Au cours du dernier mois, le gouvernement du Canada a mis en œuvre des sanctions économiques et des mesures d’une grande ampleur contre la Russie en lien avec le conflit en Ukraine. Les premières initiatives du Canada en réponse aux événements sont résumées dans notre Bulletin du 28 février 2022. Dans le présent bulletin, nous revenons sur les développements qui se sont produits en mars et faisons le point sur l’ensemble des restrictions actuellement imposées par le Canada en ce qui a trait à la Russie. Étant donné le rythme auquel la situation évolue, les Canadiens devraient veiller à se tenir au courant des changements apportés à ces mesures afin de demeurer conformes à ces dernières.
NOUVELLES MESURES INTRODUITES EN MARS 2022
Après une première série de changements au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (le « Règlement visant la Russie »), dont nous avons discuté dans notre bulletin précédent sur ce sujet, de nouvelles mesures ont été instaurées par le gouvernement du Canada en mars 2022. En voici un résumé :
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Une longue liste de particuliers et d’entités a été ajoutée à l’annexe 1 du Règlement visant la Russie, dont des personnes ayant des intérêts bénéficiaires dans des sociétés exerçant des activités au Canada. Des changements ont aussi été apportés à la disposition opérationnelle du Règlement visant la Russie de façon à élargir la portée de l’interdiction d’effectuer une opération portant sur un bien détenu par une personne désignée ou en son nom aux opérations portant sur un bien qui appartient à une personne désignée ou qui est contrôlé par une personne désignée ou en son nom. Les désignations et les changements apportés au libellé du Règlement visant la Russie accentuent l’importance pour les entreprises canadiennes de réaliser des vérifications diligentes à l’égard des opérations qu’elles ont effectuées ou qu’elles envisagent d’effectuer afin de s’assurer de ne pas enfreindre les sanctions en vigueur à la date de l’opération.
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Le 3 mars 2022, le Canada a retiré le droit de la Russie et du Bélarus de se prévaloir du tarif de la nation la plus favorisée aux termes du Tarif des douanes.
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Le 8 mars et le 16 mars 2022, le Canada a modifié le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Bélarus (le « Règlement visant le Bélarus ») afin d’y ajouter de nouvelles désignations et d’élargir les restrictions existantes applicables au Bélarus.
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Le 10 mars 2022, le Canada a interdit l’importation, l’achat et l’acquisition de produits pétroliers en provenance de la Russie.
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Le 24 mars 2022, le Canada a interdit l’exportation et la fourniture des marchandises et des technologies figurant sur la Liste des marchandises et technologies réglementées à destination de la Russie, sous réserve de certaines exceptions mentionnées ci-après.
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Le 24 mars et le 21 mars 2022, respectivement, le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (le « CANAFE ») a publié un Bulletin spécial sur le blanchiment d’argent lié à la Russie et à l’évasion des sanctions ainsi qu’une Directive aux entreprises canadiennes sur les sanctions du Canada liées à l’invasion de l’Ukraine par la Russie – Invasion russe de l’Ukraine dans lesquels il expose ses attentes envers les institutions financières et d’autres entités déclarantes quant à la détection de possibles tentatives de blanchiment d’argent ayant pour but d’échapper aux sanctions.
La réponse du gouvernement du Canada aux attaques menées par la Russie en Ukraine peut évoluer à tout moment; les entreprises canadiennes ayant des liens existants ou potentiels avec la Russie (notamment par l’entremise de leurs actionnaires, fournisseurs, clients ou prêteurs ou encore en raison de participations indirectes détenues par des particuliers russes bien en vue) devraient donc surveiller de près les changements apportés à la réglementation afin de s’assurer d’adapter constamment leurs programmes de conformité en fonction des nouvelles restrictions.
Le texte qui suit présente un résumé des restrictions imposées à l’heure actuelle par le gouvernement du Canada en ce qui a trait à la Russie, y compris les derniers développements dont il y a été question précédemment.
APPLICATION
À l’instar des autres règlements canadiens sur les sanctions, les interdictions prévues dans les sanctions qui sont décrites aux présentes s’appliquent à toutes les entités constituées en société au Canada, à tous les citoyens canadiens qui résident au Canada ou ailleurs, ainsi qu’à toutes les entités et à tous les particuliers se trouvant au Canada. Les sanctions s’appliquent immédiatement.
Les institutions financières, les courtiers en valeurs mobilières, les gestionnaires de portefeuille, les gestionnaires de fonds, les dépositaires et autres participants des marchés de capitaux et intervenants du secteur des services financiers, ainsi que toutes les entreprises canadiennes faisant affaire avec des entreprises établies en Russie ou détenues ou contrôlées par des Russes, devraient veiller à ce que leurs programmes de contrôle et de conformité en matière de sanctions tiennent compte des ajouts aux listes de personnes désignées, des nouvelles interdictions relatives aux titres de dette et aux biens, ainsi que des régions visées par les nouvelles sanctions.
En outre, bien que le Règlement visant la Russie ne s’applique pas aux filiales étrangères d’entreprises canadiennes, tout citoyen canadien qui est employé par une filiale étrangère est tenu de se conformer à ce règlement. Par conséquent, les entreprises canadiennes et étrangères devaient s’assurer que leurs employés qui sont des citoyens canadiens et qui travaillent à l’extérieur du Canada ne s’exposent pas à des risques de contrevenir aux lois canadiennes sur les sanctions, y compris les dispositions interdisant notamment de faire quoi que ce soit susceptible de faciliter la réalisation d’une activité visée par des restrictions.
INTERDICTIONS DE VASTE PORTÉE VISANT LE SECTEUR FINANCIER RUSSE
La plupart des grandes institutions financières russes figurent actuellement sur la liste de l’annexe 1 du Règlement visant la Russie. Les institutions et les personnes désignées dans l’annexe 1 font l’objet d’une vaste interdiction qui empêchent que leur soient fournis des services financiers ou d’autres services connexes, ou que soient réalisées diverses opérations portant sur un bien leur appartenant, ou encore détenu ou contrôlé par elles ou en leur nom. Les institutions financières russes qui ont été ajoutées à la liste de l’annexe 1 comprennent cinq des six grandes banques de la Russie qui étaient inscrites à l’annexe 2 avant le 24 février 2022 et qui, de ce fait, étaient auparavant assujetties à des sanctions sectorielles interdisant uniquement certaines opérations sur des titres de créance et de capitaux propres. Aux termes du nouveau programme de sanctions, presque toutes les opérations réalisées avec ces institutions financières sont interdites, y compris les services de correspondance bancaire, les prêts et les investissements. Les entreprises canadiennes devront également réévaluer les opérations qu’elles ont réalisées ou qu’elles envisagent de réaliser avec des contreparties qui dépendent du financement ou des services de ces institutions financières désignées.
De façon similaire, de nombreuses sociétés d’énergie russes qui figuraient à l’annexe 3 du Règlement visant la Russie avant le 24 février 2022 se trouvent désormais inscrites à l’annexe 1 et sont donc assujetties au cadre d’interdiction générale.
Depuis le 28 février 2022, la Banque centrale russe, le fonds souverain russe et le ministère des Finances de la Russie figurent également sur la liste de l’annexe 1. Dans le cadre de modifications apportées précédemment au Règlement visant la Russie, lesquelles ont été publiées le 24 février 2022, ces entités publiques étaient inscrites à une autre annexe et ainsi assujetties à une interdiction qui se limitait aux opérations sur de nouvelles émissions de titres de dette par ces entités. Or, par suite de l’inscription de la Banque centrale russe, du fonds souverain russe et du ministère des Finances de la Russie à l’annexe 1, pratiquement toutes les opérations avec ces entités sont désormais interdites. Cette mesure vise à empêcher la Russie de puiser dans ses réserves de change international. À cet égard, il y a lieu de noter aussi que la Banque du Canada a été ajoutée à la liste des institutions financières qui sont tenues d’effectuer des vérifications et de produire des déclarations à l’égard des biens de personnes désignées en vertu du Règlement visant la Russie.
Au cours du dernier mois, le Canada a continué d’ajouter des noms sur la liste des personnes désignées aux termes du Règlement visant la Russie. En date du 29 mars 2022, 729 particuliers et 135 entités figuraient sur la liste de l’annexe 1 en tant que personnes désignées, dont de nombreux membres du gouvernement russe, des sociétés russes de premier plan, des personnes d’affaires, ainsi que les membres de leur famille, et d’autres entreprises liées.
Les interdictions visant les personnes désignées inscrites à l’annexe 1 ne s’appliquent pas expressément aux filiales de ces personnes. Cependant, les entreprises canadiennes se livrant à des opérations avec des entités qui sont liées à une personne désignée devraient évaluer attentivement les répercussions d’un tel lien sur la conformité aux interdictions.
De plus, le Canada et d’autres pays membres du G7 ont annoncé que plusieurs banques russes avaient été exclues du système de messagerie bancaire SWIFT.
RÉGIONS DE L’UKRAINE
Des modifications apportées au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine (« Règlement visant l’Ukraine ») interdisent certaines activités liées à des régions situées dans l’est de l’Ukraine, lesquelles sont désignées dans ce règlement comme étant « la dite République populaire de Donetsk et du territoire qu’elle contrôle dans la région de Donetsk dans l’est de l’Ukraine » et « la dite République populaire de Louhansk et du territoire qu’elle contrôle dans la région de Louhansk dans l’est de l’Ukraine » (respectivement, la « région de Donetsk » et la « région de Louhansk »).
Ces restrictions sont semblables en grande partie à celles qui visent actuellement la région de Crimée et interdisent aux Canadiens et aux personnes au Canada de se livrer aux activités suivantes :
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effectuer un investissement qui comporte une opération relative à un bien se trouvant dans la région de Donetsk ou la région de Louhansk et qui appartient à l’une ou l’autre de ces régions ou à une personne qui s’y trouve, ou qui est détenu ou contrôlé par l’une ou l’autre de ces régions ou par une personne s’y trouvant;
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fournir ou acquérir des services financiers ou connexes à l’égard d’un investissement dans la région de Donetsk ou dans la région de Louhansk;
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importer, acquérir ou vendre des marchandises de la région de Donetsk ou de la région de Louhansk, ou de toute personne s’y trouvant, ou exporter des marchandises destinées à l’une ou l’autre de ces régions ou à une personne s’y trouvant;
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fournir à la région de Donetsk ou à la région de Louhansk ou à une personne s’y trouvant toute aide technique;
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fournir à la région de Donetsk ou à la région de Louhansk ou à une personne s’y trouvant des services financiers ou connexes liés au tourisme ou encore, acquérir de tels services à l’égard d’activités touristiques dans ces régions.
IMPORTATIONS ET EXPORTATIONS
Le Règlement visant la Russie interdit l’exportation ou la fourniture de certaines marchandises et technologies à destination de Russie ou de personnes s’y trouvant, notamment divers articles dans les domaines de l’électronique, des télécommunications, des capteurs et des lasers, de la navigation et de l’avionique, de la marine, de l’aérospatiale et des transports. Les articles visés sont énumérés dans la Liste des marchandises et technologies réglementées publiée par Affaires mondiales Canada. Plusieurs exceptions s’appliquent, cependant. C’est le cas des marchandises pouvant servir au gouvernement du Canada ou à un pays partenaire énumérées à l’annexe 6 du Règlement visant la Russie, ainsi que des ordinateurs, téléphones mobiles, téléviseurs et autres appareils de communication destinés aux consommateurs et généralement accessibles au public.
Le Règlement visant la Russie interdit également l’importation, l’achat ou l’acquisition de produits pétroliers figurant sur la liste de son annexe 5 et provenant de la Russie ou d’une personne qui s’y trouve.
Le gouvernement du Canada a annulé toute licence d’exportation existante émise avant le 24 février 2022, en vertu de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation (Canada), pour l’exportation et le courtage d’articles à destination de la Russie. De plus, il a suspendu le traitement de toute nouvelle demande de licence d’exportation à l’avenir. Par conséquent, tout article figurant sur la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée du Canada et nécessitant une licence d’exportation ne pourra être exporté vers la Russie à compter du 24 février 2022. Aucune exception n’est prévue pour permettre l’exportation d’articles aux termes d’ententes contractuelles préexistantes ou de licences d’exportation émises antérieurement. Seules les demandes de licences d’exportation liées à des utilisations finales limitées, telles que des fournitures médicales et des besoins humanitaires, seront évaluées au cas par cas à l’avenir. De plus, les interdictions existantes établies aux termes du Règlement visant la Russie à l’égard de l’exportation, de la vente, de la fourniture et de l’expédition de marchandises destinées à l’exploration ou à la production de pétrole en mer, à l’exploration de schiste bitumineux ou à la production d’huile de schiste, ou à l’exploration pétrolière ou à la production de pétrole dans l’Arctique, demeurent en vigueur.
Le gouvernement du Canada a par ailleurs retiré le droit de la Russie et du Bélarus de se prévaloir du tarif de la nation la plus favorisée aux termes du Tarif des douanes. Par conséquent, le « tarif général » est désormais appliqué aux marchandises importées au Canada en provenance de la Russie ou du Bélarus. De ce fait, pratiquement toutes les importations provenant de la Russie et du Bélarus sont maintenant assujetties à un taux de 35 %. La Russie, le Bélarus et la Corée du Nord sont les seuls pays dont les importations sont passibles du tarif général.
Enfin, le Règlement visant la Russie interdit l’amarrage au Canada des navires immatriculés en Russie ou utilisés par elle, une personne qui s’y trouve, ou toute personne désignée dans le Règlement visant la Russie, en leur nom ou pour leur bénéfice, ainsi que le passage au Canada de ces navires.
AVIS DU CANAFE
Le CANAFE, un organisme de contrôle ayant pour mandat d’assurer la conformité des entreprises assujetties aux lois canadiennes sur le recyclage des produits de la criminalité, a publié divers documents afin de transmettre de l’information au sujet du blanchiment d’argent et de l’évasion des sanctions en lien avec l’invasion russe en Ukraine.
Le 24 mars 2022, le CANAFE a notamment publié un Bulletin spécial sur le blanchiment d’argent lié à la Russie et à l’évasion des sanctions afin de donner des précisions aux entités déclarantes quant au blanchiment d’argent lié à la Russie, notamment sur les caractéristiques connues des différentes méthodes utilisées. Dans son bulletin, le CANAFE soutient que les personnes et les entités basées en Russie et visées par des sanctions par le gouvernement du Canada, en particulier celles dont les actifs financiers ont été acquis par le biais d’activités illégales, sont susceptibles de déployer des techniques et des canaux de blanchiment d’argent établis pour échapper aux sanctions.
Ce bulletin décrit également le recours à des sociétés fictives, aux opérations de correspondance bancaire, à des réseaux complexes de structures d’entreprise ou à des opérations en cryptomonnaies comme principal moyen utilisé dans les tentatives de blanchiment d’argent lié à la Russie ou au Bélarus ou d’évasion aux sanctions. De plus, le CANAFE signale que le système SPFS, le pendant russe du système SWIFT, pourrait être utilisé pour blanchir de l’argent ou contourner les sanctions à la suite de l’expulsion de nombreuses banques russes du système SWIFT. Les institutions financières et les entités déclarantes devraient se reporter au bulletin spécial du CANAFE au moment d’évaluer si une opération effectuée ou tentée qui comporte des activités visées par les sanctions devrait faire l’objet d’une déclaration d’opérations douteuses.
Le 21 mars 2022, le CANAFE a publié une Directive aux entreprises canadiennes sur les sanctions du Canada liées à l’invasion de l’Ukraine par la Russie – Invasion russe de l’Ukraine pour aider les entités déclarantes visées par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (Canada) à prendre en compte les liens potentiels avec des personnes désignées dans le Règlement visant la Russie, le Règlement visant le Bélarus et d’autres lois canadiennes sur les sanctions dans le cadre de leurs programmes visant à évaluer les risques liés à leurs clients, à satisfaire les exigences relatives à la connaissance du client et à détecter les opérations douteuses.
Le 16 mars 2022, le CANAFE a publié la déclaration d’intention du groupe de travail international formé de membres du G7 et d’autres pays et créé dans le but de coordonner les efforts des gouvernements respectifs des membres du groupe de travail et d’accroître le partage de renseignements financiers relatifs à l’évasion des sanctions, au blanchiment d’argent et à d’autres activités illégales en lien avec le conflit en Ukraine.
CONCLUSION
Puisqu’à plusieurs titres, le Canada est un pays commerçant, les mesures annoncées récemment obligeront les entreprises canadiennes à réexaminer en profondeur leurs relations d’affaires et leurs opérations commerciales pour s’assurer de respecter la totalité des nouvelles interdictions liées à la Russie.
Pour en savoir davantage, communiquez avec :
Annick Demers 514-982-4017
Patrick Lapierre 514-982-4105
Vladimir Shatiryan 416-863-4154
Roy Millen 604-631-4220
Ora Morison 416-863-2712
Brady Gordon 604-631-5255
ou un autre membre de nos groupes Commerce international ou Réglementation des services financiers.
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