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Russian Federation v. Luxtona Limited : Production de nouveaux éléments de preuve sur la compétence d’un tribunal arbitral

19 juin 2023

Une partie à un litige peut-elle produire de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’une requête visant l’annulation d’une décision d’un tribunal d’arbitrage sur sa compétence pour entendre un différend? Selon la décision rendue récemment par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Russian Federation v Luxtona Limited, la réponse est « oui », mais sous réserve d’importantes lignes directrices.

Contexte de l’affaire

Dans le cadre d’un différend porté devant un tribunal arbitral siégeant à Toronto, Luxtona Limited (« Luxtona ») a allégué que la Fédération de Russie (la « Russie ») avait violé certains droits en matière de protection des investissements dont disposait Luxtona en vertu du traité sur la Charte de l’énergie, 17 décembre 1994, 2080 RTNU 95 (le « Traité »). Cette allégation était en lien avec un investissement effectué par Luxtona auprès d’une société énergétique russe.

Conformément au principe de compétence-compétence, le tribunal arbitral a entendu les arguments des parties sur la question de savoir s’il avait compétence pour entendre ce différend. Il a conclu dans l’affirmative. La Russie a ensuite déposé une requête auprès de la Cour supérieure de justice de l’Ontario en vue de faire annuler la décision du tribunal arbitral quant à la compétence de ce dernier en invoquant les paragraphes 16(3) et 34(2) de la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial (la « Loi type »).

Dans le cadre de cette requête, la Russie a présenté une nouvelle preuve d’expert portant sur le droit russe, laquelle n’avait pas été présentée au tribunal arbitral. Luxtona s’y est opposée. Le tribunal de première instance a statué que la Russie ne pouvait de plein droit produire de nouveaux éléments de preuve, mais qu’elle devait plutôt satisfaire un critère rigoureux à cet effet. Lors d’un premier appel, la Cour divisionnaire de l’Ontario a infirmé cette décision. L’affaire a ensuite été portée en appel devant la Cour d’appel de l’Ontario (la « Cour d’appel »).

Décision de la Cour d’appel

Devant la Cour d’appel, Luxtona a soutenu que, selon le principe de compétence-compétence, les parties à un litige doivent produire tous les éléments de preuve auprès d’un tribunal arbitral pour que la question de la compétence de ce dernier puisse être déterminée de manière définitive. La Cour d’appel a réfuté cet argument, en indiquant que le principe de compétence-compétence est simplement une règle qui établit une priorité chronologique. Elle a précisé que la contestation de la compétence d’un arbitre doit être réglée d’abord par ce dernier, mais que nulle retenue particulière n’est requise à l’égard de la détermination du tribunal arbitral sur la question.

Par conséquent, la Cour d’appel a statué qu’une cour de révision n’est pas limitée au dossier présenté au tribunal arbitral pour trancher la question de compétence. Elle a noté que le poids des sources doctrinales internationales ne vient pas limiter le pouvoir en matière de recherche de faits d’un tribunal dans son évaluation de la compétence d’un tribunal arbitral.

La Cour d’appel a toutefois insisté sur le fait qu’il ne s’agit pas de donner aux parties l’occasion de présenter de nouveaux éléments de preuve. De fait, la présentation tardive de nouveaux éléments de preuve pertinents pourrait miner l’importance accordée à ces derniers dans le cadre d’une requête visant l’annulation d’une décision d’un tribunal arbitral sur sa compétence.

Principaux points à retenir

Les parties à une affaire portée en arbitrage doivent toujours s’efforcer de présenter les meilleurs arguments possibles devant le tribunal arbitral. Cependant, la décision rendue par la Cour d’appel dans la présente affaire vient confirmer que, dans les circonstances appropriées, les parties peuvent présenter des éléments de preuve additionnels qu’elles estiment nécessaires dans le cadre d’une requête visant l’annulation d’une décision arbitrale en matière de compétence. Les parties doivent toutefois garder à l’esprit la mise en garde de la Cour d’appel : si de tels éléments de preuve étaient disponibles au moment de l’arbitrage mais n’ont pas été présentés au tribunal arbitral, un tribunal de révision pourrait décider à juste titre de leur accorder moins de poids.

Pour en savoir davantage, communiquez avec :

Claude Marseille   +1-514-982-5089
Tom Wagner         +1-403-260-9734
Sahil Kesar           +1-416-863-2450

ou un autre membre de nos groupes Arbitrage ou Arbitrage aux termes de traités sur l’investissement.

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