboursée seulement dans la mesure des emprunts spécifiquement attribués à Accel Energy. DGDP a avancé que la juge surveillante n’avait pas le pouvoir discrétionnaire requis pour diviser la charge DE entre les deux emprunteurs et a interjeté appel de cette décision également.
La CAA a de nouveau expliqué le vaste pouvoir discrétionnaire que détient la juge surveillante dans le cadre d’une procédure de mise sous séquestre, et a précisé que ce pouvoir discrétionnaire peut comprendre le mandat de vendre certains des actifs d’une société insolvable, même si cela fera en sorte que le financement provisoire fourni ne sera remboursé qu’en partie, et a rejeté l’appel.
État :
La décision n’a pas fait l’objet d’une demande d’autorisation d’appel devant la CSC.
Points à retenir :
Compte tenu des circonstances factuelles uniques de cette affaire, la CAA a conclu qu’il était approprié pour le juge responsable de la surveillance dans le cadre des procédures de mise sous séquestre d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui était conféré de manière à accorder une priorité de rang à la charge d’emprunt du séquestre par rapport à la priorité de rang accordée antérieurement à la charge des prêteurs provisoires dans le cadre de la procédure en vertu de la LACC.
RESPONSABILITÉ SOLIDAIRE DANS LE CADRE DE PROCÉDURES D’INSOLVABILITÉ
CannTrust Holdings Inc., et al. (Re), 2021 ONSC 4408
Date de la décision : 24 juin 2021
Dans cette affaire, la CSJO devait examiner le caractère juste et raisonnable d’un plan d’arrangement conçu dans le but de régler un litige de masse qui ne comprenait pas une entente de type Pierringer, (en anglais Pierringer Order, aussi appelée bar order).
En mai 2020, CannTrust Holdings Inc., un producteur de cannabis assujetti à la réglementation, et les sociétés membres du même groupe (« CannTrust ») ont entamé une procédure afin de se placer sous la protection de la LACC. La procédure a été instruite à la suite d’inspections réalisées par Santé Canada dans les installations de CannTrust qui ont révélé que la société faisait pousser du cannabis dans des salles non autorisées, ce qui violait la législation fédérale. De nombreuses actions collectives en valeurs mobilières ont été engagées par la suite contre CannTrust et d’autres défendeurs, y compris l’auditeur de CannTrust, lesquelles reposaient sur des allégations de fausses déclarations dans les documents d’information publiés par CannTrust.
La procédure entamée par CannTrust en vertu de la LACC a mené à l’élaboration d’un plan d’arrangement (le « plan ») aux termes duquel CannTrust et l’ensemble de ses codéfendeurs, à l’exception de l’auditeur de la société, assumaient leurs responsabilités envers les demandeurs dans le cadre des actions collectives en valeurs mobilières. Le plan constituait, essentiellement, un règlement.
L’auditeur a contesté l’approbation du plan par le tribunal, notamment parce que le plan ne comprenait aucune disposition appropriée en matière de renonciation à la solidarité. Sans le plan proposé, l’auditeur pourrait être tenu solidairement responsable avec CannTrust et les autres défendeurs des dommages subis par les demandeurs dans le cadre des actions collectives (à supposer que la responsabilité de l’auditeur soit engagée, celui-ci niant toute responsabilité). Autrement dit, en première instance, l’auditeur pourrait être condamné à payer jusqu’à 100 % des dommages-intérêts réclamés par les demandeurs, peu importe la proportion des dommages effectivement associée à la gravité de la faute de l’auditeur. En revanche, sans le plan proposé, l’auditeur aurait la capacité de soumettre une demande de contribution et d’indemnisation contre CannTrust et d’autres défendeurs afin de récupérer la portion des dommages-intérêts qu’il pourrait avoir payé alors qu’elle représentait le degré de faute des autres défendeurs.
Or, le plan proposé stipulait que tout droit de l’auditeur de présenter une demande de contribution et d’indemnisation contre CannTrust ou d’autres codéfendeurs parties au règlement serait éteint, sans toutefois inclure une entente de type Pierringer. Une telle entente vise essentiellement à assurer qu’un codéfendeur non partie à un règlement convenu dans le cadre d’un litige multipartite puisse uniquement être tenu responsable envers un demandeur aux termes d’une « responsabilité solidaire », ce qui permet au codéfendeur non partie au règlement d’engager sa responsabilité uniquement à l’égard de la portion des dommages qui lui incombe. Une entente de type Pierringer empêche donc un demandeur de réclamer au défendeur non partie à un règlement le paiement de la portion des dommages-intérêts qui incombe aux codéfendeurs parties au règlement.
Le plan proposé prévoyait plutôt un mécanisme de réduction du jugement qui diminuerait la somme des dommages-intérêts éventuellement accordés aux demandeurs dans le cadre des actions collectives intentées contre l’auditeur d’un montant établi par le tribunal en se fondant sur la somme que l’auditeur aurait pu récupérer auprès de CannTrust aux termes d’une demande de contribution et d’indemnisation immédiatement avant la date de prise d’effet du plan. CannTrust a soutenu que le mécanisme de réduction du jugement plaçait l’auditeur dans une position neutre sur le plan économique, en veillant à ce que l’auditeur puisse tout de même profiter d’une réduction de la somme à payer en fonction du montant qu’il aurait pu récupérer auprès de CannTrust, en situation d’insolvabilité, immédiatement avant la date de prise d’effet du plan.
La CSJO a refusé d’approuver le plan parce qu’il n’était pas juste ou raisonnable envers l’auditeur en tant que défendeur non partie au règlement. En choisissant de s’entendre avec CannTrust, les demandeurs acceptaient le risque d’un règlement inadéquat. Faute d’une entente de type Pierringer, les demandeurs conservaient leur droit de poursuivre l’auditeur non partie au règlement pour le montant total de la réclamation, ce qui leur permettrait peut-être de recouvrer 100 % de leurs pertes, sans que l’auditeur n’ait par ailleurs la possibilité de soumettre une demande de contribution et d’indemnisation contre les défendeurs parties au règlement. Le mécanisme de réduction du jugement ne créait donc pas un équilibre entre les intérêts des parties prenantes, favorisant les intérêts des demandeurs par rapport à ceux de l’auditeur. La CSJO a précisé qu’une véritable entente de type Pierringer ne tient pas compte du montant du règlement et ne constitue en aucun cas un crédit en vue du règlement de la totalité de la responsabilité engagée. Elle a pour but de protéger le défendeur non partie au règlement en obtenant le consentement des demandeurs à considérer l’ensemble des défendeurs, qu’ils soient parties ou non au règlement, solidairement responsables dans le cadre de toute réclamation.
État :
La décision n’a pas fait l’objet d’une demande d’autorisation d’appel. Un plan d’arrangement révisé été approuvé dans le cadre de la procédure entamée par CannTrust en vertu de la LACC le 16 juillet 2021, lequel plan révisé comprenait une entente de type Pierringer attestant de la responsabilité solidaire de l’auditeur. CannTrust a mené à bien une opération de financement en mars et s’est libérée de la protection de ses créanciers en vertu de la LACC.
Points à retenir :
Une entende de type Pierringer est essentielle à tout plan d’arrangement lorsqu’une société débitrice tente de régler avec une partie, mais pas la totalité, des défendeurs dans le cadre d’un litige multipartite. Ce type d’entente garantit un équilibre approprié entre les intérêts des diverses parties prenantes et fournit une protection adéquate aux défendeurs non parties au règlement dans l’avenir.
Blakes représentait l’auditeur dans cette affaire.
ACCORDS DE FINANCEMENT DE LITIGE
JMX Contracting Inc. (Re), 2021 ONSC 5142
Date de la décision : 22 juillet 2021
Dans cette affaire, la CSJO devait examiner les circonstances dans lesquelles un tribunal devrait refuser d’approuver un accord de financement de litige.
En juillet 2018, JMX Contracting Inc. (« JMX ») a conclu un contrat (le « contrat de démolition ») avec Ontario Power Generation (« OPG ») en vue de la démolition de la centrale thermique de Lambton (le « projet »). En février 2020, OPG a avisé officiellement JMX que cette dernière manquait à ses obligations aux termes du contrat de démolition, ce que JMX a nié. En avril 2020, JMX et des sociétés apparentées ont déposé un avis d’intention de faire une proposition en vertu de la LFI et ont cessé tous les travaux dans le cadre du projet. La démarche de JMX en vertu de la LFI est ensuite devenue une procédure en vertu de la LACC.
Le contrat de démolition a été résilié par OPG le 30 septembre 2020, avec la permission du tribunal, sans incidence sur le point de vue de l’une ou l’autre des parties quant au manquement de JMX ou non. JMX a déposé une requête contre OPG en alléguant une violation du contrat, entre autres, et a enregistré un privilège de construction à l’égard du projet (l’« action relative au privilège »). Avec la permission du tribunal, OPG a présenté une demande reconventionnelle contre JMX dans le but de réclamer des dommages-intérêts pour manquement au contrat de démolition (avec l’« action relative au privilège », le « litige avec OPG »).
Dans le cadre de sa procédure en vertu de la LACC, JMX, et certaines sociétés apparentées, ont été vendues à un certain nombre d’actionnaires existants de JMX. L’opération a pris la forme d’une ordonnance de dévolution inversée afin de permettre à l’acquéreur de JMX et des sociétés apparentées de continuer à se prévaloir de certains avantages fiscaux et de subventions liées à la COVID-19. Le nouveau demandeur dans le cadre de la procédure en vertu de la LACC, une société à dénomination numérique (« ResidualCo») a acquis l’action relative au privilège et a pris en charge les obligations de JMX associées au projet.
ResidualCo n’avait aucun actif, outre ce qu’elle pourrait peut-être récupérer dans le cadre de l’action relative au privilège et d’un litige similaire visant un autre projet; par conséquent, pour faire valoir ses droits au titre de ces réclamations, il lui fallait recevoir du financement de litige. ResidualCo a proposé que ce financement soit fourni par l’entité issue de la reconstitution du capital de JMX aux termes d’un accord de financement. L’accord de financement stipulait expressément qu’il prendrait fin lorsqu’un tribunal ordonnerait le paiement d’une somme d’argent ou le versement d’une indemnité par JMX relativement à toute adjudication des dépens ou condamnation à des dommages dans le cadre du litige avec OPG.
La CSJO a établi un critère général à appliquer pour décider d’approuver ou non un accord de financement par des tiers [TRADUCTION] : « l’accord ne doit pas être un délit de champartie ou illégal, être juste et raisonnable, et faciliter l’accès à la justice, tout en protégeant les intérêts des défendeurs ». L’application du critère revient à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire qui demande de mettre en balance divers facteurs pour évaluer ce qui est juste et raisonnable dans chaque cas particulier. Les cinq facteurs suivants ont été définis par les tribunaux afin de déterminer si un accord de financement de litige devrait être approuvé dans le cadre d’une procédure en vertu de la LACC :
- l’accord de financement ne devrait pas amoindrir le droit du demandeur de donner des directives et de contrôler le litige;
- l’accord de financement ne devrait pas compromettre la relation avocat-client ni les devoirs de loyauté et de confidentialité de l’avocat;
- la rémunération aux termes de l’accord de financement doit être juste et raisonnable;
- le bailleur de fonds doit s’engager à protéger tout renseignement confidentiel ou privilégié;
- l’accord de financement doit être nécessaire pour que le demandeur ait accès à la justice.
Au moment d’évaluer si l’accord de financement était nécessaire (le cinquième critère susmentionné), la CSJO a conclu que ResidualCo n’avait pas réussi à prouver que l’approbation de l’accord de financement était nécessaire ni à prouver qu’elle n’était pas en mesure d’obtenir un autre financement qui inclurait le financement de toute adjudication des dépens défavorable susceptible de découler du litige avec OPG. Aucune preuve n’a été présentée démontrant que JMX ne serait pas en mesure de supporter toute adjudication de dépens défavorable, le cas échéant.
Les modalités de l’accord de financement ne créaient pas un équilibre satisfaisant entre l’intérêt de ResidualCo d’accéder à la justice et la protection des intérêts légitimes du défendeur, OPG. ResidualCo ne disposait d’aucun actif dont elle aurait pu se servir pour satisfaire toute adjudication de dépens défavorable dans le cadre du litige avec OPG, le cas échéant. La CSJO a conclu que l’exclusion de toute obligation de financer non seulement une ordonnance de cautionnement pour dépens, mais aussi toute adjudication de dépens défavorable, était abusive pour OPG en tant que défendeur. La seule justification d’une telle exclusion aurait été que ResidualCo était dépourvue de ressources, ce qui aurait signifié que l’accord de financement, tel qu’il était rédigé, constituait la seule source possible de financement de litige. La CSJO n’était pas convaincue qu’une autre source de financement pour les litiges ne pouvait être obtenue.
La CSJO a rejeté la requête de ResidualCo visant à faire approuver l’accord de financement.
État :
Aucune demande d’autorisation d’appel de cette décision n’a été présentée.
Points à retenir :
Les tribunaux ont établi un critère qu’ils appliquent en vue d’approuver ou non un accord de financement de litige. Dans ce cas particulier, il a été conclu que l’accord de financement de litige n’était pas juste et raisonnable, puisque, en général, ces accords doivent prévoir la satisfaction de toute adjudication de dépens défavorable.
Blakes a représenté OPG dans le cadre de cette affaire.
Restructuration de Fortress Global Enterprises Inc., 2021 QCCS 4613
Date de la décision : 1er novembre 2021
À la suite de la décision de la CSJO dans l’affaire JMX (dont il a été question précédemment), la Cour supérieure du Québec (la « CSQ ») a elle aussi examiné les circonstances dans lesquelles un tribunal devrait refuser d’approuver un accord de financement de litige.
Fortress Global Enterprises Inc. et certains membres du même groupe (« Fortress ») ont entamé une procédure en vertu de la LACC en 2019. Dans le cadre de cette procédure, Fortress a demandé au tribunal d’approuver un accord de financement de litige (l’« accord ») visant l’obtention du financement requis pour poursuivre une réclamation de 17 M$ CA qu’elle avait présentée avant la procédure de restructuration en vertu de la LACC. L’une des principales modalités de l’accord proposé stipulait que le financement serait assujetti à une charge de premier rang pour les frais associés au litige en faveur du bailleur de fonds et, ensuite, des avocats représentant Fortress dans le cadre du litige.
Le défendeur partie au litige a contesté l’approbation de l’accord, alléguant que ce dernier (i) accordait au bailleur de fonds un contrôle abusif dans le cadre de la procédure; (ii) interférait dans la relation entre Fortress et ses avocats; (iii) garantissait le paiement à Fortress des frais associés à un litige antérieur au dépôt, ce qui est contraire à la LACC; et (iv) ne garantissait pas le paiement de toute adjudication de dépens défavorable, si Fortress n’obtenait pas gain de cause dans le cadre du litige.
La CSQ a noté que, pour être approuvé, un accord de financement de litige doit servir les objectifs réparateurs généraux de la LACC, et a soulevé les considérations pertinentes suivantes : l’accord doit (i) faciliter considérablement l’accès à la justice; (ii) favoriser de façon significative l’atteinte des objectifs sous-jacents de la LACC; (iii) améliorer la perspective d’un plan d’arrangement viable en vertu de la LACC; (iv) garantir une obligation de paiement qui existait avant la présente ordonnance; (v) préserver la relation avocat-client; et (vi) protéger l’administration de la justice contre les abus.
La CSQ a conclu que les critères (i) et (ii) favorisaient l’approbation de l’accord. Dans le contexte de la procédure entamée par Fortress en vertu de la LACC, l’approbation de l’accord ne dépendait pas du fait qu’il améliorerait ou non la perspective d’un plan viable en vertu de la LACC. La CSQ a précisé que la présentation d’un plan d’arrangement viable dans le but que la société débitrice puisse continuer d’opérer n’est pas toujours l’objectif que la LACC vise à réaliser. Bien que la charge liée au financement du litige garantirait le paiement des frais du litige antérieur au dépôt, le seul créancier touché par la charge soutenait l’accord de financement de litige. Dans les circonstances, la CSQ a donc conclu qu’il serait illogique d’interdire l’approbation de l’accord au motif que le paiement des frais du litige antérieur au dépôt était garanti. Le quatrième facteur n’a pas été jugé problématique en l’espèce.
Les limites quant à l’obligation du bailleur de fonds de financer une éventuelle adjudication de dépens défavorable ont toutefois empêché l’approbation de l’accord. La CSQ a signalé que des considérations semblables avaient été soulevées dans la décision de la CSJO dans l’affaire JMX et que celles-ci devaient être prises en compte lors de l’examen d’un accord de financement de litige par des tiers dans le contexte de procédures d’insolvabilité.
Selon l’accord proposé, le bailleur de fonds n’était pas tenu de satisfaire toute adjudication de dépens défavorable relative aux frais engagés avant l’approbation de l’accord et après la résiliation de celui-ci. Dans cette affaire, le litige en question datait d’environ sept ans au moment où l’approbation de l’accord a été demandée et, par conséquent, une partie importante des frais susceptibles d’être assujettis à une adjudication de dépens défavorable contre Fortress ne serait pas visée par les modalités de l’accord. L’accord accordait par ailleurs au bailleur de fonds un pouvoir discrétionnaire lui permettant de résilier l’accord. La possibilité que l’accord soit résilié en prévision d’une adjudication de dépens défavorable, pour éviter de devoir payer la totalité des dépens, était préoccupante. Or, advenant une adjudication de dépens défavorable envers le défendeur, l’obligation du bailleur de fonds de payer les dépens ne serait aucunement altérée par l’insolvabilité de Fortress. La CSQ a conclu que cette asymétrie était inadmissible et a refusé d’approuver l’accord.
État :
Aucune demande d’autorisation d’appel de la cette décision n’a été présentée. La CSQ a par la suite rejeté une version modifiée de l’accord de financement de litige soumise pour approbation le 30 décembre 2021, parce que l’accord, et, du coup, l’obligation de financer une adjudication de dépens défavorable, pouvaient être résiliés sans préavis au défendeur. Le 11 février 2022, la CSQ a approuvé une nouvelle version de l’accord de financement de litige, laquelle répondait aux préoccupations soulevées par la CSQ concernant le financement d’une adjudication de dépens défavorable et la remise d’un préavis au défendeur.
Points à retenir :
Comme dans la décision de la CSJO dans l’affaire JMX, une disposition insuffisante à l’égard de la satisfaction d’une adjudication de dépens défavorable dans un accord de financement de litige peut faire échouer l’approbation de cet accord en raison du déséquilibre qu’elle crée entre les droits d’un demandeur insolvable et ceux d’un défendeur dans le cadre d’un litige.
COMPÉTENCE DU TRIBUNAL CHARGÉ D’APPLIQUER LA LACC
Arrangement relatif à Bloom Lake, 2021 QCCS 3402
Date de la décision : 12 août 2021
Dans cette affaire, la CSQ devait déterminer la compétence d’un tribunal chargé d’appliquer la LACC à entendre une requête visant la liquidation et la dissolution d’une entité solvable non débitrice.
Bloom Lake et certains membres du même groupe ont déposé une demande de protection en vertu de la LACC devant la CSQ en 2015. Twin Falls Power Corporation (« Twin Falls ») est une coentreprise constituée en société sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (« LCSA »), dans laquelle certains débiteurs visés par la LACC détenaient une participation minoritaire. Le siège social de Twin Falls est situé à Terre-Neuve-et-Labrador. Au moment de la requête, Twin Falls exerçait des activités depuis plus de 40 ans.
Pendant des années, avant et après le début de la procédure en vertu de la LACC, les débiteurs visés par la LACC ont demandé que les capitaux restants de Twin Falls soient distribués entre les actionnaires de Twin Falls. Les débiteurs visés par la LACC ont déposé une requête devant le tribunal chargé d’appliquer la LACC visant à faire délivrer une ordonnance qui, entre autres, forcerait la liquidation et la dissolution de Twin Falls et ordonnerait la distribution aux actionnaires, au pro rata, des capitaux restants de Twin Falls (la « requête en vertu de la LCSA »). Twin Falls et l’actionnaire majoritaire ont contesté la requête, faisant valoir que le tribunal chargé d’appliquer la LACC n’avait pas la compétence requise pour entendre la requête en vertu de la LCSA et rendre une décision sur celle-ci, puisque Twin Falls et l’actionnaire majoritaire tenaient leurs sièges sociaux respectifs à Terre-Neuve-et-Labrador et n’avaient aucun établissement ou autre bien au Québec. Ils ont également invoqué la doctrine du forum non conveniens pour faire valoir que le tribunal chargé d’appliquer la LACC devait refuser d’exercer sa compétence en faveur de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador, devant laquelle, en réponse à la requête en vertu de la LCSA, l’actionnaire majoritaire avait déposé une requête distincte pour que la liquidation et la dissolution de Twin Falls se fassent sous la surveillance du tribunal.
La CSQ, en sa qualité de tribunal chargé d’appliquer la LACC, a affirmé sa compétence pour entendre et trancher la requête en vertu de la LCSA en se fondant sur le fait que le tribunal chargé d’appliquer la LACC est un tribunal national. Dans l’ensemble du Canada, les tribunaux chargés d’appliquer la LACC s’appuient sur l’article 11 de la LACC pour [TRADUCTION] « rendre toute ordonnance qu’il estime indiquée » et sur l’article 42 de la LACC pour [TRADUCTION] « importer des recours d’autres régimes législatifs » afin de rendre des ordonnances comparables à celle demandée par les débiteurs visés par la LACC dans le cadre de la requête en vertu de la LCSA.
La CSQ a également souligné l’importance de maintenir la norme de contrôle unique établi par la CSC dans les procédures d’insolvabilité et a précisé que, lorsqu’elle entend des affaires en vertu de la LACC et doit mener à bien les objectifs d’une loi fédérale, la CSQ agit en tant que tribunal national dans les procédures associées au débiteur.
État :
Une demande d’autorisation d’appel a été déposée par l’actionnaire majoritaire, mais a été abandonnée à la suite d’un règlement conclu entre les parties qui a été approuvé par le tribunal chargé d’appliquer la LACC le 25 janvier 2022. Par conséquent, cette décision est maintenant finale.
Points à retenir :
Cette affaire est un exemple de l’exercice par un tribunal chargé d’appliquer la LACC de sa compétence nationale et de l’utilisation de son pouvoir discrétionnaire pour importer des recours d’autres régimes législatifs afin de prendre des mesures appropriées dans des procédures en vertu de la LACC conformément à la norme de contrôle unique.
AGISSEMENTS DE MAUVAISE FOI DANS LE CADRE DE PROCÉDURES EN VERTU DE LA LACC
Plan de transaction ou d’arrangement d’Abbey Resources Corp
Date de la décision : 13 août 2021
Dans cette affaire, la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan (la « CBRS ») s’est penchée, entre autres, sur la question de savoir si le tribunal pouvait refuser l’octroi d’une ordonnance initiale en vertu de la LACC demandée par une société débitrice ayant agi de mauvaise foi avant le dépôt de ladite demande.
Abbey Resources Corp. (« Abbey ») a déposé une demande d’ordonnance initiale en vertu de la LACC. Cette demande a été contestée par plusieurs parties, lesquelles soutenaient que Abbey n’avait pas agi de bonne foi, car : 1) elle savait au moment d’amorcer ses activités que ces dernières ne généreraient pas suffisamment de liquidités pour rembourser ses dettes à mesure qu’elles devenaient exigibles; et 2) dans sa demande initiale pour entamer des procédures en vertu de la LACC, elle avait omis de divulguer la vente discutable d’actifs d’exploitation à une société qui lui était liée. Par ailleurs, Abbey a annulé l’opération au bout du compte.
Dans l’affaire Century Services, la CSC avait déterminé que le débiteur devait avoir agi, et devait continuer d’agir, de bonne foi lorsqu’une ordonnance initiale lui est accordée. Bien que la CBRS ait déterminé que les agissements d’Abbey avant la demande, et dans le cadre de cette dernière, aurait possiblement comporté un élément de mauvaise foi, elle a conclu néanmoins que, par suite de l’évaluation de ce qui était dans l’intérêt de toutes les parties prenantes et dans l’intérêt d’éviter une liquidation, il existait des circonstances indiquées pour accorder une ordonnance initiale.
LA CBRS a noté qu’Abbey avait tenté de manière diligente de trouver des solutions à ses difficultés financières et qu’elle avait passé les trois années précédant ses procédures en vertu de la LACC à essayer de restructurer, de façon officieuse, ses dettes. Au moment de sa demande en vertu de la LACC, Abbey avait élaboré un plan de restructuration embryonnaire qui présentait des possibilités viables et s’était donc acquitté de son fardeau, comme l’exige la jurisprudence. Par conséquent, dans l’ensemble, les circonstances étaient indiquées pour le tribunal d’accorder l’ordonnance initiale.
État :
Aucune demande d’autorisation d’appel de cette décision n’a été déposée. Abbey poursuit ses efforts de restructuration en vertu de la LACC.
Points à retenir :
Bien qu’une société débitrice doive avoir fait preuve de bonne foi lorsqu’elle demande une ordonnance initiale, même si le tribunal détermine que ses agissements comporteraient un élément de mauvaise foi, les procédures en vertu de la LACC ne lui seront pas nécessairement interdites si le tribunal conclut qu’il existe des circonstances indiquées et qu’il est par ailleurs dans l’intérêt de toutes les parties prenantes d’accorder le redressement demandé.
ODI ET DROIT AU REMBOURSEMENT DES TAXES
Re 12463873 Canada Inc. 2021 ONSC 5895
Date de la décision : 3 septembre 2021
Dans cette affaire, la CSJO s’est penchée sur le droit au remboursement de la TVH dans le contexte d’une opération menée aux termes d’une ordonnance de dévolution inversée (« ODI ») en vertu de la LACC.
Au début de 2020, Green Relief Inc. (« Green Relief ») a entamé une procédure en vertu de la LACC. Le 9 novembre 2020, le tribunal a approuvé une ordonnance de dévolution inversée et une opération aux termes de laquelle l’acheteur est devenu le nouvel, et l’unique, actionnaire de Green Relief, tandis que tous les passifs de cette dernière ont été transférés à une société à numéro, 12463873 Canada Inc. (« 124 »). Les passifs pris en charge par 124 comprenaient notamment des montants de TVH non payés, datant d’avant la clôture de l’opération. À la clôture de cette dernière le 20 novembre 2020, Green Relief a émergé de la protection en vertu de la LACC, et son contrôleur est devenu celui de 124. Le contrôleur et 124 devaient ensuite poursuivre l’administration de la procédure de réclamation pour les réclamations visant désormais 124 en raison de l’ODI.
Après la clôture de l’opération, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a versé à 124 un remboursement pour des paiements de TVH effectués avant le 20 novembre 2020. Issue de sa restructuration, Green Relief soutenait que ce remboursement ne figurait pas au nombre des éléments d’actif exclus figurant dans la convention d’achat d’actions (la « convention ») et qu’il s’agissait d’un élément d’actif qu’elle devait conserver. Pour sa part, 124 soutenait que, selon son interprétation de la convention, ce remboursement devait lui revenir.
La CSJO a statué que l’interprétation juste de la convention donnait droit à 124 de conserver le remboursement de la TVH. Elle a noté par ailleurs que la convention devait être interprétée dans son intégralité, et non en ne considérant que des dispositions individuelles de façon isolée. De plus, son interprétation devait s’harmoniser avec les circonstances dont les parties avaient connaissance. Par contre, seule la preuve objective à l’égard du contexte factuel au moment de la signature de la convention devait être prise en compte par le tribunal.
Aux termes de la convention, Green Relief était responsable des passifs fiscaux jusqu’à la clôture de l’opération et, au moment de la clôture de l’opération, ces passifs devaient être transférés à 124. Il est pratique courante pour l’ARC et les entreprises d’opposer les paiements de la TVH aux remboursements de cette dernière, et de payer ou de rembourser, selon le cas, le montant net qui en résulte. La CSJO a déterminé qu’il était juste de considérer les remboursements et les passifs dans leur ensemble, de les opposer les uns aux autres, et de caractériser le résultat net comme un remboursement ou un passif. Selon les éléments de preuve, les parties semblent avoir traité le concept de la TVH à payer et celui des remboursements de la TVH comme un seul concept.
Par conséquent, 124 avait droit de conserver tout remboursement de la TVH lui ayant été versé par l’ARC pour toute transaction survenue avant le 20 novembre 2020.
État :
Cette décision n’a pas été portée en appel.
Points à retenir :
De façon générale, les paiements et les remboursements de la TVH sont traités comme un seul concept; un montant net étant soit versé au débiteur fiscal, à titre de paiement d’un montant dû, soit versé par le débiteur fiscal, à titre de remboursement. Comme ce fut le cas en l’espèce, lorsque les circonstances et les éléments de preuve indiquent que les parties ont traité les remboursements de la TVH et les montants dus au titre de cette dernière comme un seul concept, il convient de les traiter comme tels dans le contexte d’une vente.
OPTIONS CONCURRENTES DANS LE CADRE DE PROCÉDURES EN VERTU DE LA LACC
Port Capital Development (EV) Inc. v 1296371 BC Ltd., 2021 BCCA 382
Date de la décision : 8 octobre 2021
Dans cette affaire, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (la « CACB ») a annulé la décision discrétionnaire rendue par une juge chargée d’une procédure en vertu de la LACC, laquelle décision approuvait l’achat d’un projet d’aménagement. La CACB a approuvé plutôt une proposition conditionnelle de refinancement qui offrirait un meilleur résultat aux parties prenantes si elle devait être retenue. Ce faisant, la CACB a déterminé qu’il n’était pas nécessaire pour une restructuration proposée de comporter un plan d’arrangement soumis au vote des créanciers pour qu’un redressement soit considéré comme étant « indiqué » en vertu de la LACC.
En mai 2020, Port Capital Development (EV) inc. et Evergreen House Development Limited Partnership, les promoteurs d’un projet d’aménagement résidentiel et commercial de luxe nommé « Terrace House » situé à Vancouver, en Colombie-Britannique (les « promoteurs »), ont entamé des procédures en vertu de la LACC.
Un processus parallèle de vente et de sollicitation d’investissement a donné lieu à des offres concurrentes qui ont été présentées à la juge chargée de la procédure en vertu de la LACC. Ces offres comprenaient plusieurs offres proposées par des tiers visant l’acquisition du projet, ainsi qu’une proposition, assortie de plusieurs conditions, visant le refinancement du projet par le débiteur principal des promoteurs par l’intermédiaire d’une société à numéro (« FinanceCo »). La proposition de refinancement avait pour but d’obtenir le financement nécessaire pour mettre fin aux procédures en vertu de la LACC entamées par les promoteurs et terminer la construction de Terrace House. Si la proposition de refinancement devait être retenue, elle aboutirait à un résultat nettement supérieur pour les parties prenantes, y compris les acheteurs d’unités en prévente et les créanciers privilégiés.
En s’appuyant sur une décision antérieure de la CACB, soit Cliffs Over Maple Bay Investments Ltd. v Fisgard Capital Corp. ( « l'affaire Maple Bay »), la juge chargée de la procédure en vertu de la LACC a déterminé que la proposition de refinancement ne constituait pas un redressement indiqué en vertu de l’article 11 de la LACC, lequel octroie au tribunal un vaste pouvoir discrétionnaire pour rendre toute ordonnance qu’il estime indiquée dans les circonstances. Dans l’affaire Maple Bay, la CACB avait déterminé que, pour obtenir la suspension de procédures en vertu de la LACC, la société débitrice devait avoir l’intention de proposer un plan d’arrangement ou de transaction à ses créanciers. Dans la présente affaire, la juge chargée de la procédure en vertu de la LACC s’est appuyée sur cette décision pour déterminer que la proposition de refinancement ne constituait pas une utilisation avisée du pouvoir discrétionnaire conféré au tribunal par l’article 11 de la LACC, car rien ne semblait indiquer qu’un plan d’arrangement serait proposé ou que la proposition serait soumise au vote des créanciers. Elle a conclu que l’offre la plus élevée visant l’acquisition de Terrace House donnerait lieu aux meilleurs résultats pour les parties prenantes. Elle a ainsi approuvé cette offre.
FinanceCo a interjeté appel de la décision. En tenant compte de la nature dynamique des procédures en vertu de la LACC, la CACB a accepté de nouveaux éléments de preuve qui, entre autres, faisaient le point sur la tentative de FinanceCo de faire avancer la proposition de restructuration et reflétaient de meilleures perspectives de réussite.
La CACB a déterminé que l’importance accordée par la juge chargée de la procédure en vertu de la LACC à l’exigence selon laquelle la restructuration proposée devait prévoir un plan d’arrangement ou de transaction était contraire à l’évolution des solutions complexes et novatrices caractérisant actuellement les procédures en vertu de la LACC. Bien que la CACB n’ait pas infirmé la décision rendue dans l’affaire Maple Bay, elle a néanmoins suggéré que l’importance qu’accorde cette décision à ce que la proposition de restructuration soit soumise au vote des créanciers et qu’elle comporte une transaction visant les créances pourrait être dépassée.
La CACB a statué que la juge chargée de la procédure en vertu de la LACC avait commis une erreur dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 11 de la LACC. Elle a infirmé sa décision et a approuvé la proposition de refinancement soumise par FinanceCo.
État :
La demande d’autorisation d’appel de cette décision n’a été déposée. La clôture de l’opération de refinancement proposée par FinanceCo a eu lieu le 28 octobre 2021.
Points à retenir :
Au moment d’évaluer la nature indiquée des redressements demandés dans le cadre de certaines affaires relevant de la LACC, le fait qu’un plan d’arrangement soit envisagé peut être pertinent, comme c’était le cas dans l’affaire Maple Bay; cependant, les objectifs de la LACC peuvent être réalisés par divers moyens. Le plan d’arrangement figure au nombre de ces moyens, mais il ne s’agit pas d’une condition préalable essentielle dans toutes les circonstances où un tribunal chargé de l’application de la LACC examine une proposition de restructuration. La nature indiquée d’une proposition en vertu de la LACC est évaluée en déterminant si le redressement demandé permet la réalisation des objectifs de la LACC. Dans cette affaire, la CACB a indiqué une préférence pour un redressement en vertu de la LACC qui, dans son ensemble, conférait le meilleur résultat aux parties prenantes, et ce, même si un plan d’arrangement officiel et le vote des créanciers n’y étaient pas prévus.
COMPENSATION PRÉ-POST
Arrangement relatif à Bloom Lake, 2021 QCCS 4642
Date de la décision : 8 novembre 2021
Dans cette affaire, la CSQ s’est penchée sur la question des remboursements de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») fédérale et de la taxe de vente du Québec (la « TVQ ») réclamés par un débiteur en vertu de la LACC au titre de paiements effectués à certains fournisseurs à l’égard de leurs réclamations pour dommages découlant de la résiliation de leurs contrats. La CSQ devait déterminer si de tels remboursements pouvaient faire l’objet d’une compensation contre les montants qui étaient dus par ce débiteur pour ces mêmes taxes et qui étaient antérieurs au dépôt de la demande de l’ordonnance initiale en vertu de la LACC (le « dépôt de la demande »).
Comme nous en avons discuté dans une section précédente, Bloom Lake et certains membres de son groupe (ensemble, « Bloom Lake ») ont déposé une demande auprès de la CSQ pour se placer sous la protection de la LACC en 2015. En 2018, un plan d’arrangement (le « plan ») a été homologué par la CSQ. Aux termes de ce plan, le produit net réalisé par les débiteurs devait être distribué aux créanciers de ces derniers.
Conformément au plan, le contrôleur a effectué ses premières distributions intérimaires aux créanciers non garantis, y compris quatre créanciers ayant fait des réclamations pour dommages découlant de la résiliation des contrats qu’ils avaient conclus avec Bloom Lake avant le dépôt de la demande. En vertu de règles déterminatives prévues à la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») et de la Loi sur la taxe de vente du Québec (la « LTVQ »), les paiements pour dommages sont réputés être des contreparties de la fourniture taxable d’un service, et la TPS et la TVQ sont réputées être comprises dans le montant payé par le débiteur et perçues par les fournisseurs au moment où les paiements pour dommages sont effectués aux fournisseurs. Comme le prévoient la LTA et la LTVQ, pour récupérer la TPS et la TVQ qui sont réputées avoir été payées par le débiteur, ce dernier a demandé des crédits et des remboursements de taxe sur les intrants à l’égard des paiements (les « CTI relatifs aux paiements pour dommages »).
Revenu Québec (« RQ »), agissant pour son compte et à titre de responsable de l’administration de la TPS pour le compte de l’ARC, a cherché à compenser les CTI relatifs aux paiements pour dommages contre les réclamations de RQ et de l’ARC visant le débiteur qui étaient antérieures au dépôt de la demande et qui portaient sur les montants de la TPS et de la TVQ non payés. Le contrôleur a ensuite présenté une motion en vue d’obtenir des conseils et des directives, afin que le tribunal puisse déterminer la validité de la prétendue compensation.
Le contrôleur et le débiteur ont soutenu que les CTI relatifs aux paiements pour dommages étaient des réclamations postérieures au dépôt de la demande, notamment car le droit du débiteur de réclamer lesdits CTI ne prenait naissance, et les paiements connexes ne devenaient exigibles, qu’après le paiement réel par le débiteur aux fournisseurs concernés aux termes du plan. Selon eux, le libellé sans ambiguïté des dispositions pertinentes de la LAT et de la LTVQ suffisait à trancher la question. Ils soutenaient également que, selon la jurisprudence (y compris la décision de la Cour d’appel du Québec (« CAQ ») dans l’affaire Métaux Kitco inc. c. Agence du revenu du Québec (l’« affaire Kitco »)), la compensation pré-post ne devrait pas être permise en vertu de la LACC, car cela contreviendrait au principe de pari passu applicable aux créanciers garantis (c’est-dire que ces derniers et les autres créanciers sont de même rang).
Selon RQ, la compensation pré-post devait être permise compte tenu du lien très étroit et direct entre les paiements effectués qui ont généré les CTI relatifs aux paiements pour dommages et les contrats antérieurs à la demande qui avaient été résiliés, et étant donné que les réclamations pour dommages découlant de la résiliation d’un contrat sont considérées, aux termes de la LACC, comme des réclamations prouvables dans un plan en vertu de cette dernière. RQ a également fait valoir que le principe énoncé par la CAQ dans l’affaire Kitco ne s’appliquait qu’aux procédures de restructuration en vertu de la LACC, et non aux procédures de liquidation en vertu de la LACC, ce que RQ affirmait être le cas dans la présente affaire.
La CSQ a déterminé que les CTI relatifs aux paiements pour dommages constituaient des réclamations postérieures au dépôt de la demande ne pouvant faire l’objet d’une compensation contre des réclamations de RQ qui étaient antérieures au dépôt de la demande. Se rangeant du côté du contrôleur et du débiteur, elle a statué que le libellé clair des dispositions pertinentes de la LTA et de la LTVQ permettait de trancher la question. Elle a également statué que la position de RQ, si elle devait être acceptée, irait à l’encontre des objectifs fondamentaux du droit de l’insolvabilité et du principe de pari passu. Ainsi, dans cette affaire, la CSQ a conclu qu’il serait inapproprié d’utiliser le pouvoir discrétionnaire conféré par l’article 11 de la LACC à un juge chargé d’une procédure en vertu de la LACC pour permettre une compensation pré-post.
La CSQ a rejeté l’argument de RQ selon lequel la restriction sur la compensation pré-post formulée dans l’affaire Kitco ne s’appliquait qu’aux procédures de restructuration en vertu de la LACC. Elle a conclu qu’il n’existait aucune raison valable de fait ou de droit d’autoriser la compensation pré-post en l’espèce.
Depuis que cette décision a été rendue, la CSC a elle-même rendu une décision en matière de compensation pré-post dans l’affaire Montréal (Ville) c. Restructuration Deloitte Inc. (voir ci-après).
État :
La demande d’autorisation d’appel de cette décision a été accueillie le 3 décembre 2021.
Points à retenir:
Aux termes de cette décision, les demandes de remboursement de la TPS et de la TVQ faites par un débiteur au titre de paiements pour dommages découlant de la résiliation de contrats conclus avant le dépôt d’une demande d’ordonnance initiale en vertu de la LACC constituent des demandes postérieures au dépôt de ladite demande. Ces demandes ne peuvent faire l’objet d’une compensation contre des réclamations antérieures au dépôt de la demande qui sont faites par les autorités fiscales. Cette décision fait l'objet d'un appel.
Montréal (Ville) c. Restructuration Deloitte Inc., 2021 CSC 53
Date de la décision : 10 décembre 2021
Le 10 décembre 2021, la CSC a rendu une décision qui fournit des éclaircissements d’envergure nationale sur le vaste pouvoir discrétionnaire dont dispose un tribunal chargé de l’application de la LACC relativement à la réalisation des objectifs réparateurs de cette dernière pour suspendre le droit d’opérer compensation pré-post (soit une compensation entre des dettes nées avant et après l’émission d’une ordonnance initiale) en vertu du droit civil et de la common law. Selon la CSC, ce pouvoir discrétionnaire devrait s’appliquer dans la très vaste majorité des cas. Dans sa décision, la CSC tempère ainsi celle rendue par la CAQ dans l’affaire Agence de revenu du Québec c. Métaux Kitco inc. (l’« arrêt Kitco »), laquelle interdisait de façon absolue la compensation pré-post dans le cadre de procédures en vertu de la LACC.
Cette décision a été rendue dans le contexte des procédures en vertu de la LACC entamées par une société de génie-conseil débitrice et les membres de son groupe (« Groupe SM ») qui avaient participé à une fraude alléguée visant des contrats publics. Le créancier, la Ville de Montréal (la « Ville »), avait continué de recevoir des services de Groupe SM après l’émission d’une ordonnance initiale assujettissant ce dernier aux dites procédures. La Ville avait ensuite invoqué son droit d’opérer compensation entre ce qu’elle devait à Groupe SM pour ces travaux et deux créances, nées avant l’ordonnance initiale, qu’elle prétendait détenir contre celui-ci.
En réponse à la Ville qui souhaitait invoquer son droit d’opérer compensation pré-post, ce qui aurait empêché Groupe SM d’être payé pour les services rendus à la Ville après l’émission de l’ordonnance initiale, le contrôleur a demandé un jugement déclaratoire portant que les sommes dues à Groupe SM par la Ville ne pouvaient faire l’objet de compensation.
La juge surveillante et la CAQ ont accueilli la demande du contrôleur en fondant leur décision sur les principes énoncés dans l’arrêt Kitco. La Ville a interjeté appel de ces décisions auprès de la CSC.
Dans sa décision, la CSC a qualifié de « caractéristique fondamentale » et de véritable « moteur » du régime législatif le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges surveillants de rendre des ordonnances pour « mener à bon port la restructuration et atteindre les objectifs de la LACC ». Plus précisément, elle a conclu qu’aux termes des articles 11 et 11.02 de la LACC, lesquels établissent le pouvoir de suspension de procédures judiciaires en vertu de cette dernière, les juges surveillants peuvent suspendre les droits reconnus aux créanciers si l’exercice de tels droits est susceptible de mettre en péril le processus de restructuration.
La CSC a rejeté toutefois l’interdiction absolue à l’égard de la compensation pré-post prévue à l’arrêt Kitco. Elle a conclu plutôt que le tribunal chargé de l’application de la LACC a l’autorité de suspendre l’exercice du droit à la compensation pré-post, mais qu’il possède également le pouvoir discrétionnaire d’autoriser une telle compensation dans de rares circonstances, et ce, dans le but de la réalisation des objectifs réparateurs de la LACC. La CSC a noté cependant que dans la majorité des procédures en vertu de la LACC, le droit d’exercer compensation pré-post devrait être suspendu. Pour aider les juges surveillants à déterminer s’il y a lieu d’exercer leur pouvoir discrétionnaire pour autoriser une compensation pré-post, la CSC a formulé trois considérations de base : (1) l’opportunité de l’ordonnance sollicitée; (2) la diligence; et (3) la bonne foi du demandeur.
Par suite de l’application de ces considérations aux circonstances de la présente affaire, la majorité des juges de la CSC a conclu qu’il ne serait pas approprié en l’espèce de permettre la compensation pré-post.
Par surcroît, la CSC a abordé spécifiquement l’article 21 de la LACC, lequel protège les droits à la compensation, en statuant qu’il s’applique uniquement à la compensation pré-pré. L'article 21 n’autorise pas la compensation pré-post sans pour autant l’interdire non plus. Par conséquent, un juge surveillant conserve le pouvoir discrétionnaire de suspendre ou d’autoriser l’exercice du droit à la compensation pré-post.
Points à retenir :
La CSC a fourni des éclaircissements en confirmant le pouvoir discrétionnaire dont dispose un tribunal chargé de l’application de la LACC pour suspendre le droit d’exercer compensation pré-post. Elle a toutefois noté que le tribunal doit généralement exercer son pouvoir discrétionnaire pour suspendre ce droit et, dans des circonstances exceptionnelles uniquement, refuser de le suspendre.
Pour en savoir davantage, veuillez consulter notre Bulletin Blakes de juin 2021 intitulé La CSC confirme la discrétion du tribunal de suspendre le droit d’exercer compensation pré-post en vertu de la LACC.
MISE À JOUR DE NOTRE RAPPORT DE 2020 SUR LA JURISPRUDENCE EN MATIÈRE D’INSOLVABILITÉ
TRAITEMENT ET RÉSILIATION DES CONTRATS FINANCIERS ADMISSIBLES
Bellatrix Exploration Ltd (Re), 2021 ABCA 85 et 2021 ABCA 148
Date des des décisions : 5 mars 2021 et 29 avril 2021
Un producteur énergétique (le « Producteur ») a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision rendue par la juge Romaine de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta (la « CBRA »), laquelle avait rejeté certains arguments du producteur concernant la validité de la résiliation de son contrat avec Bellatrix Exploration Ltd. (« Bellatrix ») dans le cadre des procédures entamées en vertu de la LACC par cette dernière. Le contrat en question portait sur l’achat et la vente de gaz naturel (le « contrat »). Bellatrix cherchait à faire résilier le contrat et à faire cesser la livraison de gaz naturel au Producteur. Quant à lui, le Producteur soutenait que le préavis de résiliation état invalide, car le contrat constituait un contrat financier admissible (un « CFA ») en vertu de la LACC et que, aux termes du paragraphe 32(9) de la LACC, une société débitrice ne peut résilier un contrat qui est un CFA.
Les deux parties ont reconnu que le contrat était un CFA. Ceoendant, Bellatrix a fait valoir que la CBRA devait appliquer le critère des « résultats équitables » à la résiliation du contrat, pour déclarer que même si, de par sa forme, le contrat était un CFA, elle refuserait de le qualifier ainsi si cela devait produire des résultats inéquitables. La CBRA a statué que le contrat était un CFA et donc à l’abri d’une résiliation. Bien que le principe de l’équité puisse entrer en ligne de compte dans l’analyse servant à répondre à la question déterminante, à savoir si le contrat en cause correspond à un CFA, si un contrat répond manifestement à la définition d’un CFA, un tribunal ne peut pas déclarer qu’il ne l’est pas sur la base de l’équité.
La demande d’autorisation d’appel de cette décision de la CBRA a été accueillie le 1er mai 2020. Cependant, la CAA a déterminé que l’appel de cette décision était sans objet, en raison de la décision qu’elle avait rendue dans l’affaire 2021 ABCA 85 (voir ci-après) et de la détermination selon laquelle les réclamations du Producteur n’avaient pas priorité sur celles du créancier garanti de Bellatrix; ainsi, le Producteur ne recevrait pas de distributions faites aux créanciers, peu importe que le contrat soit un CFA ou non, et qu’il puisse être résilié ou non.
Comme nous l’avions indiqué dans notre Bulletin Blakes de 2021, à la suite de la détermination de la CBRA selon laquelle Bellatrix ne pouvait résilier le contrat, Bellatrix a cessé la livraison de gaz naturel prévue par ce dernier. Selon le Producteur, ce manquement à l’égard des modalités du contrat constituait une violation postérieure à la demande d’ordonnance initiale de Bellatrix. Le Producteur soutenait qu’il était un créancier ayant accepté de fournir des services ou d’avancer des fonds à la société débitrice après le dépôt de ladite demande par cette dernière pour lui permettre de poursuivre ses activités et, par conséquent, qu’il avait le droit d’être payé en priorité par rapport au créancier garanti de Bellatrix.
Le tribunal de première instance a conclu que la LACC n’oblige pas un débiteur à continuer d’exécuter un CFA qui n’a pas été résilié, et qu’elle n’accorde aucune priorité de réclamation à une contrepartie. La protection supplémentaire conférée aux contreparties d’un CFA est telle qu’une telle contrepartie peut résilier le CFA et figer sa perte qui en résulterait, malgré les dispositions de la LACC en matière de suspension des procédures.
La CBRA a rejeté l’appel, déterminant qu’il était sans fondement et qu’il retarderait inutilement la distribution des sommes d’argent dues aux créanciers de Bellatrix, car la réclamation était vouée à l’échec.
État :
Les décisions susmentionnées n’ont pas été portées en appel devant la CSC.
Points à retenir :
Lorsqu'un contrat répond clairement à la définition d’un CFA, un tribunal n’a pas le pouvoir de qualifier le contrat autrement afin d’en permettre la résiliation en invoquant le principe de l’équité. Lorsqu'un débiteur insolvable ne peut résilier un CFA, mais qu’il cesse néanmoins de s’acquitter de ses obligations prévues à ce CFA, la contrepartie solvable ne peut forcer l’exécution du contrat et n’a pas droit à un traitement prioritaire par rapport aux autres créanciers. Elle peut résilier le CFA, figer ses pertes et faire une réclamation à titre de créancier non garanti pour les dommages encourus.
RÉSILIATION PARTIELLE D’UN CONTRAT
Yukon (Government of) v. Yukon Zinc, 2021 YKCA 2
Date de la décision : 5 mars 2021
Dans cette affaire, l’appel de la décision de première instance a été entendu par la Cour d’appel du Yukon (la « CAY ») dans le cadre de l’appel de quatre décisions découlant de la mise sous séquestre de Yukon Zinc.
La société minière Yukon Zinc était partie à un contrat-cadre de location qui visait environ 570 éléments. Le séquestre de Yukon Zinc a déterminé que seulement 79 de ces éléments étaient requis pour poursuivre l’entretien et la maintenance nécessaires de la mine ainsi que les activités d’assainissement environnemental de celle-ci. Ainsi, le séquestre a demandé la résiliation des sections du contrat-cadre de location qui portaient sur les éléments non essentiels. Le ocontractant a soutenu que le séquestre devait faire un choix entre l’annulation ou le maintien du contrat dans son ensemble; selon lui, la résiliation partielle dudit contrat n’était pas permise par la loi.
Le tribunal de première instance a statué que, bien que ce soit rare, le tribunal peut habiliter le séquestre à continuer d’utiliser certains éléments nécessaires à l’entretien, à la maintenance et à l’assainissement de la mine conformément au pouvoir discrétionnaire conféré par la loi au paragraphe 243(1)c) de la LFI et l’article 26 de la Loi sur l’organisation judiciaire du Yukon, tout en permettant également la résiliation du reste du contrat-cadre de location.
Le cocontractant a interjeté appel de la décision de première instance et a demandé l’émission d’une ordonnance aux termes de laquelle le préavis de résiliation serait annulé. Selon le cocontractant, le séquestre avait confirmé la validité du contrat-cadre et devait donc payer la totalité des paiements prévus au contrat-cadre à compter de la date de sa nomination.
Dans sa décision, la CAY a souligné que le juge de première instance n’avait pas, en fait, autorisé la résiliation partielle du contrat-cadre. Le séquestre avait été autorisé plutôt à résilier entièrement le contrat-cadre et à continuer d’utiliser certains éléments essentiels, nonobstant la résiliation.
La CAY s’est dite en désaccord avec la conclusion du tribunal de première instance; selon elle, la législation ayant trait aux biens ne permet pas à une personne d’exproprier ou de s’approprier à ses propres fins les biens d’une autre personne à moins que ce soit autorisé par une loi. Larticle 243 de la LFI ne confère pas aux tribunaux l’autorité d’habiliter un séquestre à prendre des décisions unilatérales sur l’utilisation des biens d’un tiers. Pour ce faire, la LFI devrait contenir un libellé précis à cet effet.
La CAY a statué que la prétendue appropriation par le séquestre dans le préavis de résiliation du droit d’utiliser certains éléments essentiels loués était nulle et sans effet. Cependant, elle n’a pas ordonné le séquestre à verser au cocontractant toutes les sommes dues à cette dernière aux termes du contrat-cadre depuis la nomination du séquestre.
État :
Le cocontractant a interjeté appel de la décision de la CAY devant la CSC, au motif que la CAY n’avait pas ordonné au séquestre de payer les sommes dues au cocontractant depuis la nomination du séquestre. La demande d’autorisation d’appel a été rejetée le 4 novembre 2021.
Points à retenir:
La LFI n’habilite pas les tribunaux à supplanter les lois générales ayant trait aux biens et à obliger une partie à vendre ou à louer ses biens à une autre partie, ou à l’obliger à donner à une autre partie le droit d’utiliser ses biens. La résiliation d’un contrat demeure un choix binaire : soit la résiliation dudit contrat, soit son maintien en vigueur; or, dans un cas comme dans l’autre, l’opération doit porter sur le contrat dans son intégralité.
NOMINATION D’UN SÉQUESTRE EN VERTU DE L’ARTICLE 243 DE LA LFI ET INTERACTION DE CELLE-CI AVEC LE CODE CIVIL DU QUÉBEC
Séquestre de Media5 Corporation, 2020 QCCA 943
Dans cette affaire, la CAQ a statué que le recours prévu en vue de nommer un séquestre aux termes de la LFI peut être exercé à l’égard de biens se trouvant uniquement au Québec. Cependant, avant de demander une telle nomination, un créancier garanti doit respecter les exigences en matière de préavis qui sont prévues par la LFI et le Code civil du Québec. Cela signifie que les exigences en matière de préavis relatives à la nomination d’un séquestre aux termes de la LFI ne sont pas uniformes entre le Québec et les provinces de common law.
La demande d’autorisation d’appel de cette décision devant la CSC a été rejetée le 1er avril 2021, sans motif.
UN TRIBUNAL CONFIRME L’AUTONOMIE DES LETTRES DE CRÉDIT ET JUGE QU’UN LOCATEUR PEUT Y PRÉLEVER LE PLEIN MONTANT DE LA CRÉANCE
Re 7636156 Canada Inc, 2020 ONCA 681
Dans cette affaire, la CAO a statué que les obligations incombant à un émetteur d’honorer un prélèvement sur une lettre de crédit constituent des obligations indépendantes de tiers qui ne sont pas touchées par la résiliation d’un bail par un syndic de faillite. Dans le cadre d’une faillite, les réclamations d’un locateur sont limitées, mais la réclamation d’un locateur en raison d’un préjudice pour la période restant à courir d’un bail n’est pas limitée en ce qui concerne l’application d’une lettre de crédit.
La demande d’autorisation d’appel de cette décision devant la CSC a été rejetée le 22 avril 2021, sans motif.
ORDONNANCES DE DÉVOLUTION INVERSÉE
Arrangement relatif à Nemaska Lithium inc., 2020 QCCA 1488
Dans cette affaire, deux actionnaires, dont l’un était également créancier, se sont opposés à l’approbation d’une ODI sur plusieurs motifs, notamment le fait que le tribunal n’avait pas la compétence d’émettre une ordonnance de dévolution autrement que pour la vente ou la cession d’actifs, et qu’il était impossible, en vertu de la LACC, pour les sociétés débitrices d’émerger de la protection en vertu de la LACC en dehors du cadre d’un plan d’arrangement. Le juge chargé de la procédure en vertu de la LACC a autorisé l’ODI, en faisant valoir l’objectif et l’efficacité de l’ODI en ce qui a trait au maintien des activités des sociétés débitrices, les objectifs réparateurs des lois canadiennes sur l’insolvabilité, ainsi que le vaste pouvoir discrétionnaire du juge surveillant.
La CAQ a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision rendue par le juge chargé de la procédure en vertu de la LACC. Elle a noté que même si l’opération visée par l’ODI avait été soumise au vote des créanciers sous la forme d’un plan de transaction ou d’arrangement, les créanciers qui s’y opposaient n’auraient pu déterminer l’issu du vote. La CAQ a souligné également qu’un appel pourrait nuire à l’évolution de la procédure en vertu de la LACC.
La demande d’autorisation d’appel de cette décision devant la CSC a été rejetée le 29 avril 2021, sans motif.
PRIORITÉ DES CHARGES DE DÉBITEUR-EXPLOITANT
Canada v. Canada North Group Inc., 2021 CSC 30
Date de la décision : 28 juillet 2021
Dans cette affaire, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta (la « CBRA ») s’est penchée sur la question de savoir si un tribunal chargé de l’application de la LACC pouvait ordonner que des charges, telles que les charges de financement ou d’administration d’un débiteur-exploitant, aient priorité sur les fiducies réputées établies par la loi en faveur de la Couronne (en l’espèce, l’ARC) pour les retenues à la source non versées. La CBRA a déterminé qu’un tel tribunal disposait de cette autorité. La CAA a confirmé la décision du tribunal d’instance inférieure.
À raison de 5 contre 4, la majorité des juges de la CSC a rejeté l’appel de l’ARC et a confirmé la décision rendue par la CAA, en statuant qu’un tribunal chargé de l’application de la LACC a compétence pour accorder des charges super prioritaires et subordonner des fiducies réputées à d’autres charges lorsque cela est nécessaire à la réalisation des objectifs généraux et réparateurs de la LACC.
La CSC a identifié certaines circonstances et certains principes qui guident la détermination à savoir s’il est nécessaire de subordonner à d’autres charges une fiducie réputée créée par la loi à l’égard des retenues à la source non versées :
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Si le juge surveillant estime que, sans la charge super prioritaire, un professionnel ou un prêteur donné refuserait de s’engager, il serait alors nécessaire, de façon générale, de subordonner la fiducie réputée à d’autres charges
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Les probabilités de succès d’une restructuration et la question de savoir si la LACC est susceptible d’être invoquée pour liquider les actifs du débiteur doivent être prises en considération.
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Les montants relatifs du financement du débiteur-exploitant et des retenues à la source non versées doivent également être pris en considération.
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La question de savoir si, et pendant combien de temps, la Couronne a permis le non-versement des retenues à la source sans prendre de mesures doit aussi être prise en compte.
Points à retenir :
Cette décision vient rassurer les prêteurs et autres parties souhaitant faire passer des charges super prioritaires ordonnées par un tribunal en leur faveur devant d’autres créances : les tribunaux ont la compétence d’ordonner que de telles charges aient priorité sur les fiducies réputées en faveur de la Couronne à l’égard des retenues à la source non versées.
DISTRIBUTIONS AUX CRÉANCIERS D’UN PRODUIT DE VENTE FAISANT L’OBJET D’UNE FIDUCIE RÉPUTÉE EN VERTU DE LA LTA (CANADA)
Canada v. Toronto-Dominion Bank, 2020 CAF 80
La Cour d’appel fédérale (la « CAF ») a déterminé que, dans un contexte autre que celui d’une faillite, lorsqu’une banque prête de l’argent à un débiteur ayant des dettes au titre de la TVH/TPS et obtient une garantie, conformément au libellé spécifique de la LTA, les biens du débiteur, jusqu’à concurrence de la dette fiscale, sont déjà réputés être des biens dans lesquels la Couronne a un droit de bénéficiaire. Par conséquent, les créanciers garantis seront tenus de rembourser un montant d’argent équivalant à la somme reçue qui faisait l’objet d’une fiducie réputée existante à l’égard de la TVH/TPS, si l’ARC en fait la demande. Cette obligation ne s’applique pas aux créanciers non garantis qui reçoivent des paiements d’un débiteur dans le cours normal de leurs activités et qui ne sont pas assujettis au libellé de la loi susmentionnée.
La demande d’autorisation d’appel de cette décision devant la CSC a été rejetée le 14 octobre 2021.
Pour en savoir davantage, communiquez avec :
Sébastien Guy 514-982-4020
Cristina Cataldo 514-982-6312
Pamela Huff 416-863-2958
Linc Rogers 416-863-4168
Caitlin McIntyre 416-863-4174
ou un autre membre de notre groupe Restructuration et insolvabilité.
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