Le 11 décembre dernier, le projet de loi n° 68, Loi visant principalement à permettre l’établissement de régimes de retraite à prestations cibles (la « Loi 68 »), a été adopté par l’Assemblée nationale avec certaines modifications par rapport au texte initial proposé et est entré en vigueur à la même date.
La Loi 68 vise à offrir une option d’épargne supplémentaire en vue de la retraite aux travailleurs et aux travailleuses du Québec, en ouvrant la voie à la mise en place d’un nouveau type de régime de retraite appelé « régime de retraite à prestations cibles » (« RRPC »). Comme l’a indiqué le ministre Girard lors de l’adoption du projet de loi, le RRPC est un régime mitoyen entre le régime à prestations déterminées et le régime à cotisations déterminées. En effet, à l’instar d’un régime à cotisations déterminées, la cotisation patronale dans un RRPC est limitée à celle stipulée au régime, et les risques associés à la longévité et au rendement de l’épargne sont assumés par les travailleurs et les retraités. D’autre part, tout comme un régime à prestations déterminées, le RRPC offre un certain niveau de prestations à ses participants, à la différence que celles-ci peuvent être réduites en fonction de la situation financière du régime.
CARACTÉRISTIQUES DU NOUVEAU TYPE DE RÉGIME DE RETRAITE À PRESTATIONS CIBLES
Depuis le 11 décembre 2020, il est donc possible pour les employeurs, travailleurs et syndicats québécois d’établir un RRPC comportant les caractéristiques suivantes :
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les engagements du régime sont à la charge des participants et bénéficiaires du régime;
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la cotisation patronale se limite à celle stipulée au régime;
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le régime détermine la cible des prestations en fonction de laquelle est établie la cotisation d’exercice;
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la rente normale, de même que toute prestation prévue par le régime peut être réduite en raison d’une insuffisance des cotisations;
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sauf exception, seuls les participants et bénéficiaires ont droit à l’excédent d’actif; et
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le régime ne peut pas être modifié ni terminé, directement ou indirectement, de façon unilatérale par l’employeur qui y est partie.
Soulignons qu’une modification a été apportée au projet de loi initial afin de prévoir qu’un RRPC ne pourra être établi que si les travailleurs admissibles consentent aux obligations qui leur incombent en vertu du RRPC. Pour les travailleurs représentés par une association accréditée, ce consentement pourra être donné par leur syndicat. Quant aux travailleurs qui ne sont pas représentés par un syndicat, leur consentement sera réputé obtenu si moins de 30 % des travailleurs admissibles au RRPC s’opposent à l’établissement du régime. L’obtention du consentement des travailleurs admissibles au RRPC ou de leur association accréditée, selon le cas, sera également requise en cas de modification au régime ayant pour effet d’augmenter les cotisations des participants, sous réserve de certaines exceptions prévues au projet de loi.
Également, le texte final de la Loi 68 précise que l’enregistrement du RRPC auprès de Retraite Québec devra être présenté par le comité de retraite ou, à défaut, par celui qui établit le régime.
DISPOSITIONS INTERDITES
La Loi 68 prévoit également que certaines dispositions sont interdites dans un RRPC. Ainsi, un RRPC ne peut comporter des dispositions :
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établissant que la rémunération utilisée aux fins du calcul de la rente du participant correspond à la moyenne de ses dernières rémunérations ou qu’elle correspond à la moyenne de ses rémunérations les plus élevées pendant un nombre défini d’années;
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accordant des prestations conditionnelles à la terminaison de régime;
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accordant des avantages de retraite anticipée qui dépendent du nombre d’années de travail ou de services reconnus du participant.
Selon le texte initial du projet de loi, un RRPC ne pouvait comporter de disposition prévoyant l’augmentation périodique de la rente du participant après retraite en fonction d’un indice ou taux prévu au régime. Or, selon les modifications apportées au texte de loi, il sera possible de permettre l’indexation des rentes après retraite, mais uniquement en fonction d’un taux fixe prévu au régime.
RÈGLES DE FINANCEMENT
Quant aux règles de financement des RRPC, elles se résument ainsi :
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la cotisation d’exercice doit être établie en fonction de la cible des prestations ;
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le passif du régime doit être égal à la valeur des engagements nés du régime compte tenu des services reconnus aux participants, lesquels sont établis en tenant compte des ajustements des prestations par rapport à la cible qui résultent de mesures de redressement, du rétablissement de prestations ou de l’affectation d’un excédent d’actif ; et
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une évaluation actuarielle doit être faite à la date de la fin d’un exercice financier du régime, lequel exercice doit correspondre à l’année civile, sauf, le cas échéant, pour le premier exercice et sous réserve d’une autorisation de Revenu Québec. Le rapport actuariel doit être transmis à Revenu Québec dans les six mois suivant la date de l’évaluation.
Soulignons que les dispositions relatives aux règles de financement des RRPC n’ont fait l’objet d’aucune modification suivant l’étude du projet de loi.
MESURES DE REDRESSEMENT ET MODALITÉS DE RÉTABLISSEMENT DES PESTATIONS
Aux termes de la Loi 68, le texte du RRPC doit mentionner les mesures de redressement applicables en cas d’insuffisance des cotisations ainsi que les conditions et modalités de rétablissement des prestations.
Les mesures de redressement ne doivent laisser aucune discrétion au comité de retraite quant (i) au choix des mesures applicables; (ii) à leur ordre d’application; et (iii) au mode de répartition de celles-ci-entre les participants actifs et non actifs et les bénéficiaires. Le même principe vaut pour les conditions et modalités de rétablissement des prestations.
Par ailleurs, des mesures de redressement distinctes doivent être établies selon qu’elles visent une insuffisance relative aux services postérieurs à la date de l’évaluation actuarielle ou aux services reconnus à cette date.
Les mesures de redressement pouvant être prévues au régime sont les suivantes (étant précisé qu’une combinaison entre ces mesures est possible) : (i) une augmentation des cotisations salariales; (ii) une augmentation de la cotisation patronale (sous réserve toutefois des plafonds prévus au régime); (iii) une réduction des prestations si l’insuffisance des cotisations est relative aux services reconnus à la date de l’évaluation; ou (iv) une réduction de la cible des prestations si l’insuffisance est relative aux services postérieurs à la date de l’évaluation.
En outre, une mesure de redressement ne peut prendre effet avant le jour suivant la date de l’évaluation actuarielle ayant constaté l’insuffisance des cotisations, mais doit prendre effet au plus tard un an après ce jour. Cela vaut également pour les conditions et modalités de rétablissement des prestations. À ce sujet, notons qu’une modification a été apportée au texte du projet de loi afin de permettre le rétablissement des prestations avant la pleine constitution de la provision de stabilisation du régime, sous réserve de certaines conditions.
Aussi, si une mesure de redressement peut réduire une prestation dont le service a débuté avant sa date de prise d’effet, elle ne peut avoir d’effet sur des sommes ou des prestations déjà versées.
Soulignons par ailleurs que la modification des mesures de redressement et des conditions ou des modalités de rétablissement des prestations est strictement encadrée et, notamment, n’est possible que si moins de 30 % des participants et bénéficiaires s’y opposent.
AUTRES RÈGLES PRÉVUES PAR LE PROJET DE LOI
Enfin, la version finale de la Loi 68 contient également certaines dispositions spécifiques eu égard aux régimes multigroupes mis en place par des syndicats, à la transformation de certains régimes de retraite interentreprises en RRPC et à certains RRPC existant déjà dans certaines industries (comme celui du secteur des pâtes et papiers). Ces règles n’ont pas été abordées dans le présent bulletin.
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