Le 17 avril 2023, le ministère des Finances du Canada (le « Ministère ») a publié un avis de motion de voies et moyens (l’« Avis ») relatif à la mise en œuvre de certaines propositions prévues au budget fédéral de 2023. L’avis comporte notamment des propositions mises à jour très attendues (les « Propositions ») quant aux règles de divulgation obligatoire publiées initialement le 4 février 2022 et mises à jour le 9 août 2022. Il est également accompagné de notes explicatives mises à jour (les « Notes explicatives »). Veuillez consulter le livre blanc de Blakes intitulé Le ministère des Finances (Canada) publie d’importantes propositions législatives liées à l’impôt pour prendre connaissance de la version initiale des règles de divulgation obligatoire.
Les règles de divulgation obligatoire ont suscité plusieurs commentaires, de nombreuses critiques et d’importantes préoccupations, notamment en ce qui a trait à l’éventail des opérations auxquelles elles s’appliqueraient et aux catégories de contribuables, de conseillers et de promoteurs qui y seraient assujetties.
Les propositions comportent des modifications notables aux règles relatives aux « opérations à déclarer » et aux « opérations à signaler ». À l’heure actuelle, les règles relatives aux opérations à déclarer exigent que soient déclarées les opérations qui comportent un ou plusieurs « marqueurs » de planification fiscale abusive. Les règles relatives aux opérations à signaler exigent quant à elles que soient déclarés certains types d’opérations désignées par le ministre du Revenu national (le « Ministre »), avec l’assentiment du ministre des Finances à l’occasion. (Les nouvelles règles de déclaration applicables aux traitements fiscaux incertains qui ont été annoncées dans les propositions de février 2022 figurent également dans l’avis, mais elles n’ont pas fait l’objet de modifications.)
Les propositions répondent aux critiques qui ont été formulées à l’égard des propositions initiales relativement à certains honoraires et à certaines pratiques de facturation qui ne devraient pas déclencher l’obligation de déclaration en raison du marqueur relatif aux « honoraires conditionnels » énoncé dans les règles relatives aux opérations à déclarer. Elles prennent également en compte les préoccupations qui ont été soulevées à l’égard des protections ordinaires dans les opérations de fusions et acquisitions (« F&A ») qui ne devraient pas déclencher l’obligation de déclaration en raison du marqueur de « protection contractuelle » énoncé dans les règles relatives aux opérations à déclarer. Il convient de noter que bon nombre d’autres préoccupations, notamment celles entourant la portée du marqueur de « protection contractuelle » en dehors du contexte des F&A, n’ont pas encore été abordées.
Aux termes des propositions, les règles mises à jour à l’égard des opérations à déclarer et les nouvelles règles relatives aux opérations à signaler s’appliqueront aux opérations conclues après que les propositions auront reçu la sanction royale. Toutefois, contrairement aux versions précédentes des règles qui avaient été publiées à des fins de consultation, les nouvelles propositions ont été déposées à la Chambre des communes et, en date du 28 avril 2023, ont franchi l’étape de la première lecture. Les propositions seront vraisemblablement mises en œuvre sous peu et conserveront essentiellement leur forme actuelle. Les contribuables et les conseillers pourraient disposer de peu de temps pour mettre en place des processus et des systèmes conformes à ces règles avant que celles-ci ne prennent effet.
OPÉRATIONS À DÉCLARER
Marqueurs
Une opération comportant l’un des trois marqueurs suivants sera considérée comme une opération à déclarer :
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un conseiller ou un promoteur a droit à des « honoraires conditionnels » qui sont rattachés au montant de l’avantage fiscal qui découle de l’opération, qui sont conditionnels à l’obtention d’un avantage fiscal qui découle de l’opération, ou qui sont rattachés au nombre de contribuables qui prennent part à l’opération;
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un conseiller ou un promoteur exige une « clause de confidentialité » relativement à l’opération;
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le contribuable, un conseiller ou un promoteur obtient ou a obtenu une « protection contractuelle », soit toute forme d’assurance ou de protection dans le cas où l’opération échouerait à fournir un avantage fiscal.
La portée des marqueurs et leur application éventuelle à un large éventail d’opérations commerciales ordinaires ont constitué une préoccupation importante et ont fait l’objet de nombreux mémoires déposés auprès du Ministère après l’annonce des propositions initiales visant à modifier l’obligation de divulgation existante (laquelle requiert qu’une opération présente deux des marqueurs). Bien que les propositions n’apportent pas de vastes modifications au libellé des marqueurs en soi (sauf pour ce qui est marqueurs de « protection contractuelle » relativement à certaines opérations de F&A, comme il est décrit ci-après), les notes explicatives indiquent que l’obligation de déclaration élargie aux termes des nouvelles règles ne devrait pas entraîner un fardeau de conformité injustifié. Elles précisent également que les opérations commerciales normales ne posant pas de risque accru d’abus ne donneront pas lieu à une obligation de déclaration en vertu de ces règles.
Les notes explicatives laissent entendre qu’au fil du temps, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») fournira des conseils administratifs quant à son interprétation de la portée des exigences de déclaration. Comme il n’est pas clair quand ces conseils seront fournis, il s’agit d’une maigre consolation pour les contribuables et les conseillers qui devront très bientôt composer avec ces règles.
Marqueur relatif aux honoraires conditionnels
Les notes explicatives fournissent de nouvelles lignes directrices sur les types d’honoraires qui sont censés être visés par le marqueur relatif aux honoraires conditionnels. Elles indiquent expressément que les types d’honoraires suivants ne devraient généralement pas être visés par ce marqueur :
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les « ententes de rémunération » par des professionnels, tels que les avocats et les comptables, dans lesquelles une rémunération est convenue selon des critères autres que la valeur de l’avantage fiscal découlant d’une opération ou d’une série d’opérations;
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les ententes relatives aux frais de litige éventuels dans le cas d’appels de cotisations fiscales pour des opérations réalisées, lorsque le plaideur ne serait autrement pas considéré comme un « conseiller » relativement à l’opération en question;
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les honoraires standards perçus par les institutions financières aux fins de la création et de l’administration de comptes financiers (tels que des comptes REER);
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les honoraires par opération normaux pour des opérations sur titres dans le cadre des programmes de vente à perte à des fins fiscales en fin d’année.
Dans l’ensemble, les notes explicatives indiquent que les honoraires standards relatifs à la fourniture d’un compte financier ordinaire qui est offert de façon générale dans un contexte commercial ou d’investissement normal ne devraient habituellement pas donner lieu à une obligation de déclaration en soi, à la condition que d’autres faits et circonstances ne démontrent pas que le fournisseur est par ailleurs considéré comme un « conseiller » à l’égard d’une opération à déclarer dans le cadre de laquelle le compte est utilisé.
Les propositions instaurent une exception précise à l’obligation de déclaration en raison du marqueur relatif aux honoraires conditionnels en ce qui a trait aux honoraires pour la préparation de demandes de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS&DE »), et ce, même lorsque de tels honoraires dépendent des avantages fiscaux découlant de telles demandes.
Marqueur relatif à la protection confidentielle
Les propositions n’apportent aucune modification ou mise à jour à l’égard du marqueur relatif à la protection confidentielle.
Marqueur relatif à la protection contractuelle
Les propositions comprennent une nouvelle exception au marqueur relatif à la protection contractuelle lorsque cette protection fait partie intégrante de certaines opérations de F&A, pourvu qu’elle soit destinée à s’assurer que le prix d’achat payé dans le cadre de l’opération tienne compte des passifs de l’entreprise cible immédiatement avant l’opération et qu’elle soit obtenue principalement à des fins autres que l’obtention d’un avantage fiscal découlant de l’opération ou de la série d’opérations. Les notes explicatives précisent que cette nouvelle exception s’applique aux déclarations, aux garanties et aux indemnités standards entre un acheteur et un vendeur dans le cadre d’une opération de F&A, ainsi qu’aux polices d’assurance de déclarations et de garanties traditionnelles. Il y a lieu de noter que cette nouvelle exclusion ne fait aucune distinction entre les risques non identifiés et les risques fiscaux antérieurs cernés spécifiquement dans le cadre d’un processus de vérification diligente. Cette nouvelle exception devrait dissiper les préoccupations selon lesquelles le libellé de portée générale du marqueur relatif à la protection contractuelle générerait en soi une exigence de déclaration pour la presque totalité des opérations de F&A ordinaires.
La nouvelle exception remplace l’exclusion prévue à ce marqueur qui était établie dans la version précédente des règles applicables dans le cadre d’opérations commerciales normales, qui n’étendait pas la protection aux opérations d’évitement. Cette exclusion avait été critiquée comme étant trop limitée compte tenu de la portée de la définition d’opération d’évitement, y compris dans le contexte des opérations de F&A. Bien que la nouvelle exception puisse répondre à ces préoccupations dans le contexte des F&A, elle est adaptée étroitement aux F&A et permet une application plus large des règles à d’autres opérations commerciales normales qui comportent habituellement une certaine forme de protection à l’égard du traitement fiscal prévu.
Or, comme les notes explicatives semblent indiquer que ces opérations ne sont pas non plus censées être visées, faute de directives additionnelles du Ministère ou de l’ARC, il y a lieu pour les contribuables et les conseillers de faire preuve de prudence dans de tels cas.
OPÉRATIONS À SIGNALER
Aux termes des règles relatives aux opérations à signaler, le ministre aura le droit de désigner à l’occasion certains types d’opérations ou de situations de fait comme étant assujettis à une obligation de déclaration. Un document d’information, publié concurremment avec la version originale des règles en février 2022, décrivait six types différents d’opérations pouvant être ainsi désignées. Les propositions relatives aux règles sur les opérations à signaler ne font pas davantage référence à ce document d’information, et les notes explicatives n’apportent aucune nouvelle indication quant aux types d’opérations qui seront ainsi désignées. Par ailleurs, notons que les propositions prévoient toujours que de nouvelles opérations peuvent être désignées de la manière que le ministre des Finances juge appropriée, notamment par l’intermédiaire du site Web de l’ARC.
Les propositions maintiennent également un concept annoncé précédemment, soit le concept très large d’opérations « sensiblement semblables » aux opérations expressément désignées comme devant être signalées (tel que nous en avons discuté dans notre livre blanc de 2022).
Les propositions introduisent une défense fondée sur la diligence raisonnable aux termes des règles relatives aux opérations à signaler à l’égard des contribuables participant à une opération qui ont exercé le degré de soin, de diligence et d’habileté nécessaire pour déterminer s’il s’agit ou non d’une opération à signaler. Selon les notes explicatives, un contribuable satisferait à ce critère s’il interroge ses conseillers sur les éventuelles obligations de déclaration pouvant découler d’une opération et s’il a été informé par ses conseillers que l’opération en question n’entraîne aucune obligation de déclaration.
Les propositions remplacent l’exception annoncée précédemment relativement aux « services financiers secondaires ou auxiliaires » fournis par certaines institutions financières par une exception de plus vaste portée qui s’applique à tout promoteur ou conseiller à l’égard d’une opération à signaler, pourvu que le promoteur ou le conseiller ne sache pas ou qu’il n’ait vraisemblablement pas dû savoir que l’opération était une opération à signaler. Selon les notes explicatives, cette exception vise à restreindre la catégorie des conseillers (lesquels peuvent comprendre des experts qui ne fournissent pas de conseils fiscaux) qui seront tenus de faire des déclarations, laissant ainsi entendre que la question de savoir si l’on peut vraisemblablement s’attendre à ce qu’un conseiller sache qu’une opération est une opération à signaler dépendra en partie de la nature de la participation de ce dernier à l’opération et de l’expertise de celui-ci. Les notes explicatives fournissent notamment l’exemple suivant : on s’attendrait normalement à ce qu’un spécialiste de services de banque d’investissement qui joue un rôle de premier plan dans la gestion de la mise en œuvre d’une opération à signaler connaisse l’objet et les objectifs de l’opération en question. En revanche, il se peut que les conseillers qui fournissent des services plus auxiliaires ou qui ont des mandats restreints relativement à une opération à signaler (par exemple, des conseillers juridiques locaux fournissant des conseils sur des questions propres à un pays particulier dans le cadre d’une opération multiterritoriale) ne puissent vraisemblablement pas savoir qu’il s’agit d’une opération à signaler.
MODIFICATIONS APPLICABLES AUX DEUX SÉRIES DE RÈGLES
Délai de production
Les propositions font passer de 45 jours à 90 jours le délai de production applicable aux opérations à déclarer et aux opérations à signaler. Toutefois, le concept initial selon lequel le délai de production s’amorce à la première des éventualités suivantes, soit le jour où la personne a l’obligation contractuelle de conclure l’opération à signaler ou à déclarer, soit le jour où la personne conclut l’opération à déclarer ou à signaler, demeure inchangé.
Responsabilité solidaire
Aux termes des propositions, les dispositions originales ayant trait à la responsabilité solidaire, lesquelles prévoient que toutes les personnes passibles d’une pénalité pour omission de déclaration d’opération aux termes des règles seraient solidairement responsables de cette pénalité, sont abrogées.
Exception pour les conseillers fournissant des services de bureau ou de secrétariat
Les propositions précisent que l’exception prévue à l’origine dans une version antérieure des règles à l’égard d’une personne qui fournit des services de bureau ou de secrétariat est maintenue pour plus de certitude, en précisant que ces personnes ne devraient normalement pas être assujetties aux obligations de déclaration aux termes des règles relatives aux opérations à déclarer ou à signaler. Cette clarification est bienvenue, car elle laisse entendre qu’un plus large éventail de conseillers à mandat limité ne devraient vraisemblablement pas être assujettis à une obligation de déclaration relativement à de telles opérations.
Exception à l’égard du privilège des communications entre client et avocat
Les propositions comprennent une modification à l’exception relative à l’obligation de déclaration dans les cas où le privilège des communications entre client et avocat s’applique. Aux termes des propositions, cette exception s’appliquera à tous (par opposition aux avocats seulement) à l’égard des renseignements pouvant être raisonnablement considérés comme étant protégés par le privilège des communications entre client et avocat. Cette exception s’appliquera donc aux renseignements détenus par les contribuables et les conseillers qui ne sont pas des conseillers juridiques (tels que les comptables), pourvu qu’il y ait lieu de croire raisonnablement que ce privilège s’applique à ces renseignements.
MAINTIEN DES RÈGLES SUR LE PROLONGEMENT DE LA PÉRIODE DE NOUVELLE COTISATION
Il est à noter que les propositions ne modifient pas les règles publiées antérieurement visant à prolonger la période normale de nouvelle cotisation à l’égard des opérations à déclarer et à signaler pour lesquelles une déclaration de renseignements n’a pas été produite. De nombreuses critiques du libellé actuel de ces règles soulignaient que ces dernières risquaient d’imposer une période de nouvelle cotisation prolongée à des contribuables qui se conforment entièrement à leurs propres obligations de déclaration du fait qu’une autre personne (par exemple, un conseiller relativement à une opération donnant lieu à l’obligation de déclaration) a manqué à ses obligations de conformité. Cette proposition demeure une préoccupation importante.
Pour en savoir davantage, communiquez avec :
François Auger +1-514-982-4117
Andrew Spiro +1-416-863-3165
Lara Friedlander +1-416-863-5278
ou un autre membre de notre groupe Fiscalité.
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